Dimanche 28 novembre 2021. Premier dimanche de l’Avent

Chers frères et sœurs,

Jésus se prendrait-il pour Nostradamus, en nous décrivant un avenir terrifiant tout en laissant planer le doute sur la date ? Ces signes déconcertants sur la terre comme au ciel, faut-il que nous devinions à quelle époque ils vont se produire ? Est-ce dans mille ans ? Est-ce pour le vingt-deuxième siècle ? Est-ce l’affaire de quelques décennies, de quelques années ? A quel horoscope, à quelle diseuse de mauvaise aventure devons-nous nous fier ?

Le temps dont Jésus parle, je le crois, c’est maintenant. Car, sans être Madame Soleil et sans lire dans le marc de café, je constate que ce que Jésus décrit correspond au monde qui nous entoure. Presque plus rien de ce qui nous semblait solide et immuable ne l’est complètement. La création se dégrade, la coexistence entre concitoyens est de plus en plus difficile, les repères traditionnels sont bousculés et les figures d’autorité contestées. Les institutions, la notoriété, le prestige, tout est bafoué, et tout ! Et, de ce fait, des gens qui meurent de peur, j’en rencontre souvent. Il est rare qu’ils meurent de peur tout d’un coup, de surprise ; ils meurent plutôt de peur à petit feu, ils meurent de longue angoisse et par manque d’espérance. Pour détourner le regard de ce présent insupportable et d’un avenir pire encore, ils choisissent parfois la fuite : ils alourdissent leur cœur, dit Jésus, dans les beuveries et l’ivresse, les paradis artificiels, faussement rassurants, les dérivatifs de toute sorte qui, malgré tout, les tuent petit à petit. 

C’est pour eux en particulier, pour ceux qui meurent de peur, que l’Avent existe, car l’Avent nous invite à regarder le présent sans pleurer, et sans cligner des yeux. Pour tourner nos yeux vers l’avenir, il faut commencer par les poser sur cet aujourd’hui, tel qu’il est. Il faut vivre l’instant présent. Dans ce but, sainte Mère Térésa avait écrit un petit texte qu’elle avait fait placer dans la sacristie de toutes les chapelles des Missionnaires de la Charité, texte adressé aux prêtres qui se préparaient à célébrer la messe : « Prêtre de Jésus-Christ, célébrez cette messe comme si c’était votre première messe, votre dernière messe, votre unique messe. »

Pour avoir quelquefois célébré la messe chez les Missionnaires de la Charité, j’y ai lu ce texte si simple et si fort. Et j’ai bien souvent constaté que je ne faisais pas ce qu’il me demandait, tellement je suis distrait. Que de fois, en célébrant la messe, je me mets involontairement en pilote automatique pendant le credo ou la prière eucharistique. J’ai beau résister, mon esprit s’envole et, tandis que ma bouche prononce les paroles de la messe, je me mets à penser à ce coup de téléphone que je dois donner, à ce que m’a dit telle personne, voire au pot-au-feu que je prévois de préparer de retour chez moi… Bref, je m’évade trop vite, trop souvent, de ce qui devrait être ma première messe, ma dernière messe, mon unique messe.

Les reproches que je me fais à moi-même, chers frères et sœurs, peut-être – qui sait ? – vous concernent-ils aussi. Il se peut que vous aussi vous soyez de temps en temps distraits. Il suffit d’un événement un peu hors du commun pour que l’ambiance de prière de notre assemblée soit rompue : une personne qui s’évanouit, un bébé qui pleure, un oiseau qui vole dans la nef, et hop, l’attention est rompue. Ou, si ce n’est pas l’extraordinaire qui nous distrait, c’est l’ordinaire qui nous accable, c’est l’ennui qui nous gagne, et machinalement nous disons des paroles auxquelles nous ne pensons plus : nous les prononçons avec la bouche, mais, là aussi, notre cœur est alourdi, endormi, anesthésié. 

Ce n’est donc pas tout à fait par hasard si l’Église, pour nous réveiller de notre torpeur, pour nous inviter à la concentration et à la conversion, nous donne d’inaugurer en ce premier dimanche de l’Avent la traduction renouvelée du Missel Romain. Il ne s’agit pas d’un nouveau Missel, mais du même, traduit à nouveau : de même que « Jésus-Christ est le même, hier et aujourd’hui et dans l’éternité » (He 13, 8) et qu’il est aussi sans cesse nouveau. En lui, la continuité et la nouveauté ne s’opposent pas mais s’éclairent mutuellement. Il est venu dans un monde perclus d’angoisse et de peur, non pour le supprimer, mais pour le sauver ; dans l’attente de son retour, nous trouvons dans l’eucharistie une source de chaleur, d’espérance et de joie pour combattre tout ce qui risque de nous faire mourir de peur ou d’ennui.

Chers frères et sœurs, laissons-nous étonner par les mots de la messe, par la beauté ancienne et nouvelle des mots de l’eucharistie. Laissons tomber nos peurs, nos addictions et nos distractions, et laissons le Seigneur nous réveiller. Vivons cette première messe en lui demandant de nous donner de vivre également les prochaines au présent, en sachant que chacune est, à ses yeux, notre première messe, notre dernière messe, notre unique messe.

Amen.

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