Merci et Au – revoir Père Thierry : Retour sur cette soirée !

Samedi 24 juin à 18h30, le père Thierry a célébré un messe d’action de grâce pour les treize années passées dans notre ensemble paroissial au service des paroissiens à N-D du Monde Entier à la Duchère.

Nous lui avons dit au – revoir autour d’un apéritif et un dîner partagé. De nombreux paroissiens se sont déplacés pour le remercier et lui témoigner leur amitié. Il a reçu de nombreux cadeaux dont ceux-ci :

Le Lièvre entre deux gîtes

Homélie du Père Martin

Ce lièvre vivait dans un gîte fort peuplé
Dont il pouvait nommer Alexandre ou René ;
Catherine, Marthe et même Anastasie,
Matthieu, Véronique et la petite Lucie.
Sans se tromper, il interpellait son voisin,
Lui disant : comment allez-vous ce matin ?
Et vos enfants ? Et vos parents ?
Puis promptement, il arpentait son champ,
Bénissant au passage mécréants et paysans.


Parfois, pris à parti pour un souci pressant,
Disait : comment faire ? Ainsi s’interrogeant,
Bousculant, parlant fort, il alpaguait ces gens.
Le calme revenu, on louait son entregent
Mais lui courait, souhaitant bon courage
A tous ceux qui comme lui, scrutant les cieux,
Voyaient à l’horizon problèmes et orages.


Il humait thym et serpolet, toutes plantes aromatiques,
Savourait la fine rosée à partager de façon sympathique
Avec ceux qui, comme lui, s’arrêtaient pour observer le monde.
Il aimait admirer , prenant une seconde,
Montagnes, vallons, et prés, pour Sœur Nature plein d’amour.


Son entourage sut un jour,
Que le lièvre changeait de cour
Que c’était pour un mieux,
Que l’on ne pouvait différer
Ni le départ, ni les adieux.


Alors, réunis auprès de l’animal si prompt,
Se remémorant ses leçons et sermons,
D’un seul cœur, de la plus belle des façons,
L’interrogeant sur son avenir,
Ils l’imploraient de revenir…
Lui offrant mets succulents ou l’élixir divin,
Ils tâchaient de retenir ce prochain,
Le remerciant de tout ce qu’il avait fait ici et là.


Las ! Le gîte nouveau l’attendait déjà.
Le temps pressait, il fit son baluchon,
Donnant son superflu, et parfois un peu plus,
Allégeant son fardeau pour voyager léger,
Il partait, avec qui sait ? Peut-être un court regret
Mais en même temps, l’envie de découvrir
D’autres contrées, d’autres gens, recueillir
Leurs émois, leurs peines et leurs troubles
Afin de soulager au mieux leurs âmes éperdues !


Lièvre fila, louant Dieu pour toute chose créée,
Avec sagesse, sans regarder derrière, vers l’inattendu,
Le futur, celui que nul ne peut maîtriser,
Et qui à Dieu seul est révélé !
Au-revoir, Père Thierry au pas pressé !

Chers frères et sœurs,

Lorsque je célèbre la messe dans cette église Notre-Dame du Monde-Entier, j’ai régulièrement la chance et la joie d’observer la surprise de ceux qui entrent dans cette église pour la première fois. Ils sont venus parce que la messe est à une heure qui les arrange, parce qu’ils sont de passage dans le coin, ou pour une occasion spéciale– comme ce soir – et ils s’attendent à trouver une église comme les autres, sur une place de village, avec un clocher pointu et une grosse porte en bois. Étrange : à l’adresse indiquée, il n’y a rien : des immeubles, un parking au bord de la pelouse, et une colline. Or la colline n’en est pas une. Intrigué, étonné, voire un peu inquiet, le nouveau-venu s’avance, il grimpe la petite côte, avec l’impression d’entrer dans un bunker de la ligne Maginot ou du Mur de l’Atlantique. Le mystère s’épaissit. Enfin, dans la colline, au-dessus du bunker, il trouve cette église inattendue, légère et lumineuse. Et à la porte d’entrée – pour les ponctuels – ou depuis l’autel – pour ceux qui sont en retard – j’aime voir le visage ému de ceux qui découvrent pour la première fois le secret de Notre-Dame du Monde-Entier. « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. »

Il faut le souligner : cette petite phrase, « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu », est une vraie bonne nouvelle. Elle n’annonce pas un Dieu espion, voyeur et indiscret, qui rentrerait par effraction dans notre vie et l’exposerait malgré nous sur la place publique. Ce que Dieu dévoile et fait connaître, c’est pour notre bien. Bref, si vous espérez que je profite de cette homélie pour révéler les secrets les plus cachés et les plus croustillants de la vie du Père Thierry et de Sœur Marthe, je vous préviens, vous allez être déçus !

Jésus, dans l’évangile, n’annonce pas le sensationnel, mais exhorte à la persévérance. Peu avant, au début de ce chapitre 10 de l’évangile selon saint Matthieu, il a institué les Douze, il les a envoyés en mission, avec cette double promesse : la mission qu’il leur confie ne sera jamais facile, mais elle sera toujours possible. Ils devront faire leur travail d’apôtre, sans se laisser griser par le succès ni se laisser désespérer par la contradiction. Dans la vie chrétienne, comme dans un bateau porté au gré des vagues, nous naviguons souvent entre ces deux rochers que sont la séduction et l’intimidation. L’une nous fascine, l’autre nous effraie ; l’une et l’autre en veulent à notre liberté, avec des stratégies différentes. Être chrétien, c’est suivre Jésus entre les rochers, gardez les yeux rivés sur lui plutôt que sur les péripéties du chemin. Cette route qui passe entre les rochers, cette route qui semble a priori si difficile à repérer dans le fracas des vagues, c’est elle que Dieu promet de montrer à celui qui le suit avec confiance et fidélité : « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. »

Il y a trois ans, un jour de confinement, nous avions discuté avec Thierry et Marc du film Tous les matins du monde, d’Alain Corneau, qui raconte la relation orageuse, à la fin du dix-septième siècle, entre deux maîtres de la musique baroque française, Jean de Sainte-Colombe, et son disciple Marin Marais. Le morceau de musique qui rythme ce grand film s’intitule la Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Paris, publié à la fin de la vie de Marin Marais, en 1723, il y a donc très exactement trois siècles. Dans cette sonate, il y a une basse continue, qui répète inlassablement les trois mêmes notes, Ré Fa Mi, les trois cloches de l’abbaye parisienne de Sainte-Geneviève, à côté du Panthéon. Et autour de cette inlassable répétition, s’enroulent les accords d’un clavecin, d’un violon et d’une viole de gambe, qui se passent la mélodie à tour de rôle.

Au moment de fêter soixante ans de vie religieuse et vingt-deux ans de sacerdoce, je trouve que ce morceau en dit beaucoup sur la vie spirituelle, dans laquelle il y a toujours cette alternance entre l’ostinato répétitif, fidèle, solide, et les envolées lyriques des instruments à cordes, qui prennent appui sur la basse pour s’élever, redescendre, s’élever à nouveau. Si la vie chrétienne est une symphonie, c’est parce qu’il n’y a pas de fidélité sans renouvellement, ni de renouvellement sans fidélité. Répétition et créativité, institution et surprise sont indissociables. C’est parce que la vie fraternelle ressemble à ce morceau de musique, on l’on s’entraide tantôt dans le lyrisme, tantôt dans la persévérance. C’est vrai dans la vie fraternelle d’une communauté comme celle des Sœurs de Jésus Serviteur ; c’est vrai dans la communauté de paroisses qui se rassemblent pour porter ensemble la mission ; c’est vrai dans une famille chrétienne, première cellule d’Église ; c’est vrai dans une équipe de prêtres qui tâchent de collaborer dans une vie de paroisse ; ce fut vrai au presbytère d’Écully lorsqu’au printemps 1807, Charles Balley, curé de la paroisse, accueille chez lui deux élèves, un garçon brillant de quatorze ans, Matthias Loras, et un paysan de vingt-et-un ans, peu doué pour les études, Jean-Marie Vianney. Tous, nous nous élevons grâce au Christ, notre basse continue, notre socle, notre source. Parfois, nous retombons, et d’autres montent à leur tour, comme le violon cède la place au clavecin, puis à la viole de gambe, avant de retrouver sa place. Monter, tomber, se relever, recommencer, persévérer, s’entraider. La vie chrétienne est symphonique !

En référence à la volée des cloches de l’Abbaye Sainte-Geneviève, Marin Marais a appelé sa sonate une Sonnerie. Le mot devait être élégant il y a trois siècles ; aujourd’hui, il évoque la sonnerie du réveil à la fin de la nuit, la sonnerie de l’école à l’heure de la récréation, ou des grandes vacances, la sonnerie qui précède un message important, celui que l’on proclame sur les toits. Dans cette messe d’action de grâces, laissons résonner ce que vous avez vécu, chère Sœur Marthe, cher Thierry, au long de ces années de service, et ce que nous avons avec vous. Merci pour ce que vous nous avez donné, ce que nous mesurons, et aussi ce que nous ignorons encore, ce qui est caché et qui, un jour, nous sera révélé. La sonnerie retentit, qui vous appelle à de nouvelles aventures, à de nouveaux accords de violons, à de nouvelles mélodies. Pour une sonnerie… c’est une belle sonnerie !

Amen.



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