21 janvier 2024 – Troisième dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Ce dimanche porte donc un nom à rallonge : le « Dimanche de la Parole de Dieu, dans la Semaine annuelle de Prière pour l’Unité des Chrétiens ». Nous allons donc prier avec volonté et détermination pour cette intention au cours de notre messe paroissiale. Et ensuite… qu’est-ce que cela va changer ? Notre prière, aussi sincère soit-elle, aura-t-elle des conséquences ? Allons-nous, dès la fin de cette messe, comprendre tout d’un coup ce que l’évangile veut nous dire à chacun, personnellement ? Je l’espère, mais je n’en suis pas sûr. Grâce à notre prière, ce soir même, un accord historique sera-t-il signé entre le Pape, les patriarches orthodoxes, l’archevêque de Cantorbéry et les responsables protestants, mettant fin à des siècles de divisions ? Je veux bien en rêver, mais je ne parierais pas dessus. Bref, les intentions de prière ambitieuses, c’est bien beau, mais dans la réalité, on se dit spontanément que ça ne peut pas marcher.

Voilà précisément ce que pensait Jonas, le prophète grincheux, le héros de la première lecture. Il avait une vie bien tranquille de petit prophète en Israël, et cela lui convenait tout-à-fait. Il ne demandait rien d’autre que de continuer tranquillement à prêcher la Parole de Dieu à des gens gentils et convaincus, qui la connaissaient déjà. Mais Dieu est un empêcheur de prophétiser en rond : à l’improviste, il demande à Jonas d’aller évangéliser tout seul la mégapole de Ninive. Jonas, qui est raisonnable, se dit que Dieu est devenu fou. Il lui faudrait sortir de son confort – c’est pénible – aller là-bas – c’est loin – sillonner la ville – c’est dur – proclamer l’évangile à haute voix – c’est fatigant – et sans doute se faire taper dessus parce que ce qu’il va dire ne va pas plaire – c’est violent. Ça ne marchera jamais. Alors, Jonas s’enfuit, se cache. Mais Dieu insiste ; je vous passe les détails mais, à la fin, il obtient que Jonas obéisse.

Donc, ce qui est étonnant, dans les textes de ce dimanche, c’est que, contre toute attente, ça marche. Jonas vient juste de commencer sa mission, sans doute en grommelant et en tremblant, et, aussitôt, ça fonctionne : les gens l’écoutent ; ils ne lui tapent pas dessus ; au contraire, ils changent radicalement de vie. Incroyable ! Et de même dans l’évangile : Jésus passe, il dit une seule phrase à des pêcheurs qui sont là, sur la plage, et cela suffit : ils lâchent leurs affaires, ils ne posent pas de question, et ils le suivent, vers une vie nouvelle. Incroyable !

Ce que ces textes essayent de nous dire, c’est que la Parole de Dieu, que nous fêtons tout spécialement ce dimanche, n’est pas juste un discours. Lorsque l’on doit convaincre quelqu’un afin d’obtenir de lui quelque chose, il faut de la méthode : préparer finement son discours, trouver de belles formules, être éloquent et charmeur, si besoin malhonnête, afin d’être sûr que l’on aura le dernier mot. C’est ce que symbolisent, dans l’évangile, ces filets de pêche que les futurs disciples savent jeter avec adresse, et réparer avec dextérité : ils savent parfaitement quels poissons ils prendront en fonction de l’écartement des mailles, qu’ils sont en train de réparer sur la plage, pour maîtriser parfaitement leur pêche. Ce sont des experts en halieutique, comme d’autres, orateurs, sont des experts en discours. Or, la Parole de Dieu n’est pas une science à posséder, mais une personne à rencontrer ; elle n’est pas quelque chose, elle est quelqu’un. Et si la Parole de Dieu est aussi forte, aussi efficace, c’est parce qu’elle est vivante. Lorsque je la proclame, c’est elle qui travaille pour moi, quand bien même je suis timide, inquiet, bègue ou maladroit. Il suffit de la laisser faire !

Saint Marc note que les disciples suivent Jésus en « laissant leurs filets. » Curieuse précision, et étrange attitude : pourquoi ne pas se munir de leurs filets, qu’ils connaissent si bien ? Cela pourrait servir, surtout si l’on doit devenir pêcheurs d’hommes ! Mais Jésus n’a besoin d’aucun matériel, il a juste besoin d’eux, et de leur foi, source et moyen de leur unité. Il a besoin qu’ils fassent l’expérience de la mission « au naturel », avec la Parole de Dieu comme seul outil, comme seule amie. Jésus veut que les disciples fassent l’expérience de la mission sans filet de protection, sans rien d’autre que la Parole nue.

Jonas, en entrant dans Ninive, n’y croyait sans doute pas. J’imagine qu’il se voyait déjà martyr, victime de la Parole de Dieu, et ce, bien malgré lui. En réalité, à la fin, il est le tout dernier que la Parole doit transformer : le premier sera le dernier… Car la mission, bien souvent, n’est pas ce que nous croyons. Ce n’est pas l’histoire d’un convaincu qui va persuader des incrédules. L’objectif de la mission, c’est de convertir le missionnaire. Et il faudra toute la persévérance de Dieu pour aller jusqu’au cœur de Jonas, l’irréductible grincheux.

Chers frères et sœurs, il y a plein d’excellentes raisons pour lesquelles nous n’avons pas envie de répondre aux appels de Dieu, les vrais, ceux qui nous arrivent dans notre vie réelle. On sait bien ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on gagne. S’arracher à sa vie pour aller vers l’inconnu, se sentir inutile, incapable, anticiper la violence et l’échec : « Ça ne marchera jamais… » Jésus n’a pas de mots pour nous convaincre ; il n’a que ceux-ci : « Suis-moi. Et laisse tomber tes filets. »

Amen.

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