31 mai 2024 – Dimanche du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ

Chers frères et sœurs,

Tout le monde est formel : il se passe chez nous, aujourd’hui, un évènement exceptionnel, extraordinaire, de la plus haute importance. Vous l’avez deviné, cet évènement, c’est le concert à Lyon de la chanteuse américaine Taylor Swift, qui bat tous les records. La ville est en état de siège, on ne trouve plus une chambre d’hôtel, les places se revendent à prix d’or et certains sont prêts à passer vingt-quatre heures dans leur voiture, sans dormir ou presque, pour accéder les premiers à la salle de concert. A tous points de vue, Taylor Swift semble incalculable, inestimable.

Dans quatre jours, nous célébrerons les quatre-vingts ans d’un autre événement de la plus haute importance. Le 6 juin 1944, c’était le Jour le plus long, le débarquement en Normandie. A Lyon, capitale de la Résistance, pour préparer cette grande libération de la France occupée, des hommes et des femmes avaient œuvré dans l’ombre, au péril de leur vie, parce qu’ils croyaient que la cause qu’ils défendaient était juste. Patiemment, ils avaient établi un vaste réseau, avec des rendez-vous, des planques, des codes, des mots de passe. Tout cela parce que, pour eux, la liberté était inestimable.

Taylor Swift et Jean Moulin : je reconnais qu’il y a quelques différences. Mais ces deux histoires, chacune à sa façon, nous posent la question de la place de l’inestimable dans notre vie : elles nous interrogent sur ce qui a vraiment de la valeur, sur ce qui nous fait vibrer, sur ce qui nous rassemble, sur ce pour quoi nous sommes prêts à faire des sacrifices, à risquer notre vie, voire à la donner. Il y a deux-cent-vingt-cinq ans, à quelques centaines de mètres d’ici, un petit garçon faisait sa première communion. Ce n’était pas dans une belle église, mais dans une grange aux volets fermés. On était en août 1799, au temps des moissons, et une charrette remplie de foin avait été mise en travers de la porte de la maison… Le petit garçon s’appelait Jean-Marie Vianney. La messe de sa première communion était une messe clandestine, et si la gendarmerie arrivait, cela pourrait très mal se passer pour tout le monde. Devenu vicaire à Écully, puis curé d’Ars, il s’en est toujours souvenu : la messe, la communion, c’est un trésor inestimable, une source de vie qui mérite qu’on risque sa propre vie.

Dans l’évangile de ce dimanche, nous retrouvons la ville de Jérusalem dans une ambiance taylorswiftienne. La cité est pleine à craquer de pèlerins venus de partout pour la fête de Pâques, tout est complet, les rues sont noires de monde. De leur côté, Jésus et ses disciples, sont plutôt comme une petite Armée des ombres, forcée à la clandestinité. C’est un vrai jeu de piste que Jésus fait faire à ses disciples : à leur entrée en ville, ils croiseront un inconnu porteur d’une cruche d’eau, il faudra le suivre, et ensuite transmettre à un deuxième inconnu une question mystérieuse de la part du « Maître », mais sans jamais citer le nom de Jésus. Tout suggère que Jésus a anticipé et planifié ce rendez-vous clandestin. Rien n’est laissé au hasard et, en somme, tout est déjà prêt, depuis longtemps.

Je regrette que le mot de passe élaboré par Jésus soit traduit de manière incomplète. Car, contrairement à ce que nous avons lu, la question n’est pas : « Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? », mais « Où est MA salle » ? Certes, c’est un peu lourd, mais c’est un détail qui a toute son importance. Jésus emploie le possessif pour dire qu’il est – enfin – chez lui. Sans cesse dans l’évangile, nous l’avons vu sur les routes, vagabond, pèlerin, sans domicile fixe. Et pourtant, cette salle est la sienne : il reconnaît qu’il existe un lieu dans le monde, un seul, qui lui corresponde, et c’est lui qui va recevoir ses disciples à sa table. Ce dernier repas avec eux est aussi le premier dont il n’est pas l’invité, mais le maître.

Chers Castille, Amandine, Bastien, Nicolas et Estelle, cette salle est la vôtre. La salle qu’est cette église S. Blaise d’Écully. Et aussi, tout lieu où est célébrée l’eucharistie : que ce soit une basilique de cinq mille places ou une chapelle ou l’on tient difficilement à sept. Partout où vous irez, il y aura un lieu que vous pourrez appeler « ma salle » : au fin fond du Saskatchewan, de la Mongolie Orientale, de la Terre-de-Feu ou du Lesotho, vous la trouverez. La première communion est aussi communion au corps des catholiques du monde entier : cela aussi, c’est inestimable.

« Où est ma salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? » « J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur. » Ces verbes sont au futur, car cette messe pleine de références au passé nous projette en fait vers l’avenir. En ce 2 juin, nous fêtons le martyre de saint Pothin, sainte Blandine et leurs compagnons, les premiers Chrétiens de Lyon : ils ont donné leur vie pour nous transmettre l’inestimable qu’ils avaient reçu. Nous sommes un peu du futur qu’ils ont entrevu. Et avec eux, nous nous tournons vers le futur qui est le Christ en personne, « le Grand Prêtre des biens à venir. » Au moment de quitter cette paroisse, je prie spécialement pour tous ceux à qui j’ai un jour, ici même, donné la première communion. Parmi eux se trouvent les fidèles d’aujourd’hui… et, j’en suis sûr, les prêtres de demain ! Si vous sentez que le Seigneur vous appelle à entrer dans son jeu de piste, à préparer sa salle pour le repas et à donner l’inestimable, n’ayez pas peur de lui répondre avec joie !

Amen.

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