17 décembre 2023 – Troisième Dimanche de l’Avent – Gaudete17 décembre 2023 –

Chers frères et sœurs,

Sur les bords du Jourdain, un prophète a disparu. Ou plutôt, non pas « un » prophète, mais « le » prophète, celui dont tout le monde parle, Jean-Baptiste. C’est à n’y rien comprendre. Hier encore, il était la vedette absolue, celui dont tout le monde parlait : dans le petit coin de désert où il s’était installé, le long du fleuve, il accueillait chaque jour des centaines de personnes, pour leur remonter les bretelles, pour les encourager, pour les exhorter à changer de vie, puis il les baptisait dans les eaux du Jourdain. Que c’était beau ! Il était certainement promis à une grande carrière, et tout le monde murmurait qu’il deviendrait peut-être le fameux Messie promis à Israël. Bref, tout allait pour le mieux. Et d’un coup, il a disparu. Non pas physiquement, mais c’est comme s’il avait fait un pas de côté, pour sortir de la lumière : « Je ne suis pas le Christ ; je ne suis pas le prophète Élie, ni le grand prophète ; non, rien de tout cela. » Et les gens autour de lui ont été terriblement déçus.

Un certain nombre d’entre vous, chers frères et sœurs, étiez de sortie avant-hier, vendredi soir. A Saint-Blaise d’Écully, se jouait un spectacle intitulé Monsieur le Curé fait sa crise. Un spectacle dans une église, est-ce vraiment sa place ? C’est que ce spectacle était aussi une expérience spirituelle, et ce n’est pas tout à fait par hasard que nous avons voulu qu’il soit donné dans notre paroisse au cours de l’avent. Tiré d’un petit livre écrit en 2016 par le journaliste Jean Mercier, Monsieur le curé fait sa crise raconte l’histoire d’un prêtre, le Père Benjamin, curé d’une paroisse comme les autres, et qui un jour craque. Il n’a pas d’énormes soucis, mais une série de petites déconvenues et de situations à gérer qui s’accumulent sur ses épaules, jusqu’à ce que vienne la goutte qui fait déborder le vase : n’en pouvant plus, il disparaît, et va s’emmurer dans la petite maison au fond de son jardin. Il ne peut plus communiquer avec l’extérieur que par un petit trou dans le mur. Pourtant, ce n’est pas la fin, mais plutôt un nouveau commencement, un renouvellement dans sa vie de prêtre : car les gens, curieux puis de plus en plus attirés, viennent lui parler, se confier, confesser leurs péchés et retrouver l’espérance.

La crise, contrairement à ce que l’on imagine souvent, ce n’est pas si négatif que cela. C’est d’abord un signal d’alarme, qui prévient d’un danger et d’une urgence à changer quelque chose : une crise de foie, par exemple, oblige à ménager son foie plutôt que de le malmener et de finir par le faire exploser. La crise existe pour permettre un progrès. Krinein, en grec, signifie tout à la fois discerner, trier, juger, choisir. C’est exactement ce dont parle saint Paul dans la deuxième lecture : « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal. » Nous courons tout le temps ; la crise, elle, nous oblige à nous arrêter, pour regarder notre vie et pour affronter les vraies questions : qui suis-je ? Où est mon bonheur ? Quelle est la volonté de Dieu ? Quelles décisions dois-je avoir le courage de prendre ? La crise, même si sur le moment elle est violente et inattendue, a pour but de permettre une prise de conscience, puis un choix, puis une nouvelle manière de vivre.

Ainsi le Père Benjamin, après la triste crise visible qui lui fait claquer la porte de son presbytère et aller s’enfermer dans son cabanon, vit-il une heureuse crise invisible qui lui permet de revenir à la source de son sacerdoce, à la grâce de l’écoute et de la miséricorde qu’il avait un peu oubliée. Ainsi Jean le Baptiste, après la triste crise visible dans laquelle il semble démissionner de son rôle de prophète et refuser la carrière de Messie qu’on veut lui offrir, vit-il une heureuse crise invisible en accueillant le véritable Messie, présent et caché aux yeux du monde, qu’il a le premier le privilège de reconnaître et d’accueillir. Il peut passer le témoin, parce que sa mission a été accomplie, et qu’il n’a plus qu’à contempler celui qu’il a attendu. Les tristes crises visibles n’ont de sens que si elles débouchent sur d’heureuses crises invisibles.

« Au milieu de vous, déclare-t-il, se tient celui que vous ne connaissez pas. » Ce que dit Jean-Baptiste n’est pas seulement vrai pour le moment où il parle – Jésus est là et personne ne soupçonne qui il est – mais c’est encore vrai pour nous. Jésus est au milieu de nous comme la crise, le choix, la libération dont nous avons besoin. D’ailleurs, il le dira lui-même : « Je suis venu dans ce monde pour un jugement – littéralement : pour une crise – afin que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » (Jn 9, 39) Nous croyons connaître Jésus, mais souvent nous espérons, inconsciemment, qu’il vient juste pour nous conforter dans notre manière de vivre : bravo, tu es génial, ne change rien ! Or il vient pour nous offrir une crise, pour nous permettre de revenir à l’essentiel, pour nous permettre de choisir et de vivre à nouveau.

Chers frères et sœurs, que ces derniers jours du temps de l’avent soient pour vous l’occasion de faire votre crise ! – c’est-à-dire, donc, de choisir le bonheur. Osez la crise qui libère, qui vous rend capable de vous laisser faire, afin qu’aparaisse en vous l’œuvre de Dieu. En ce dimanche de Gaudete, je vous souhaite de Le laisser transformer vos crises de foi en crises de joie, et d’en faire, enfin, des cris de joie,

Amen.

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