13 novembre – Trente deuxième dimanche du Temps ordinaire

Chers frères et sœurs,

Depuis le départ de notre pèlerinage sur les pas de Don Bosco, il me semble que nous avons très souvent répété les mêmes mots : « Attendez, les enfants ! Attendez, du calme… attendez encore… C’est bon, allez-y ! » Vous avez pu entendre ces mots, dans cet ordre précis, à la montée dans le car, à la descente du car, à l’entrée du Valdocco, en visitant les différentes églises, le musée salésien, à l’entrée à l’hôtellerie de Colle Don Bosco, de la maison natale… C’est toujours pareil : il y a un temps pour tout. Un temps pour rester immobile… et il y a un temps pour foncer. Le premier est au service du second : il faut savoir se calmer pour mieux se préparer ; se préparer pour mieux s’élancer.

L’évangile de ce dimanche, lui aussi, est en deux parties : une histoire d’attente et de rencontre. Jésus met en scène dix jeunes filles qui, d’après ce que l’on peut deviner, ont été embauchées pour jouer le rôle de mariachis, comme on dirait au Mexique : elles sont chargées de mettre l’ambiance pendant le mariage qui se déroule ce jour-là. Une jeune mariée attend son époux dans la salle où ils vont célébrer leurs noces, et le petit orchestre des dix demoiselles doit veiller près de la porte pour repérer l’époux, quand il s’engagera sur le chemin : alors, elles iront au-devant de lui, pour l’accueillir, l’éclairer et lui faire cortège en musique, jusqu’à ce qu’il soit main dans la main avec sa femme. Pour faire bonne mesure, sans doute entonneront-elles encore aussi quelques chants joyeux, et leur mission sera accomplie. Pas très difficile, n’est-ce pas ? Mais voilà, il y a un hic : l’époux n’a pas indiqué à quelle heure il arrivera. Les ombres s’allongent, la nuit tombe, l’attente s’éternise. Les demoiselles rêvent de l’instant où elles pourront s’élancer vers l’époux, mais, en attendant… il faut attendre, se disent-elles en bâillant.

A ces deux moments de la parabole correspondent, je crois, deux mots essentiels de la pédagogie de Don Bosco, dans laquelle attente et action ne s’opposent pas, mais se complètent.

Le premier mot est la Patience. Les adultes de cette époque attendaient que les enfants se montrent d’une obéissance impeccable, mais eux-mêmes n’entendaient pas faire montre avec eux d’une quelconque patience : toute erreur, tout retard, tout manquement entraînait une bonne taloche en guise de correction. Quand le petit Jean répond un jour avec insolence à son frère Antonio qu’il compare à un âne, il risque une telle punition qu’il est obligé de vivre deux ans loin de chez lui, au domicile d’un paysan qui l’engage comme garçon de ferme. Devenu prêtre, Don Bosco aurait tout-à-fait pu reproduire sur les gamins des rues le modèle qu’il avait subi. Or, une chose qui étonne spécialement les Turinois est la patience avec laquelle il traite les « vauriens » dont il s’occupe. De nombreuses années plus tard, il en parler dans une lettre aux Salésiens : « Que de fois, mes chers fils, dans ma longue carrière, j’ai dû me persuader de cette grande vérité : il est toujours plus facile de s’irriter que de patienter, de menacer un enfant que de le persuader, de châtier les récalcitrants que de les corriger avec fermeté et douceur. Mieux vaut vous recommander à Dieu que de vous laisser aller à un ou¬ragan de paroles qui ne font que du mal à ceux qui les entendent, et ne sont d’aucun pro¬fit à ceux qui les méritent. » Saint François de Sales, le maître spirituel de Don Bosco, n’était pas spécialement d’un tempérament paisible, c’était même un stressé de nature : sans perdre son caractère, il s’était entraîné à désirer la douceur, jusqu’à ce qu’elle s’enracine en lui… Il n’y a pas de malédiction de l’impatience subie et reproduite. Si la patience ne nous est pas naturelle, raison de plus pour la demander !

Le deuxième mot est la Confiance. Les gamins de la rue, à Turin, étaient les premiers estomaqués en constatant que ce prêtre, Don Jean Bosco, après avoir joué avec eux au ballon et leur avoir montré quelques tours de prestidigitation, leur faisait confiance : il les mettait en responsabilité, les chargeait de la réparation de la maison où ils logeaient, leur donnait des missions à accomplir. Bref, il les prenait au sérieux, il ne les traitait pas comme des mineurs à perpétuité. « Il est facile d’obtenir l’ordre par la force, remarquait Don Bosco ; mais l’autorité ne se gagne que par la confiance. » Si la patience permet la pédagogie, la confiance rend possible l’éducation, qui, littéralement (e-ducere), est un mouvement vers le dehors, vers la liberté dans la maturité. C’est d’ailleurs le même mouvement qui se produit à la fin de la parabole : à un moment, enfin, il faut se lever et s’élancer dans l’inconnu. « Au milieu de la nuit, il y eut un cri : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’ » En latin, ‘Sortez’ se dit ‘Exite’, « Allez dehors » : le cri dans la nuit est exactement un cri éducatif, dirigé vers l’époux qui vient, la vraie joie promise et enfin arrivée.

La joie, c’est ce que produit la patience quand elle rencontre la confiance. Même si c’est dans la nuit, même sans l’éclat d’une belle lampe, il y a un rendez-vous à ne pas manquer. Don Bosco a fait de chaque jeune de Turin une parabole de la rencontre du Christ avec son Église bien-aimée. Qui sera son prochain mariachi ?

Amen.

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