Il y a un siècle très exactement, le dimanche 26 novembre 1922, avait lieu la découverte du tombeau de Touthânkamon. Le fameux égyptologue Howard Carter, entouré des ouvriers et de son mécène, Lord Carnarvon, sont devant la porte de la chambre funéraire, scellée depuis plus de trente-deux siècles. Solennellement, Carter perce un trou dans la porte, et jette le premier un œil sur la salle qui s’étend de l’autre côté. D’abord, il ne voit rien ; puis, s’habituant à la pénombre, il distingue petit à petit un fabuleux amoncellement de meubles et d’objets, tous plus précieux les uns que les autres. Derrière lui, fébrile, Lord Carnarvon lui demande : « Voyez-vous quelque chose ? » Et Carter répond : « Oui, des merveilles ! »
En ce premier dimanche de l’avent, cet anniversaire tombe à pic : la métaphore est belle, qui nous dépeint l’avent comme une grande et excitante chasse au trésor, à travers la pénombre des couloirs d’un vaste mastaba. Ce tombeau n’est pas notre tombeau, c’est un coffre-fort plein à craquer des merveilles de Noël ! Rien que cela devrait nous donner envie de nous lancer dans l’aventure qui nous tend les bras.
Mais, si vous le voulez bien, allons encore un peu plus loin. Après avoir suivi Carter jusqu’à sa découverte, remontons l’histoire en sens inverse. Avant d’ouvrir la porte, il a fallu la percer ; avant cela, il a fallu en déblayer le corridor d’accès ; avant cela, ouvrir une première porte ; avant cela, dégager l’escalier menant à la tombe ; avant cela, en découvrir la première marche. Et surtout, avant tout cela, il a fallu des mois, des années de fouilles apparemment infructueuses, où chacun a pu se demander si ses efforts étaient utiles ou vains, si sa patience était méritée, si son argent était bien employé… Elle est longue et secrète, l’histoire de la persévérance des chercheurs de trésor. Certes, à partir de la fin, on peut relire l’histoire en disant qu’elle avait un sens ; mais à partir du début, qui peut deviner la fin ?
Il y a chez saint Paul du Howard Carter, ou, du moins, il y a chez lui un esprit remarquable d’aventurier et d’explorateur, dont nous avons maints exemples dans ses écrits. Cela se sent bien dans la Lettre aux Romains, où il exhorte ses lecteurs, pour se donner du courage, à ne pas penser l’histoire du salut à partir du début, mais à partir de la fin. Étrange idée, puisque nous écrivons toujours un récit historique dans le sens de son déroulement ; de sorte que ce qui est le plus proche de nous, c’est ce qui est dans le passé le plus récent. Eh bien, saint Paul calcule dans l’autre sens, lorsqu’il écrit : « Le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. » Il rédige l’histoire à partir de son objectif, celui du retour du Christ final dans la gloire. Voilà la fin, le but, l’objectif, et sans que nous le sachions il est à portée de main.
Les mots de saint Paul éclairent ceux de l’évangile, qui peuvent sembler aussi obscurs qu’un couloir de mastaba. Jésus nous exhorte à veiller, à nous tenir prêts, mais dans le même temps il ne donne aucun indice des temps et des circonstances de sa venue. Ce sera une surprise ; et quiconque prétend avoir des connaissances sur le jour J est certainement un charlatan. Ne pas savoir la date n’a rien d’un malheur ; au contraire, c’est bien plutôt une bénédiction. Il nous suffit de savoir une seule chose, c’est que ce jour n’a jamais été aussi proche. Comme les enfants qui jouent à retrouver un objet que l’un d’eux a caché, saint Paul nous répète : « tu chauffes, tu chauffes ! »
L’avent qui commence aujourd’hui est donc le temps pour regarder l’histoire avec Dieu à partir de sa fin. Nous ne sommes pas simplement invités, comme Howard Carter, à plisser les yeux pour regarder dans l’obscurité briller les bijoux du pharaon ; mieux encore, nous sommes invités à nous représenter dans la chambre au trésor, avec Touthânkamon, regardant vers les égyptologues qui grattent dans le noir, à tâtons, ignorants encore des merveilles qui les attendent. C’est cela, regarder à partir de la fin, à la lumière de l’or caché. C’est l’attitude de celui qui, aux portes de Jérusalem, se remémore le chemin parcouru, l’effort, la fatigue et la faim, fier d’être arrivé au bout. Chers frères et sœurs, que ce temps d’avent soit pour nous celui de l’émerveillement d’être aussi proches de Dieu, celui qui est, qui était et qui vient. Laissons les textes de ce dimanche nous guider et nous encourager dans notre chasse au trésor : tu chauffes, tu chauffes, tu brûles !
Amen.