18 juin 2023 – Onzième Dimanche du Temps Ordinaire18 juin 2023

Chers frères et sœurs,

Tous les cinq ans, dans les semaines qui suivent l’élection du Président de la République, le même rituel se reproduit. Le Secrétaire Général du Palais de l’Élysée rassemble la presse et fait publiquement l’annonce de la composition du nouveau gouvernement. Il lit la liste, dans l’ordre protocolaire : premier ministre, ministres et secrétaires d’état. Et les journalistes, aussitôt, dressent le profil des nouveaux membres du gouvernement, essayant de deviner les raisons du choix de chacun : ses qualités, ses réseaux d’influence, ses idées, ses secrets… Même si saint Matthieu ne le dit pas explicitement dans l’évangile, on peut supposer que Jésus, lui aussi, a annoncé publiquement les noms des douze apôtres devant tous les disciples rassemblés, pour que l’autorité qu’il leur donnait soit connue et reconnue. Et l’on peut aussi supposer que les disciples, eux aussi, ont fait des commentaires et se sont posés quelques questions : pourquoi eux ? Pourquoi douze ? Et pourquoi pas moi ? Et pourquoi des apôtres, alors qu’il y a déjà des disciples ?

A toutes ces questions, Jésus semble ne pas répondre. Pourtant, à la fin de ses instructions aux douze apôtres, il prononce cette petite phrase : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » On pourrait prendre ces mots pour une banale formule de savoir-vivre ; en réalité, c’est bien plus que cela. Dans notre vie quotidienne, ce qui est gratuit est un peu ambigu. Une chose gratuite peut sembler séduisante, surtout si l’on aime l’argent et que l’on est économe, voire un peu radin – ce qui est, il faut bien l’avouer, une caractéristique du caractère Lyonnais. Dans ces conditions, on veut bien recevoir gratuitement, mais sans doute pas donner gratuitement. De plus, dans cette logique-là, on aime l’idée de ce qui est gratuit, mais l’on se doute aussi qu’il peut y avoir un piège : lorsque le vendeur de fruits et légumes, à la fin du marché, tient à me donner gratuitement ses dernières tomates, c’est peut-être parce qu’il veut s’en débarrasser : il a envie de rentrer chez lui, ses tomates sont un peu pourries, il feint la générosité… et moi, en acceptant, je ne fais pas réellement une bonne affaire.

Bref : ce qui est gratuit, c’est par définition ce qui n’a pas de prix. Dans notre vie quotidienne, c’est souvent gratuit parce que ça ne vaut pas cher, ou même, parce que ça ne vaut rien. Mais dans la logique de Dieu, si c’est gratuit, c’est parce que c’est infiniment précieux, si précieux que l’on ne peut pas lui donner de prix. « Vous avez reçu gratuitement », dit Jésus : les douze n’ont rien demandé, rien mérité ; ils n’ont même pas plus de qualités que les autres, ils n’avaient pas de droit à devenir apôtres. « Donnez gratuitement » : il n’y ni orgueil, ni profit, ni récompense à tirer de ce titre d’apôtres ; seulement une belle et humble joie.

Résumons : ce qui est gratuit, pour le Christ, c’est ce qui est infiniment précieux, ou pour le dire plus clairement encore, c’est ce qui est sacré. De ce fait, ce qui est sacré, c’est ce qui n’est jamais à vendre. Saint Matthieu précise que Judas, le douzième apôtre, a été « celui-là même qui le livra ». Livrer Jésus, c’est le vendre, pour trente pièces d’argent : une petite fortune qui, après avoir séduit Judas, va le dégoûter et le désespérer. Il a cru faire une bonne affaire, et il s’est fait avoir. Ce qui est précieux aux yeux de Dieu, ce qui est sacré, est souvent incompris, méprisé et moqué. Jésus, écrit saint Paul aux Romains, a donné sa vie gratuitement pour nous, alors même que nous ne le méritions pas : absurde, n’est-ce pas ? Dans une semaine, deux jeunes hommes, Vincent et Augustin, donneront leur vie, dans le célibat, en devenant prêtres de notre diocèse : absurde, n’est-ce pas ? Il y a quatre ans, dans Notre-Dame de Paris en feu, l’aumônier des pompiers s’élance pour aller chercher, au péril de sa vie, l’eucharistie conservée dans le tabernacle : absurde, n’est-ce pas ? Dans un monde qui se méfie du don, dans un monde qui veut avoir du profit et de la rentabilité, dans un monde où tout s’obtient et où tout s’achète, il est prophétique de dire que certaines réalités sont gratuites, sacrées, et donc que personne n’a la permission d’y toucher. L’Église n’est pas une multinationale soumise aux lois du marché, des courants politiques ou des idéologies à la mode : dans son cœur, dans ce qu’elle a de plus essentiel, elle est sacrée, elle est gratuite, parce qu’elle vient de Dieu et qu’elle mène le monde vers Dieu.

Au cœur battant de l’Église, il y a l’eucharistie. Eucharistô, en grec, signifie justement rendre grâces, remercier : au cœur de l’eucharistie, il y a la grâce de Dieu, il y a la gratitude des croyants, il y a la gratuité absolue, infinie, sacrée. Chers enfants qui allez communier pour la première fois, comme Jésus devant la foule, je crois nécessaire de proclamer publiquement la longue liste de vos prénoms : Apolline, Augustin, Auguste, Calixte, Clara, Clément, Constantin, Érica, Grégoire, Hugo, Léana, Léonie, Luc, Marceau, Margaux, Marie, Marine, Matthieu.

Jésus appelle chacun de vous, personnellement, et à chacun de vous, il donne son Corps et son Sang, gratuitement. La première communion, c’est gratuit, parce qu’elle ne m’appartient pas et qu’elle ne vous appartient pas. De même que Jésus a transformé douze disciples en apôtres, de même cette première communion est là pour transformer votre vie. Laissez-le vous appeler, laissez-le vous nourrir, laissez-le vous envoyer. Vous allez communier gratuitement, vivez gratuitement !

Amen.

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