30 juillet 2023- Dix-Septième Dimanche du Temps Ordinaire30 juillet –

Chers frères et sœurs,

Je vous l’avoue : la réponse des disciples ne me convainc pas tout-à-fait. Quand Jésus leur demande : « Avez-vous compris tout cela ? » ils lui répondent : « Oui », sans rien dire de plus, et Jésus a la gentillesse de ne pas leur imposer un examen pour le vérifier. Il leur faudra la Pentecôte pour tout comprendre ; en attendant, ce n’est pas vraiment de leur faute s’ils ne saisissent pas tout. Par ailleurs, ils ont reçu les explications des paraboles du semeur, et du bon grain et de l’ivraie, mais jamais Jésus ne leur a donné une définition précise de ce « Royaume des Cieux » dont il leur parle sans cesse. Est-ce un lieu ? Est-ce un système social, ou politique ? Est-ce une réalité déjà présente, ou une promesse pour l’avenir ?

Aussi Jésus, pour ne pas laisser les disciples sur ce « Oui » embarrassé, conclut par cette phrase : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. » Voilà un bon résumé des trois petites paraboles de ce jour, qui nous parlent de découverte, de joie et d’investissement. Ces paraboles sont, dit Jésus, accessibles à quiconque vit lui-même une conversion : le scribe, spécialiste et amoureux de la Parole de Dieu, qui devient disciple du Royaume des Cieux. Il ne lui est pas demandé de renoncer à sa condition de scribe : la condition de disciple s’ajoute et s’intègre à la première. Il faut, en somme, apprendre à lire la Parole de Dieu à la lumière des cieux, avec la perspective d’y trouver quelque chose de nouveau – aussi précieux qu’un trésor, qu’une perle ou qu’un beau poisson – sans que cela nuise à ce qui en elle est ancien, c’est-à-dire à ce qui a déjà été reçu.

Le scribe et le Royaume des Cieux : cela m’évoque une photographie célèbre du début de la Deuxième Guerre Mondiale. En septembre 1940 commence le « Blitz », cette campagne de destruction massive des villes anglaises par des raids menés par la Luftwaffe. Dans les premiers jours de ces bombardements, un obus allemand tombe sur la Holland House, un grand manoir de style jacobéen du quartier de Kensington, à Londres. La majeure partie du bâtiment est détruit ; l’aile Est, qui abrite la bibliothèque, perd son toit mais demeure pour l’essentiel intacte. C’est là qu’est prise la célèbre photo : trois gentlemen en imperméable et chapeau melon, l’air très calme, sont dans la bibliothèque dont ils feuillettent les livres, au milieu des gravats ; il ne reste au-dessus de leurs têtes qu’une poutre calcinée et, à la place du plafond, on voit le ciel. La force de cette image ne tient pas seulement au contraste étonnant, comique même, entre la bibliothèque intacte et le reste du bâtiment en ruines ; elle symbolique aussi le flegme britannique et l’esprit de résistance des Londoniens, bien décidés à montrer leur détermination à vivre normalement en dépit de la menace permanente. Ces trois gentlemen regardaient le ciel sans peur, sachant qu’au-dessus des bombardiers, il y avait un autre Royaume, infiniment plus puissant et plus durable :

“And there’s another country, I’ve heard of long ago,

Most dear to them that love her, most great to them that know;

We may not count her armies, we may not see her King;

Her fortress is a faithful heart, her pride is suffering…”

La Bible est une vaste et belle bibliothèque, qu’il faut redécouvrir à ciel ouvert : voilà une image qui, je pense, aurait parlé à l’évangéliste saint Matthieu. Car, lorsqu’il cite Jésus au sujet du « scribe-devenu-disciple », il me semble que c’est aussi de lui-même qu’il parle. Matthieu était scribe financier, habitué à compter les impôts, et Jésus l’a appelé à devenir disciple dans son sillage. Au moment de rédiger son évangile, il a cherché à raccrocher le Neuf à l’Ancien, en montrant comment les actes et les paroles de Jésus venaient tous accomplir les promesses de Dieu rassemblées dans l’Ancien Testament. C’est à un travail d’orfèvre, de Bénédictin, qu’il s’est consacré, un travail qui nécessite l’amour de la Bible autant que la disponibilité à l’imprévu de Dieu : la persévérance d’un chercheur de perles fines, la patience d’un pêcheur assis sur le rivage qui trie chaque poisson l’un après l’autre. Comme le dit Origène, le Christ est lui-même le trésor caché au cœur du champ des Écritures, qu’il faut longuement labourer pour parvenir à le trouver.

Il y a deux semaines, Jésus nous mettait en garde contre une lecture un peu trop habituée des paraboles : « Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas.

Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. » Comme Salomon, demandons un esprit de discernement pour que nous comprenions que la Parole de Dieu nous est personnellement adressée. Un esprit de découverte, pour que chaque jour nous nous plongions dans l’Écriture sans croire que nous savons déjà ce qu’elle va nous dire. Un esprit de joie, pour que nous laissions l’émerveillement nous saisir quand nous découvrons que c’est à nous que la Parole s’adresse. Un esprit d’investissement, quand il s’agit de faire du Royaume des Cieux la priorité dans notre vie, y compris et surtout de façon radicale. Chers frères et sœurs, avez-vous compris tout cela ? Ne répondez pas « Oui », même si c’est sincère ; répondez par votre vie, en étant des « scribes-devenus-disciples », exposant les pages de votre Bible à la lumière d’en-haut !

Amen.

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