25 Avril 2021. 4e Dimanche de Pâques

Chers frères et sœurs,

Quelle est la dernière fois où vous vous êtes dit : « Ah, qu’est-ce que c’est beau ! » ? Ce n’était pas nécessairement à haute voix, mais c’était sans doute une exclamation difficile à contenir. Peut-être était-ce devant une œuvre d’art, le résultat d’une grande maîtrise technique : un tableau de Vermeer, un nocturne de Chopin ou une cathédrale gothique. Mais peut-être aussi, dans d’autres situations, avez-vous trouvé belles des réalités qui n’étaient pas jolies. Une personne se réconcilie avec ceux qui lui ont fait du mal ; une autre offre anonymement une somme qui résout un grand problème ; une autre encore accomplit un exploit dont on le croyait incapable. C’est d’une autre sorte de beauté qu’il est alors question : c’est beau parce que c’est impressionnant et surtout, parce que l’on sent que c’est le monde entier qui s’en porte mieux. 

Cela ne vous a peut-être pas sauté aux yeux, mais c’est précisément ce dont parle l’évangile de ce dimanche. Dans le texte grec de l’évangile selon saint Jean, Jésus dit qu’il est o poimên o kalos, littéralement, « le Beau Pasteur ». Comment se fait-il alors que toutes nos bibles traduisent « Beau » par « Bon » ? Parce que, justement, c’est équivalent. Et Jésus dit plus : « Je suis le beau, le bon pasteur, le vrai berger. » La beauté, la bonté, la vérité : fondamentalement, ces trois idées sont intimement liées, et comme je vous le disais, elles sont spontanées : devant telle œuvre d’art ou devant telle situation de notre vie, nous sommes touchés au cœur, parce que nous sentons que ce que nous avons sous les yeux est beau, bon et vrai ; et nous ne pouvons pas rester indifférent. 

Dans certains cas extrêmes, devant la beauté, la bonté et la vérité rassemblées, on peut être tellement ému que l’on s’évanouit : c’est ce que l’on appelle le syndrome de Stendhal. Ce grand écrivain français passionné par l’Italie décrit comment, en visitant une église de Florence, en Toscane, il fut pris d’une telle émotion devant la splendeur du lieu qu’il en eût le vertige et manqua de perdre connaissance. Je pense à ce que disait, à la même époque, saint Jean-Marie Vianney aux paroissiens d’Ars (et peut-être, avant, à ceux d’Ecully) : « Si on savait ce que c’est que l’eucharistie, on en mourrait ! » Chers frères et sœurs, je ne vous demande pas de vous évanouir en pleine messe, et encore moins de mourir, s’il vous plaît… mais je serais heureux si vous pouviez, après tant d’années, être encore touchés par ce qu’il y a de splendide dans ce que le Seigneur nous donne, bref, si vous vous disiez : c’est fou ce que c’est beau !

Justement, c’est beau parce que c’est fou. Jésus nous raconte une petite histoire, plus petite même qu’une parabole, et nous pouvons avoir l’impression que c’est très banal : une histoire de campagne, de brebis, de bergers, rien de très original. Et puis cela ne nous concerne pas vraiment : d’abord parce que dans notre banlieue lyonnaise on ne voit plus jamais passer de troupeau, et ensuite parce qu’on n’est pas des moutons ! On est libres et fiers de l’être, n’est-ce pas ? 

Or, sous les apparences d’une histoire un peu mièvre et un peu datée, Jésus nous présente une situation en réalité extraordinaire. Celle d’un berger assez passionné par ses brebis pour toutes les connaître par leur nom ; dont la voix est assez rassurante pour que les brebis l’écoutent et lui obéissent ; et surtout, qui est prêt à se sacrifier s’il le faut pour ses brebis. En fait, ce que Jésus appelle un berger mercenaire – donc un mauvais berger – c’est ce que nous imaginons aisément comme un berger normal : celui qui aime bien ses brebis, mais qui ne va pas non plus se faire tuer pour elles. Jésus, lui, est un berger fou : fou de ses brebis, fou à la vie, à la mort. En somme : le berger « normal » donne ses brebis pour sa vie, mais le vrai berger, lui, donne sa vie pour ses brebis. C’est fou ce que c’est beau !

En célébrant le dimanche du Beau et Bon Pasteur, du Vrai Berger, nous prions pour que des fous continuent à répondre à l’appel de Dieu, spécialement dans la vie consacrée et dans le sacerdoce. Il faut un grain de folie pour devenir religieux ou prêtre, et c’est tant mieux : le service de Dieu est trop important pour être laissé à des gens raisonnables. Chers frères et sœurs, priez pour que le maître du troupeau envoie des bergers à son troupeau, et, si c’est vous qu’il appelle, n’ayez pas peur : c’est fou ce que c’est beau !

Cher Marin, dans quelques minutes tu vas recevoir pour la première fois la première communion, l’eucharistie. L’eucharistie, apparemment, ce n’est pas très beau : un simple petit morceau de pain, sans beaucoup de goût. Mais si tu as bien compris ce que c’est que l’eucharistie, le signe de l’amour de Jésus-Christ si grand pour toi qu’il te connaît, qu’il t’appelle et qu’il donne sa vie pour toi, alors, quand tout à l’heure tu diras à haute voix « Amen ! », tu pourras te dire dans ton cœur : « Qu’est-ce que c’est beau ! » Ne t’évanouis pas, mais laisse le Seigneur te surprendre et prendre soin de toi. Il a pour toi de grands projets ! Fais-lui confiance, et lève les yeux vers l’étoile du berger.

Amen. 

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