Jésus prend l’initiative d’apparaître à ses disciples le soir même de Pâques, puis une autre fois, huit jours après. Comprenons bien ce dont il est question : trois jours plus tôt, il était crucifié, il est mort de ce supplice, il a été mis au tombeau, tout cela est avéré, tout cela ne fait aucun doute. Et le voilà qui se montre vivant au milieu des siens. Et c’est lui qui décide cela, souverainement : il a l’initiative, il décide des rencontres, il les provoque, et les dirige selon sa volonté. Et la liberté avec laquelle il fait tout cela est déconcertante, renversante, époustouflante. Ses disciples sont calfeutrés dans le désarroi et la tristesse, de plus, par peur qu’il ne leur arrive la même chose qu’à leur maître, il se sont confinés dans un lieu presque secret et en ont verrouillé tous les accès. Eh bien, « Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. »
Dans son désir de rencontrer les siens et d’être reconnu par eux, Jésus va encore plus loin. L’un des leurs, Thomas, était absent le premier jour et Jésus n’a voulu qu’aucun doute persiste en son cœur. Car Thomas n’avait rien voulu croire de ce que lui avaient rapporté ses compagnons quand ils lui avaient dit « nous avons vu le Seigneur ». Non, il lui fallait du concret, il lui fallait l’expérience palpable de la présence de Jésus. Alors, à nouveau, huit jours plus tard, Jésus vient, comme la première fois, et il était là au milieu d’eux. Thomas voulait vérifier pour être convaincu, l’occasion lui était alors offerte par Jésus ressuscité lui-même.
Ainsi, après son passage à travers la mort, et la manifestation de la Résurrection, Jésus met tout en œuvre pour que chacun soit convaincu.
Ce n’est pas encore tout : non seulement Jésus prend toutes ces initiatives, mais il veut que ces rencontres les comble au plus profond d’eux-mêmes. A trois reprises, il leur dit : « La paix soit avec vous ! ». Il ne s’agit pas d’une simple salutation traditionnelle à l’Orientale, mais bien plus, c’est le don de la Paix qu’il avait promis lors de ses adieux le soir du Jeudi Saint. Et en leur apportant cette Paix, Jésus leur montre ses mains et son côté, pour bien signifier que c’est la sienne, que cette Paix est le fruit de son offrande pour chacun d’entre eux. La réaction des disciples est d’ailleurs spontanée : « Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. » Ils sont remplis de cette joie que personne ne pourra leur ravir et que le Seigneur leur avait promise : « Vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera. » (Jn 16, 22).
Oui, autant de nouveauté, c’est déconcertant, renversant, époustouflant !
La vie des disciples est transformée. Leur désarroi, leur tristesse et leur peur sont dépassées. C’est comme si Jésus les faisait ressusciter avec lui pour une vie en plénitude, renouvelée, régénérée … les mots nous manquent pour en parler.
D’ailleurs le seul qui prend la parole, c’est notre cher Thomas, il est bien notre jumeau celui-ci ! Quand enfin il fait l’expérience de la présence du Seigneur, comme les autres, finalement, sans avoir à toucher les plaies du Ressuscité, alors qu’il le réclamait, alors que par miséricorde, Jésus le lui proposait et bien il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
C’est la dernière confession de foi dans l’Evangile de Saint Jean, la seule de tout le Nouveau Testament qui désigne le Christ comme « mon Dieu », celle qui récapitule toutes les confessions de foi de l’Evangile et les portent à leur apogée. Grâce à Thomas, nous sommes magnifiquement renvoyés au célèbre Prologue qui ouvre l’Evangile de Jean : « AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. »
Les mots nous manquent pour en parler, c’est déconcertant, renversant, époustouflant. C’est la foi, le don gratuit, gracieux, miséricordieux, le pur don qui vient de Dieu et nous mène vers lui. En Jésus-Christ, Ressuscité, Dieu a l’initiative, il décide des rencontres, il les provoque, et les dirige selon sa volonté.
Dans la deuxième lecture, l’Apôtre Pierre nous dit combien ce don est précieux : « la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or – cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu – »
Nous sommes invités à nous interroger afin de savoir si nous considérons notre foi comme aussi précieuse que cela. Avons-nous conscience de la dignité, de la grandeur de ce don ?
En tous cas les apôtres ont bien saisi cette importance de la foi, ils nous l’ont transmise, et leurs successeurs sont capables de dire, à leur tour, au nom du Christ : « La paix soit avec vous ! ». Non comme un simple souhait, une formule de politesse, mais comme une réconciliation profonde.
Et s’il nous arrive de penser que c’était plus facile de croire pour les disciples qui ont vu que pour nous, écoutons toujours la réponse du Seigneur à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
C’est une béatitude, qu’elle nous remplisse de joie, de la joie qui vient de Dieu, de cette joie dont Jésus nous dit : « votre joie, personne ne vous l’enlèvera. »
Courage !
P Thierry Coquard