19 septembre 2021. Vingt-Cinquième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,Quelle est la juste place des enfants à l’église ? S’il y a bien une question dont j’entends parler chaque semaine dans la paroisse, c’est celle-ci ! Certains se réjouissent de voir toutes les générations rassemblées dans notre église paroissiale, d’autres déplorent les bruits et le mouvement qui peuvent avoir lieu, d’autres encore réfléchissent à créer des lieux calmes dédiés aux enfants sans pour autant les installer hors de l’église… Vaste, très vaste question ! Ce que je trouve amusant, c’est que le mot même d’« enfant » devrait spontanément nous évoquer le silence, puisque, littéralement, « infans », c’est celui qui ne parle pas. Dans l’Antiquité, le petit romain était appelé « infans », « celui qui ne peut pas s’exprimer » jusqu’à ses sept ans, et ensuite « puer », dans la mesure où il était capable de suivre les cours de grammaire et de rhétorique, et donc d’apprendre à parler comme il faut.Si l’enfant, c’est celui à qui il manque la parole, alors la Bible est pleine d’enfants. C’est tout d’abord ce qui distingue Dieu, la Parole qui fait vivre, de ses contrefaçons. Les idoles des peuples païens, dit un psaume, ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas (…) Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles ! » (Ps 113B, 5-6). Il y a deux semaines, l’évangile rapportait la rencontre, dans le territoire païen de la Décapole, de Jésus avec un homme sourd et bègue : sa parole était difficile, faute de pouvoir entendre les sons et les reproduire. Symboliquement, il était à l’image des idoles de son pays, sourdes aux prières et à la parole fausse. Quand Dieu se choisit des messagers, il semble qu’il prenne un malin plaisir à appeler des gens handicapés de la parole. Ainsi, Moïse se plaint d’avoir la langue lourde, il n’imagine pas comment il saura parler de libération au peuple Hébreu opprimé en Egypte. Lorsque Dieu appelle Jérémie à devenir prophète, celui-ci pleurniche : « Je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant ! » Enfin, il y a les disciples. Ils se conduisent comme de grands enfants capricieux, et surtout, ils sont eux aussi sourds et bègues. Sourds, parce que Jésus a beau leur répéter que son chemin n’est pas un chemin de succès mais un chemin de croix, ils n’écoutent rien, ils sont dans leurs rêves. Bègues, parce qu’ils n’osent pas interroger Jésus, et lorsque celui-ci leur demande de quoi ils ont parlé en chemin, ils se taisent, gênés, embarrassés, honteux. De vrais gamins ! Parce que les disciples sont des enfants, Jésus devient pédagogue. Avec Pierre, il avait employé la méthode forte : Passe derrière moi, et tais-toi ! A Capharnaüm, il opte pour la méthode douce. En chemin, les disciples avaient discuté de savoir qui serait le plus grand : discussion typique de cour de récréation. Être enfant, c’est vouloir grandir. Et, pour appréhender le réel et le mesurer, être enfant c’est souvent raisonner par comparaison : qui est grand, qui est plus grand, qui est le plus grand ? Il paraît que dans certains collèges les élèves plus âgés persécutent ceux nés en 2010, coupables d’être des petits : preuve que les dérives de la comparaison entre plus ou moins grands n’appartient pas au passé ! Jésus devine bien ce désir des disciples de s’élever, de faire quelque chose de leur vie, de devenir grand, et il veut honorer leur demande. J’ose risquer une hypothèse. La maison dans laquelle il se trouve, à Capharnaüm, est probablement celle de Simon-Pierre, où il est déjà venu à plusieurs reprises. L’enfant qu’il appelle est donc de la famille de Pierre, peut-être son propre fils, qui sait ? Et Jésus, qui dimanche dernier s’est fait réprimander par Pierre, sait que celui-ci est quelque peu bourru et sévère avec les siens. Alors, pédagogiquement, il s’adresse spécialement à Pierre en l’invitant à imiter son enfant. « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille… » Il prépare Pierre à devenir le chef de l’Eglise et à exercer son autorité au moyen de la douceur plutôt que de la sévérité, pour que les Chrétiens aient une image vivante du père des miséricordes. Pour conclure, bouclons la boucle et revenons à la question initiale. Quelle est donc la juste place des enfants à l’église ? Jésus nous la laisse deviner : « Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux. » Dans l’Église, à l’enfant, au plus petit, au sans-voix, doit revenir logiquement la place centrale. Les uns seront contents de l’entendre. Les autres remarqueront que cet enfant est silencieux, et eux aussi ils seront contents. Je me réjouis de tout mon cœur de voir dans notre église des gens de tous les âges : nul n’est de trop dans l’Église, et notre communauté doit le refléter, en veillant spécialement à accueillir d’un côté aux plus petits, de l’autre aux plus grands. Les accueillir au nom de Jésus, c’est les accueillir au nom de Celui qui est pour de bon notre Père : nous ne sommes plus des enfants, mais nous serons toujours ses enfants. Amen.

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