15 janvier 2023 – Deuxième dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Il y a à peine plus d’un mois, nous étions déjà avec Jean-Baptiste. Sur les bords du Jourdain, au milieu d’une foule considérable, il parlait du Messie qui devait venir – ou plutôt il criait, il rugissait : « Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Des paroles qui font frémir, d’aise ou de peur ! Après tant de siècles d’injustice, de persécution, de souffrance et d’une interminable attente, Israël allait enfin être vengé. Les justes allaient être récompensés. Les méchants allaient payer. On allait voir ce qu’on allait voir !

Et voilà que, comme souvent dans la Bible, rien ne se passe comme prévu. Jean-Baptiste attend le signe annoncé : l’Esprit-Saint, comme une colombe, va désigner l’élu. Il guette, en se demandant qui sera ce grand héros, ce chevalier blanc qui va apparaître. Et finalement, c’est… Jésus de Nazareth, son propre cousin. Jean-Baptiste n’y comprend plus rien. C’était donc lui ? Mais il n’a pas le profil ! Il n’a pas la carrure ! A moins que ce ne soit lui-même, Jean-Baptiste, qui n’avait rien compris. Il était tellement sûr de ce qu’il voulait voir qu’il n’a pas vu l’évidence. Aussi, il ne faut pas s’étonner si, dans cet évangile, il parle en même temps de Jésus et de lui-même : « Et moi, je ne le connaissais pas (…) Et moi, je ne le connaissais pas (…) Et moi, j’ai vu, et je rends témoignage. »

« Et moi, et moi, et moi. » Dans une chanson célèbre, Jacques Dutronc, par cette répétition, se moque des égocentriques, ceux qui se regardent le nombril et qui rêvent de briller dans la foule, parmi les sept cent millions de petits Chinois. Pourtant, nous pouvons dire « Et moi, et moi, et moi » d’une autre manière : à la façon de Jean-Baptiste, en reconnaissant que Dieu est le Dieu du cœur humain, et qu’il nous aime chacun personnellement, et qu’il se révèle à chacun de nous, à moi, d’une manière unique. Il est toujours légitime de me poser la question : et moi, qu’est-ce que je connais de Jésus, qu’est-ce que je crois connaître, et comment est-ce que je lui permets encore de m’étonner, de me provoquer et de me transformer ?

A Champagne, cette semaine a été pleine d’émoi. Notre église paroissiale a été l’objet d’une grande violence, et cette maison dédiée à la paix a été abîmée, cassée. L’émoi, c’est le trouble qui naît d’une émotion, d’une peur, d’un choc, de quelque chose qui bouleverse le cœur. Et du fait de notre grand émoi, peut-être avons-nous réagi comme Jean-Baptiste au deuxième dimanche de l’avent, bouillonnant d’une grande colère, en espérant qu’un grand feu de justice immanente vienne consumer celui qui a fait tout ce mal.

Or ce dimanche, en découvrant la véritable identité du Messie, Jean-Baptiste ne dit pas : « Voici le dragon de Dieu, qui se venge du péché du monde. » Surprenant, quand on se rappelle ses précédentes dispositions : c’est bien que quelque chose s’est passé en lui. Il ne voit pas en Jésus un justicier impitoyable, une machine de guerre, mais son exact contraire : un agneau, petit et sans défense, qui n’a même pas les cornes d’un bélier pour repousser son ennemi. Et sur lui l’Esprit-Saint descend, non pas un aigle royal aux serres puissantes, mais comme une colombe blanche, à la merci du premier rapace venu. Mardi, dans l’église de Champagne, beaucoup de choses ont été cassées, mais dans la crèche, l’agneau est resté intact, et au-dessus de l’autel, la colombe suspendue n’a pas été touchée. A vous d’en tirer vos propres conclusions.

Cet agneau de Dieu, dit Jean-Baptiste, porte, supporte, emporte, enlève – c’est la richesse de la variété des traductions – le péché du monde. Ce n’est parce qu’il est faible qu’il ne fait rien, au contraire. C’est parce qu’il est faible qu’il peut tout. Son innocence transforme ce qu’elle touche. A la surprise générale, il ne vient pas pour détruire le monde pécheur, mais pour séparer le monde du péché, afin de l’en délivrer. Car le pécheur ne se réduit pas à son péché, en dépit des apparences. Voilà le cœur de la révélation chrétienne, inépuisable nouveauté : jamais avant Jésus-Christ un homme n’a autant haï le péché ; jamais avant lui un Dieu n’a autant aimé le pécheur.

Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde. Chers frères et sœurs, la parole de Jean-Baptiste revêt un sens tout particulier pour nous ce dimanche. Si la crèche se réduit à un agneau, celui-ci suffit à nous dire l’essentiel. Si l’ornementation du chœur se réduit à cette colombe en vol, elle suffit à nous rappeler à notre baptême. L’agneau et la colombe viennent transformer notre émoi en un « et moi » : notre bouleversement intérieur se mue en un appel personnel, cœur à cœur. Vendredi, la réparation matérielle de cette église a commencé, et sa réparation spirituelle ; mais l’homme qui a abîmé notre église, qui le réparera ? C’est lui qui doit avoir la première place dans notre prière, parce que c’est lui qui a le plus besoin du pardon, de la tendresse et du salut de Dieu que l’agneau innocent est venu apporter. C’est pour lui, en premier, que nous célébrons cette eucharistie. Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau !

Amen.

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