1er janvier 2024 – Solennité de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu1er janvier 2024 –

Chers frères et sœurs,

Pour entrer dans la nouvelle année, il existe un joli nombre de coutumes et de traditions typiques du premier janvier. On peut, évidemment, venir à la messe et célébrer Marie sous le vocable de la Mère de Dieu ; on peut formuler des vœux pour les autres, et des résolutions pour soi-même, que l’on tiendra peut-être ; on peut s’embrasser sous le gui ; on peut être décoré de la Légion d’Honneur (c’est plus sélectif).

Enfin, on peut commencer l’année en musique : depuis 1939, un célèbre Concert du Nouvel An est donné à Vienne chaque premier janvier. Il est très codifié, et les gens ont la satisfaction d’y retrouver chaque année les mêmes œuvres, spécialement celles de Johann Strauss, et tout spécialement la dernière pièce jouée par l’orchestre, la Marche de Radetzky. En 1848, le Maréchal Joseph Radetzky remporte une bataille à Custoza, en Italie du Nord, et cette victoire le rend très populaire en Autriche ; en son honneur, Johann Strauss compose une marche militaire dont la mélodie est si rythmée et entraînante qu’elle a la réputation de donner à quiconque l’écoute le désir irrépressible de la scander avec les mains et les pieds. Et donc, le premier janvier, à la fin du Concert du Nouvel An à Vienne, les instrumentistes commencent à jouer la Marche de Radetzky, puis le chef d’orchestre se tourne vers le public et l’invite à se joindre à la mélodie en tapant des mains en rythme.

La Marche de Radetzky n’est pas prévue au programme liturgique de cette messe, et pourtant il y a, au cœur même de cette liturgie, quelque chose qui s’en approche. Nous fêtons donc Noël pour la dernière fois, puisque l’Octave se termine ; désormais, il va falloir que Noël soit présent au milieu de nos vies de façon plus discrète, mais tout autant présente et tout autant joyeuse. Noël doit se diffuser comme une nouvelle, se difracter comme une lumière, se répandre comme une mélodie qui saisit et entraîne irrépressiblement ceux qui l’écoutent.

A travers ce que je viens de vous raconter, vous avez compris que la Marche de Radetzky signifie plusieurs choses : d’abord, un événement historique, une victoire militaire vieille cette année de cent-soixante-seize ans ; puis une œuvre musicale composée pour perpétuer le souvenir de cette bataille ; puis une tradition du Nouvel An ; puis un orchestre qui joue ; puis un public qui participe. Eh bien, il en va de même à Noël. C’est d’abord, quoi qu’en dise Michel Onfray, un événement qui est arrivé dans le temps des hommes, un jour qui a eu lieu : cela, nous le retrouvons dans le récit de la nuit de Noël, qui décrit la naissance du Christ à Bethléem et l’annonce faite aux bergers. Noël, c’est ensuite le récit de cet événement : à Bethléem, il n’y a pas de Johann Strauss, mais il y a les bergers. Ils racontent la visite des anges aux parents de l’enfant, et après leur visite, ils ne peuvent s’empêcher de raconter l’histoire de cet enfant à tous ceux qu’ils croisent, en « glorifiant et en louant Dieu. » Et leur œuvre ne laisse pas les gens indifférents : les uns s’étonnent, les autres s’émerveillent, comme pris à leur tour par la pulsation irrésistible de cette joie. Noël existe pour être raconté, célébré et chanté. Aussi, dans nos liturgies, il est impératif que les Chrétiens ne viennent pas en spectateurs : la messe n’est pas un spectacle, si beau soit-il, mais une célébration à laquelle il faut participer de tout son être, de tout son cœur !

C’est notamment ce qu’exprime la prière sur les offrandes, où le prêtre, comme le chef d’orchestre du Philarmonique de Vienne, demande à l’assemblée de se joindre à lui pour offrir le pain, le vin, et notre vie : « Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu, le Père tout-puissant. » Et l’assemblée approuve à haute voix : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice, à la louange et à la gloire de son Nom, pour notre bien, et le bien de toute l’Église. » Quand il n’y a à la messe que cinq personnes sur cent qui répondent, je me sens un peu comme un chef d’orchestre viennois devant une salle qui bouderait la Marche de Radetzky… Aussi, puisque l’on peut formuler aujourd’hui des vœux et des résolutions, nous pourrions en 2024 essayer de mieux dire, c’est-à-dire de mieux vivre, ce dialogue des offrandes : un petit effort de mémoire, pour un grand profit spirituel !

Après avoir honoré Marie, Mère du Christ, le premier jour de l’Octave, nous la fêtons donc, le dernier jour de l’Octave, comme la Mère de Dieu. Dans l’évangile, si les bergers sont bavards, Marie, elle, est plus intérieure, « retenant tous ces événements et les méditant dans son cœur. » C’est sa manière d’être, elle aussi, au cœur de la musique. Dire de Marie qu’elle est Mère de Dieu, c’est souligner qu’elle n’est pas spectatrice de Noël, mais actrice au premier chef. Dieu n’a pas voulu l’utiliser comme une mère porteuse de circonstance, avant de la licencier, mais il l’a transformée pour toujours. En elle, Dieu s’est vraiment fait chair, et comme si elle était elle-même la salle du Philarmonique de Vienne, c’est d’elle que monte vers nous la marche du Christ qui vient à notre rencontre. Avec Marie, aujourd’hui et chaque jour de cette année, laissons-nous entraîner corps et âme dans l’irrésistible mélodie du salut !

Amen.

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.