23 Mai 2021. Dimanche de la Pentecôte

Chers frères et sœurs,

Au début de chaque messe de la Pentecôte, c’est pareil : je m’inquiète. Je me demande, en m’asseyant : va-t-il y arriver ? « Il », c’est le lecteur de la première lecture, et le défi qui m’inquiète, c’est cette partie de la première lecture qui déroule les noms de tous ces peuples anciens : « Parthes, Mèdes et Élamites… » Ce matin, Dieu merci, le lecteur les a tous très bien prononcés ! 

Si certains lecteurs butent sur la prononciation de ces noms, c’est pour une bonne raison : jamais on ne parle de ces peuples, disparus depuis des siècles. Jamais, ou presque. A Noël en effet, on a soudain reparlé des Élamites. Un archéologue français chercheur au CNRS de Lyon, François Desset, venait de décrypter la langue du royaume d’Élam, au Sud-Ouest de l’actuel Iran, en travaillant sur des tablettes vieilles de plus de quatre mille ans. La récompense d’un énorme travail, sur une langue vieille comme le monde, rangée au rayon des antiquités ! Au cours des générations, des Juifs s’étaient répandus dans tous les pays du Proche-Orient, formant çà et là de petites communautés bilingues : ils parlaient à la fois la langue du pays et la leur propre. Au royaume d’Élam, on peut imaginer que vivaient depuis longtemps des descendants des Juifs déportés à Babylone, et qui s’y étaient installés, sur le chemin du retour de la déportation. Ces Juifs de la diaspora, par dizaines de milliers, revenaient en pèlerinage à Jérusalem pour les grandes fêtes : Pâques, la fête des Tentes, et Pentecôte ; et la ville, pleine à craquer, s’emplissait d’un brouhaha incroyable. 

Pourquoi saint Luc, dans les Actes des apôtres, énumère-t-il ces peuples avec tant d’insistance, au risque de tant et tant de mauvaises prononciations ? Derrière cet inventaire à la Prévert, il y a un rappel de la prophétie d’Isaïe qui en décrivant le règne de paix et d’unité du Messie de Dieu, annonce un grand rassemblement, à Jérusalem, des « restes » du peuple dispersés à travers le monde : « Ce jour-là (…) le Seigneur étendra la main pour reprendre le reste de son peuple, ce reste qui reviendra d’Assour et d’Égypte, de Patros, d’Éthiopie et d’Élam, de Shinéar, de Hamath et des îles de la mer. Il lèvera un étendard pour les nations ; il rassemblera les exilés d’Israël ; il réunira les dispersés de Juda des quatre coins de la terre. » (Is 11, 11-12) Vous le voyez, on en revient toujours aux Élamites ! 

Qu’est-il arrivé aux Juifs Élamites en ce jour de la Pentecôte ? Mettons-nous à leur place : alors que, depuis leur arrivée à Jérusalem, ils s’efforçaient de pratiquer l’Hébreu local aussi bien que possible, en dépit de leur accent étranger, ils ont la surprise d’entendre soudain parler dans la langue d’Élam, alors qu’ils sont à des centaines de kilomètres de leur maison ! Et ce qu’ils entendent, ce sont « les merveilles de Dieu », et, on peut le deviner, spécifiquement la merveille concernant le Christ, Dieu incarné, mort et ressuscité. Cela, le cœur de notre foi, ils l’entendent non pas en Hébreu, mais en Élamite. N’est-ce pas étrange puisque, justement, ils sont bilingues ?

La clef de cette étrangeté nous est donnée par l’évangile. Jésus, parlant de l’Esprit-Saint qui doit venir, dit ceci : « Ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même :
mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.
Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » Il insiste sur le fait que la double mission de l’Esprit-Saint est de répéter les paroles du Fils et de les éclairer, de les traduire. Ainsi, lorsque les apôtres parlent sous l’action des langues de l’Esprit Saint, non seulement les pèlerins Juifs originaires d’Élam comprennent le sens de ce qui est dit – l’évangile en résumé qui leur est annoncé – mais ils mémorisent les mots par lesquels, revenus chez eux, en Élam, ils pourront transmettre la foi nouvelle qui vient de leur être donnée. 

Lorsque nous prions Dieu, n’oublions pas de prier l’Esprit-Saint, et de prier dans l’Esprit-Saint. Devant le Père, nous savons prier comme des enfants. Devant le Fils, nous savons prier comme des amis. Devant l’Esprit, prions comme des polyglottes qui désirent parler clair et juste dans une langue nouvelle. L’Élamite n’est pas une langue morte, mais une langue qui renaît de ses cendres. Prions l’Esprit Saint de nous donner la même persévérance que ce chercheur du CNRS.  Pour scruter l’Ecriture, pour la déchiffrer, pour la traduire, il faut commencer par l’aimer. Si nous l’aimons et le sollicitons, l’Esprit de Dieu nous donnera les mots pour dire autour de nous que l’évangile n’est ni pas texte mort au rayon des antiquités, mais une merveille, une parole de feu, une langue vivante !

Amen.

Profitez de ce dimanche de la Pentecôte pour prendre votre premier cours d’ Élamite : https://www.youtube.com/watch?v=bUrvXj2w5RE

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