16 juin 2024 – Onzième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Chers Apolline, Arthur, Balthazar, Clara, Daphné, Édouard, Flavio, Gaëlle, Gaspard, Jean, Jeanne, Léo, Léontine, Louis, Lucas, Quitterie, Timothée, Valentin et Victoire,

Il y a quelques minutes, pendant l’aspersion, vous étiez peut-être à portée de mon goupillon, et, si c’est le cas, vous avez été correctement mouillés à l’eau bénite. Pardon pour les lunettes et les vêtements que j’ai trempés, mais c’était intentionnel : le jour de votre baptême, le prêtre vous a aspergés avec générosité, je me dois de faire de même aujourd’hui. Les lectures de ce dimanche le suggèrent : de jour et de nuit, c’est aussi l’eau du ciel qui permet à la petite graine, à la plante chétive, de devenir un grand arbre, qui donne toute sa mesure. Il faut donc que ça mouille !

Si notre attention a été attirée naturellement, dans l’évangile, par les deux petites leçons de botanique que Jésus dispense – la graine qui pousse tout le temps, toute seule, « on ne sait comment », et la graine minuscule qui se mue en une immense plante à moutarde – il ne faut pas oublier que saint Marc nous offre aussi une réflexion sur l’art des paraboles, dans lequel le Christ est passé maître, lui qui ne dit rien sans paraboles. Ses paraboles ne sont pas simplement des contes pour intéresser les esprits distraits, elles sont surtout des portes ouvertes sur l’indicible : car les réalités essentielles – l’amour de Dieu, sa providence, son règne – ne se résument pas dans une théorie, mais se dévoilent mieux au travers des images de notre vie quotidienne, de l’expérience humaine et de la culture dans laquelle nous baignons.

Allons même plus loin. Jésus ne réclame pas de monopole sur les paraboles. S’il est maître ès paraboles, c’est pour former d’autres conteurs de paraboles. Écoutons la petite phrase que saint Marc intercale entre les deux paraboles de ce jour : Jésus « disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? » Peut-être Jésus parle-t-il là de lui-même à la première personne du pluriel, au ‘nous’ de majesté. Ou bien nous invite-t-il, nous aussi, à chercher et à trouver dans les réalités de la création et dans les œuvres du génie humain la matière d’autres paraboles, par lesquelles nous pourront à notre tour parler du Règne de Dieu, présent au milieu de nous.

Permettez-moi donc de chercher matière à parabole dans un album d’Astérix, le dix-septième de la série de Goscinny et Uderzo, intitulé Le Domaine des dieux (Domaine avec un grand D, et dieux, au pluriel, avec un petit d). Jules César, lassé de la résistance de l’irréductible village gaulois, décide de raser la forêt qui l’entoure et de construire à la place un grand ensemble d’« immeubles de standing », destiné à la bourgeoisie romaine. La nuit, pour préparer le chantier, des esclaves viennent arracher les grands chênes centenaires. Au petit matin, le druide Panoramix envoie Astérix et Obélix replanter les arbres au moyen de glands de chêne, enduits de potion magique. Aussitôt que le gland est jeté en terre, surgit un nouveau chêne, immense et solide.

C’est là que se situe un dialogue que je trouve très intéressant. Surexcité par l’apparition de ces chênes, Astérix met ses mains sur l’arbre en s’écriant : « Prodigieux ! » « Pourquoi, réplique Obélix : c’est un chêne comme les autres. » « Mais tu as vu à quelle vitesse il a poussé ? », lui demande Astérix. Et Obélix de répondre : « Ben, c’est la première fois que je vois pousser un chêne, alors, je ne sais pas à quelle vitesse ils poussent, d’habitude. » On peut trouver qu’Obélix est un peu bête, lent à comprendre. Mais il y a une autre explication. Astérix a besoin de boire de temps en temps de la potion magique pour retrouver de la force, et il sait l’effet que cela lui fait ; il est émerveillé de voir que ça marche aussi sur les arbres. Obélix, en revanche, est tombé tout petit dans la marmite de potion magique, il est donc fort en permanence ; spontanément, il se dit que les arbres sont comme lui, costauds dès le début.

Aujourd’hui, vous recevez la première communion : la recevrez-vous comme Astérix ou comme Obélix ? Si vous la recevez comme Astérix, vous allez être étonnés, émerveillés, tout joyeux de ce don de Dieu qui transforme votre vie… si c’est le cas, tant mieux ! Si vous la recevez comme Obélix, vous allez être tout paisible, parce que vous savez que vous êtes tombés dans la marmite de l’amour de Dieu depuis longtemps, le jour de votre baptême, et que la première communion est la suite logique de cet amour fidèle et patient… si c’est le cas, tant mieux aussi !

Quelle que soit la manière d’après laquelle vous la recevez, l’eucharistie vient de très loin. Pour faire un grand arbre, il ne faut qu’une petite bouture, mais cette bouture est indispensable : sans ce tout-petit, il n’y a pas de très-grand. L’eucharistie que vous allez recevoir, elle aussi, vient de très loin : elle a traversée deux mille ans, successivement plantée et transplantée, bouturée, arrosée, dépotée et rempotée. Elle vous a été transmise par une foule de premiers communiants avant vous, et vous la transmettrez, à votre tour, à une foule de premiers communiants après vous. Car celui qui plante un chêne voit plus loin que le bout de sa vie. Quand il plante délicatement une petite bouture dans le sol, c’est en pensant à ses arrières-arrières-petits-enfants, qui pourront un jour s’abriter sous sa ramure, quand le bel arbre aura pris sa pleine stature.

Chers Apolline, Arthur, Balthazar, Clara, Daphné, Édouard, Flavio, Gaëlle, Gaspard, Jean, Jeanne, Léo, Léontine, Louis, Lucas, Quitterie, Timothée, Valentin et Victoire, c’est vous, à présent, qui êtes le domaine (avec un petit d) de Dieu (avec un grand D), sa joie et sa terre promise. Par cette première communion, et par toutes les suivantes, qu’il fasse de votre vie une grande et belle parabole de son règne !

Amen.

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