2 juillet 2023 – Treizième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

La liturgie de ce dimanche nous donne l’occasion de célébrer la réalisation d’un beau projet, l’aboutissement d’un beau chantier. Il a pris du temps, mais le résultat est à la hauteur, et à tous points de vue, c’est du solide. Ce chantier, bien entendu, c’est celui qui nous est décrit dans la première lecture : le couple de Sunamites – le gentilé de la ville de Sunam – fait preuve à l’égard du prophète Élisée, non seulement d’hospitalité, mais d’une générosité plus remarquable encore. Voyant que le prophète a pris l’habitude de s’arrêter chez eux régulièrement, ils décident d’investir. Ils font alors construire une extension de leur maison, en prenant sur une partie de leur terrasse, afin que le prophète dispose en toute saison de sa chambre rien que pour lui, avec son propre mobilier, et tout le nécessaire. Quel magnifique cadeau !

Ainsi, le prophète, sans cesse sur les routes, dans la poussière et la fatigue, sans cesse confronté aux vicissitudes de son métier, à la contradiction, voire à la persécution, dispose enfin d’un lieu où se reposer, la porte fermée, quand il le veut, comme il le veut. Un lit, une table, une chaise, une lampe, la terrasse et le calme : c’est Byzance ! Tout cela, diront certains, c’est quasiment un palais, c’est trop luxueux pour un prophète. Si Élisée est vraiment à cent pour cent au service de la mission de Dieu, pourquoi accepter ce confort ? C’est que les prophètes ne sont ni des héros, ni des machines ; et, pour apprendre à donner, ils doivent ne pas oublier de recevoir. Dans six jours, le 8 juillet, nous fêterons sainte Priscille et saint Aquila, ce couple de Chrétiens de Corinthe, ces fabricants de tentes d’origine juive qui ont tellement aidé saint Paul dans ses missions, lui fournissant leur amitié et leur soutien, spirituel et matériel ; saint Paul les cite fréquemment dans ses lettres, avec une profonde gratitude. Une entraide fidèle pour saint Paul, une résidence de vacances pour Élisée, un verre d’eau fraîche pour le disciple assoiffé, tout cela n’est pas rien : autant de cadeaux aussi magnifiques que nécessaires.

Mais au fait, comment le couple de Sunamites a-t-il fait pour construire au prophète Élisée cette petite maison sur le toit ? C’est sans doute que, sur cette terrasse, il y avait des pierres d’attentes : ces pierres qui ont servi à la construction de la maison principale, et qui à la fin du chantier n’ont pas été coupées, de sorte qu’elles dépassent du mur, ou du toit, afin de pouvoir soutenir la construction d’une future extension. Ainsi, la chambre d’Élisée n’est-elle pas posée sur la terrasse, comme une tente, mais elle est bien arrimée à la maison d’origine, unie à elle. Les pierres d’attente expriment dans une maison les espoirs et les rêves de ses habitants : un jour, on bâtira une pièce en plus… quand on aura de l’argent, quand les enfants seront grands, quand ils auront des enfants à leur tour. Grâce à son serviteur attentif, Élisée repère que, dans le cœur de la femme Sunamite, il y a aussi une vieille pierre d’attente, une espérance depuis longtemps déçue. Elle espérait un enfant, mais en vain ; son mari et elle ont vieilli ; et désormais, c’est trop tard. C’est sur cette pierre d’attente qu’Élisée vient appuyer le don de Dieu, ouvrant un avenir à ce couple, là même où tout espoir semblait interdit. Il annonce à la femme, lui aussi, un chantier et, à la fin, un cadeau : « À cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras. »

Ce dimanche, comme Élisée admirant sa nouvelle chambre, nous sommes dans la joie et l’action de grâces pour l’église Saint-Claude que nous retrouvons, à la fois identique et nouvelle. L’histoire ne précise pas quelle était la couleur des murs de la chambre du prophète ; en revanche, je pense qu’il n’a échappé à personne que les murs et la voûte en cul-de-four du chœur ont changé de couleur. Jadis, de la construction de l’église jusqu’aux années 1970, des fresques décoraient le chœur ; puis elles avaient été supprimées, et les pierres, mises à nu. Il y a quelques mois, le chantier de restauration de notre église Saint-Claude s’est achevé par la pose d’un enduit à la chaux sur le chœur, qui le rend plus beau et plus lumineux.

Je l’avoue : initialement, j’étais un peu circonspect sur le choix des couleurs. Mais ce choix a été commandé, là encore, par l’existence de pierres d’attente. Le bleu intense de la voûte reprend le bleu du vitrail central, ce bleu qui encadre le Christ en croix ; le jaune des murs reprend le jaune qui, dans les vitraux latéraux, est celui de l’auréole de saint Jean-Marie Vianney, et de l’étole de saint François de Sales. Le coloriste de ce chantier a été comme le serviteur du prophète Élisée, attentif et subtil ! En langage héraldique, on dira du chœur qu’il est « Coupé d’or et d’azur ». Si les couleurs n’ont pas été choisies en référence au drapeau ukrainien, il est vrai qu’elles peuvent nous faire penser aux mêmes réalités : le ciel au-dessus des champs de blé mûr. Nous l’entendions dans l’évangile, il y a deux semaines : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » Le ciel se penche vers la terre, et de la terre une prière s’élève : les épis montent, les pierres d’attente sont sur nos toits, comme autant de signes de nos espérances.

Au centre de cette église rendue plus solide et plus belle qu’avant, il y a donc une invitation à la mission. Si le prophète se repose, si le disciple s’arrête boire un verre d’eau fraîche, c’est pour mieux repartir vers le lieu de la moisson : après le repos, quitte ton petit palais et va aux champs, Élisée ! Dans l’action de grâces pour ce magnifique cadeau que sont les travaux réalisés à Saint-Claude, portons notre regard vers les chantiers qui continuent, ceux qui commencent et ceux qui sont à venir. C’est à nous de faire de cette belle église un lieu de prière, tourné vers le bleu du ciel, et un lieu missionnaire, tourné vers le jaune de la moisson ; c’est à nous d’en faire une maison dont les pierres d’attente seront aussi des pierres vivantes.

Amen.

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