24 octobre 2021-Trentième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Avec le récit de la rencontre de Jésus avec Bartimée se clôt la première partie de l’évangile selon saint Marc, consacrée à la vie publique de Jésus : ses enseignements, ses paraboles, ses voyages, ses miracles. Désormais va s’ouvrir la seconde partie, annoncée avec insistance dimanche après dimanche : le temps de la Passion. Quittant Jéricho, Jésus s’avance vers Jérusalem, et la dernière personne dont il croise le chemin est en quelque sorte un résumé de toutes les rencontres précédentes. Chez saint Marc, toute l’intrigue est centrée sur la question de l’identité de Jésus comme Messie, identité que ceux qui le croisent peuvent ignorer ou entrevoir. Exprimer l’identité d’une personne, dire qui il est de manière à la fois synthétique et vraie, est une chose toujours délicate. Précisément, au début de cet évangile, l’identité de Bartimée nous est donnée en ces termes : « le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait. » Donc, son identité est définie d’après sa famille – il est fils – d’après sa santé – il est aveugle – et d’après sa profession – il est mendiant. Aveugle, il semble que Bartimée ne l’ait pas toujours été. Lorsqu’il demande à Jésus de « recouvrer la vue », il sous-entend qu’autrefois il voyait, et que ce sens lui a été enlevé. Depuis, il vit dans la nostalgie de ce temps perdu où il pouvait voir le monde tel qu’il est. Comme de nombreux aveugles, il a surdéveloppé d’autres moyens de communication : il a l’ouïe fine et saisit dans le brouhaha de la foule que c’est Jésus qui passe ; il a la voix forte et il ne se prive pas de l’utiliser. Mendiant, on peut imaginer que Bartimée le soit devenu par suite de sa cécité. Ne voyant plus, il n’a pas d’autre solution que de s’asseoir au bord du chemin, à la merci des passants, attendant d’eux une pièce ou un morceau de pain. Sa vie est une survie, et le ressort en est la compassion. « Prends pitié de moi », non pas dit, mais crié, nous pouvons l’entendre aujourd’hui encore de la bouche des mendiants qui se placent stratégiquement là où passe le plus de monde. A Lyon, si vous empruntez la Rue de la République un samedi ou un dimanche après-midi, vous savez que vous serez sollicités, que des gens viendront vers vous en quête d’argent. Et dès que la foule entend les cris de Bartimée, elle réagit par cet a priori : c’est un gêneur, qui freine la marche de Jésus, et qui va l’exaspérer en lui réclamant la seule chose dont il a besoin : des sous. Enfin, Bartimée est fils. Fils de Timée : nous voilà bien avancés. Etait-il bien nécessaire pour saint Marc de préciser cela, puisque l’on ne sait rien de ce fameux Timée ? Bartimée n’a d’autre identité que d’être le fils de son père ; il sait d’où il vient, mais il ne s’est pas fait un prénom pour lui-même. C’est donc de cette manière qu’il interpelle Jésus : fils de Timée, il crie pitié au fils de David, dont le prénom est Jésus, c’est-à-dire, « le Seigneur sauve. » Si tout les sépare – la vue, le statut social, et cette foule nombreuse – il ont en commun le fait d’être des fils. La foule de Jéricho n’est pas très fière de ce casse-pieds. Elle préférerait que Jésus ait de cette ville un meilleur dernier souvenir. Alors elle croit bien faire en cachant l’aveugle-mendiant, en tâchant en vain de le faire taire. Jésus, lorsqu’il prend conscience de la situation, pourrait simplement fendre la foule et aller directement parler à Bartimée, avec cette liberté qui toujours le caractérise. Mais Jésus demande à la foule de se convertir, et d’être elle-même le relais de son appel, de sorte que les mêmes bouches qui disaient « Tais-toi ! » un instant auparavant s’adoucissent, et trouvent des mots chaleureux d’encouragement et de confiance. Cette foule nombreuse, hétéroclite, qui inclut les douze apôtres, n’est-ce pas une image de l’Eglise, qui désire être fidèle au Christ, qui parfois se trouve gravement maladroite quand elle veut atténuer les cris des pauvres, mais qui cependant demeure indispensable ? Jésus fait le choix de ne pas se passer de son Eglise, en dépit de toutes ses faiblesses ; il ne l’appelle pas à se retirer, mais à se convertir ; il l’appelle à ne pas faire écran aux cris des hommes, mais à les guider à sa rencontre. L’identité de Bartimée, c’était donc d’être fils de, d’être aveugle, et d’être mendiant. En un instant, tout cela s’écroule. « Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin. » Il retrouve la vue ; il quitte son métier de mendiant pour devenir disciple ; et désormais on peut dire de lui : voici l’homme. Symbole de déchéance, il est devenu icône de celui qui, au terme de sa Passion, ressuscitera dans la gloire. Il a jeté, avec son manteau, le vieil homme, il s’est levé d’un bond, il porte déjà en lui une espérance incroyable, comme si, pour lui, pour nous, pour l’Eglise du Christ, c’était déjà le matin de Pâques. Amen.

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