3 octobre 2021. Vingt-Septième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,Plus d’une fois, depuis que je suis prêtre, on m’a posé cette petite question. « Mon Père, j’aime beaucoup ce texte… mais ça, cette partie-là, cette expression, ce mot, on pourrait le couper ? » Et, curieusement, c’était souvent à propos de cet évangile. « Pour notre mariage, on aime bien ce texte où Jésus dit : ‘Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas’… mais la phrase sur le divorce, ça risque de choquer. On pourrait la couper ? » Ou bien : « Pour le baptême de notre fille, on aime bien ce texte où Jésus bénit les enfants. Mais la partie où il ‘pose la main sur eux’, ça risque d’être très mal interprété. On pourrait la couper ? »Dimanche dernier, déjà, il s’agissait de couper dans le vif ce qui pouvait entraîner au péché et devenir une cause de scandale : si ton œil, ton pied, ta main, t’entraînent vers le fond, coupe-les ! Mais Jésus n’a pas dit de faire pareil avec sa propre parole, dans la mesure où celle-ci commence à déranger. Cela étant, il est vrai que ce dimanche en particulier, j’aurais du mal à commenter la finale de l’évangile d’un ton léger et désinvolte. Dans deux jours doit paraître le rapport de la commission chargée d’évaluer l’ampleur des cas d’abus commis par des hommes d’Eglise sur des mineurs, au cours des 70 dernières années : pour reprendre l’image de dimanche dernier, il est toujours douloureux de découvrir de la gangrène sur un membre, et il faut du courage pour choisir la bonne thérapie, même s’il faut choisir l’amputation, douloureuse, humiliante, mais préférable à la septicémie… Si la fin de l’évangile est difficile, commençons alors par son commencement. Jésus, lui aussi, se trouve face à des gens qui lui demandent : « Le mariage, on pourrait le couper ? » Un homme peut-il se couper de la femme qu’il a épousée en la renvoyant, selon les règles que la loi permet ? Jésus, selon sa méthode habituelle, ne donne pas de réponse toute faite ; il invite ses auditeurs à regarder d’abord quelle est l’intention de Dieu, dans son dessein créateur, sur la vie humaine et sur la complémentarité vécue dans un amour authentique, un amour qui se donne. Au commencement, Dieu ne veut pas que l’homme soit seul, mais qu’il soit un être de relation comme Dieu l’est lui-même. Nous avons été créés pour la relation les uns avec les autres, afin d’être les uns pour les autres une aide au sens le plus noble du mot. Nous avons été créés pour la relation avec Dieu, qui en Jésus nous a aimé à tel point que, malgré tout, « il n’a pas honte de nous appeler ses frères. » Nous sommes créés pour la relation, mais l’écueil possible de la relation, c’est la domination et la violence, et l’Eglise, d’institution divine mais faite d’hommes et de femmes, n’est pas épargnée de ces dérives de la relation.Alors, à la perspective des ricanements devant l’image de Jésus posant la main sur les enfants, il serait tentant de faire comme les disciples : dire stop, disperser tout le monde, empêcher la rencontre gênante, « malaisante », et passer à autre chose. Mais Jésus n’est pas d’accord. Ce n’est pas parce que le péché existe qu’il faut couper la relation, la supprimer. Les enfants n’ont pas à être victimes de ceux qui abusent… et de ceux qui veulent empêcher l’abus en arrêtant tout. Et Jésus a cette phrase énigmatique : « Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Formulée ainsi – et c’est vrai dans le texte grec aussi bien que dans la traduction française – la phrase a un double sens possible : soit il s’agit d’accueillir le Royaume de Dieu avec une générosité enfantine plutôt qu’avec le cynisme ou la désillusion des adultes ; soit il s’agit d’accueillir le Royaume de Dieu de la même manière que l’on accueille un enfant. Et cette deuxième interprétation me semble plus forte encore que la première. Jésus nous dit, en substance : Dis-moi comment tu traites les plus petits, ceux qui sont sans défense, je te dirai comment tu traites le Royaume de Dieu… qui lui-même est sans défense. En Jésus, le Roi est sans défense ; en Jésus, celui qui est sans défense est à sa place dans le Royaume.« Nous le voyons, dit la Lettre aux Hébreux, couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. » Chers frères et sœurs, il n’y a qu’une solution, c’est de revenir à l’intention de Dieu. La vie chrétienne n’est pas une histoire de petits arrangements à notre avantage. Elle ne consiste pas à couper ce qui nous dérange, mais à couper la racine du péché, et à ne pas désespérer de la bonté de Dieu dont il nous rend capable. Le Royaume de Dieu est au milieu de nous comme un petit enfant, et il est remis entre nos mains. L’intention de Dieu est que nous en prenions soin, et que nous le traitions avec respect ; et que ce soin, ce respect, cet amour, irriguent ensuite toutes nos relations. Que son intention soit faite !Amen.

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