2 avril 2023 – Dimanche des Rameaux

Chers frères et sœurs,

Pour tenir bon pendant la lecture de cet évangile interminable – le plus long de tout le lectionnaire – mieux vaut avoir une bonne posture. Les uns sont restés debout, les autres se sont assis ; certains ont empoigné le dossier de la chaise devant eux, d’autres ont fixé du regard les lecteurs de la Passion, ou bien ils ont baissé la tête… Enfin, quelques-uns ont joint leurs mains derrière le dos. Si c’est votre cas, attention : peut-être êtes-vous en train de devenir un Umarell…

Un Umarell, qu’est-ce donc ? Ce mot, en dialecte bolognais, désigne un retraité quelque peu désœuvré, qui passe ses journées dans la rue, à observer les chantiers, debout, les mains jointes dans le dos, prodiguant aux ouvriers des remarques et des conseils techniques que personne ne leur a demandés. Ces derniers temps, la figure de l’Umarell a eu tellement de succès en Italie qu’elle vient de faire son entrée dans le fameux dictionnaire Zingarelli – une véritable consécration.

Les deux évangiles de ce dimanche sont tout remplis des Umarells de Jérusalem, ces spectateurs blasés qui à distance regardent le triomphe, puis la chute de Jésus. Les mains derrière le dos, ils observent, ils murmurent, ils commentent, ils râlent, ils ont une opinion sur tout… mais ça ne les concerne pas réellement. Ce sont eux qui croient savoir qui est Jésus, petite attraction provinciale, montée à la capitale ; ce sont eux encore qui observent sa déroute et son arrestation, au Jardin des Oliviers ; eux qui font des commentaires sur l’accent paysan de saint Pierre ; eux qui, sur le chemin du Golgotha, regardent celui qui voulait « faire le prophète » ; eux enfin qui posent les yeux sur la croix, sans jamais y mettre leur cœur.

Nous aussi, nous courons le risque d’être des Umarells de la foi, même – et peut-être surtout – pendant la Semaine Sainte. Nous risquons de la suivre avec détachement, avec une opinion sur tout, mais en passant à côté de la foi. Dieu merci, pour nous servir d’antidote, nous avons ces autres spectatrices de la Passion, que Matthieu évoque : « Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. » Elles, en revanche, vivent chaque instant avec leurs tripes. La souffrance du Christ est la leur et, quand elles ne peuvent plus le servir autrement, elles continuent de le servir par leur compassion.

Dans les rues de Bologne, c’est au bord des chantiers que se rassemblent les Umarells. Peut-être est-ce là un indice. En apparence, la Passion de Jésus n’est qu’une destruction longue, cruelle et définitive de tout ce qu’il a fait et de tout ce qu’il a été. En réalité, c’est d’un chantier qu’il s’agit : en aimant jusqu’à mourir le monde dans lequel il a été envoyé, le Fils le rénove de fond en comble. Lui aussi, il a les mains jointes dans le dos, mais parce qu’elles sont entravées par des cordes, couvertes de sang et de poussière ; ces mains blessées pourtant sont ouvertes, et, par sa vie qu’il donne jusqu’au bout, le Christ nous regarde et il nous dit : « Vois : je fais toute chose nouvelle. »

Amen.

(Merci au talentueux Damien Bonnet-Eymard pour l’illustration)

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