30 avril 2023 – Quatrième dimanche du Temps pascal

Chers frères et sœurs,

Au début de cette messe, peut-être ai-je provoqué chez vous quelques torticolis, et si c’est le cas, je vous en demande pardon. Tandis que vous regardiez vers l’autel, attendant que la célébration commence comme d’habitude, je vous ai prié de vous retourner en direction de la porte d’entrée de l’église, là où allait se passer le premier rite du baptême de Zita. En raison de la configuration originale de notre église, beaucoup d’entre vous n’ont rien pu voir, mais, je l’espère, vous avez tous entendu. La porte et la voix : heureuses coïncidences pour entrer dans l’évangile de ce dimanche.

Si ce dimanche porte le nom de Dimanche du Bon Pasteur, vous aurez cependant remarqué que ce n’est pas exactement ce dont Jésus parle. De fait, il évoque la figure du bon berger, le gardien légitime de son troupeau, celui qui a les clefs de la bergerie et qui veut le bien de ses brebis, par contraste avec le voleur qui veut la peau des brebis – littéralement – et qui vient donc cambrioler et assassiner. Mais surtout, Jésus emploie avec insistance, à son sujet, une image qui peut sembler quelque peu obscure : « Je suis la Porte des Brebis. » Or, ce n’est pas par hasard s’il utilise cette métaphore précise.

Jésus se trouve à Jérusalem, où sa réputation l’a précédée. Avec ses disciples, il s’est mêlé à la foule énorme qui envahit la Ville en septembre, à l’occasion de Soukkot, la Fête des Tentes, cette grande fête où les Juifs commémorent les quarante années d’errance de leurs pères au désert, sous la tente, en quête d’une demeure solide en Terre Sainte. Avec les Pharisiens, les relations deviennent de plus en plus conflictuelles, surtout après que Jésus a guéri un aveugle de naissance un jour de sabbat – texte que nous avons entendu il y a quarante jours, le quatrième dimanche de carême. Et tout cela se passe dans un quartier bien précis, au Nord-Est de Jérusalem. Tandis que la Ville est surtout tournée vers l’Ouest, il y a une seule porte qui ouvre vers l’Orient, du côté du torrent du Cédron et du Jardin des Oliviers. Cette porte, nommée aujourd’hui la Porte des Lions, est à proximité de l’église Sainte-Anne, construite par les croisés au douzième siècle, et qui s’élève elle-même à l’emplacement de la piscine de Bethzatha, que l’on appelait aussi la Piscine Probatique, c’est-à-dire la Piscine des Brebis ; et, logiquement, la porte dont nous parlons s’appelait à l’époque la Porte des Brebis.

Il est facile d’imaginer Jésus, au milieu de ce quartier, en train de dire : « Vous voyez cette porte ? Eh bien, la vraie Porte des Brebis, c’est moi ! » Et il a de fortes chances qu’il le dise alors même qu’un berger, suivi de son troupeau, est en train de passer sous ses yeux. La Porte des Brebis, en effet, était le lieu par lequel les bêtes venues de la campagne entraient dans la Ville, se faisaient nettoyer de leur poussière dans la piscine voisine, puis, ainsi purifiées, se rendait au Temple, à quelques centaines de mètres de là, pour y être sacrifiées. Dans la cohue de la Fête des Tentes, les brebis suivent à l’oreille le berger qui leur parle – ou qui leur crie – pour ne pas les perdre. Mais dès lors qu’elles ont passé la porte, leur destin est scellé : même toutes belles et toutes propres, elles vont vers la mort. Jésus reprend donc l’image, mais en l’inversant. Il est la Porte par laquelle on entre dans la surabondance de la vie.

La Porte des Brebis ouvre donc sur la Piscine des Brebis : à ton tour, chère Zita, en recevant le baptême, tu vas être plongée dans le bain de la nouvelle naissance, pour recevoir la vie en abondance. Par cette Porte qui est le Christ, tu entres dans l’Église, qui est à la fois bergerie et pâturages : elle est tout à la fois la maison commune des Chrétiens qui s’y rassemblent, et la mission commune des Chrétiens qui y sont envoyés. Si l’Église n’était qu’une bergerie où l’on se tient chaud, elle serait certes confortable, mais elle risquerait d’être casanière ; si l’Église n’était qu’un vert pâturage, elle serait certes aérée, mais elle laisserait le loup et le voleur se servir en toute tranquillité. L’Église doit être toujours l’un et l’autre, elle doit respirer à ces deux poumons, pour ne pas s’étouffer. Au centre de cette permanente circulation, il y a le Christ, la Porte que l’on passe dans un sens et dans l’autre, la Porte qui relie ceux qui sont là et « tous ceux qui sont loin », comme le dit saint Pierre dans les Actes des Apôtres. Quant à prétendre faire grandir l’Église – sa maison et sa mission – en passant par ailleurs que par le Christ, cela ne peut se solder que par un échec.

Chère Zita, chers frères et sœurs, en ce dimanche des vocations, soyons comme ces brebis qui passent la Porte qui leur est dédiée. Dans la foule, dans le vacarme, elles prêtent l’oreille à la voix du berger, cette voix reconnaissable entre toutes. Même sans le voir, elles peuvent le suivre, quitte parfois à devoir se convertir, c’est-à-dire à changer de direction pour revenir vers lui. Au prix d’un léger torticolis, il y a l’aventure qu’il nous prépare, la plénitude de la joie, la vie en abondance. C’est ici la Porte des Brebis : qu’ils entrent, les justes !

Amen.

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