4 décembre 2022-Deuxième Dimanche de l’Avent

Chers frères et sœurs,

A l’entrée de l’église Saint-Blaise d’Écully, à gauche de la porte principale, se trouve une grande plaque de marbre, sur laquelle est gravé le texte suivant :

Dans cette paroisse

saint Jean Marie Baptiste Vianney

fit sa première communion en 1799

reçut la confirmation en 1807

se prépara au sacerdoce

sous la direction de Charles Balley curé d’Écully

et resta vicaire de 1815 à 1818

avant de devenir curé d’Ars

Régulièrement, des paroissiens inquiets viennent me faire une réclamation, toujours la même, au sujet de cette plaque. « Mon Père, il doit y avoir une erreur… Le curé d’Ars, on sait tous qu’il s’appelle saint Jean-Marie Vianney. Ce ‘Baptiste’, d’où sort-il ? Qu’est-ce que c’est que ce prénom en plus ? On n’a jamais vu ça ! » Comme la plaque l’indique aussi, à Écully, en 1807 – après le Concordat et le retour à la paix entre l’Église et l’État – Jean-Marie Vianney put recevoir le sacrement de la confirmation, des mains (je suppose) du Cardinal Joseph Fesch, archevêque de Lyon. A l’époque, une belle tradition – qui ne demande qu’à être réactivée – prévoyait qu’à l’occasion de sa confirmation, on pouvait se choisir un nouveau saint patron, un saint dont on se sentait proche, et l’on pouvait adjoindre son prénom au sien. C’est ainsi que le futur curé d’Ars se choisit le patronage de saint Jean-Baptiste, et devint Jean-Marie-Baptiste Vianney. Bref, sur la plaque à l’entrée de l’église, aucune erreur, au contraire !

Je ne crois pas que saint Jean-Marie-Baptiste Vianney se soit jamais confié sur les raisons du choix d’un tel saint patron. Le savait-il lui-même ? Mais, quand nous voyons une dizaine d’années après ce jeune prêtre devenir desservant puis curé du village d’Ars, les points communs entre les deux hommes, à dix-huit siècles de distance, deviennent très clairs. J’en relèverai quatre en particulier.

Premièrement, un accoutrement singulier, qui saute aux yeux. Si la ceinture de cuir nous étonne peu chez Jean-Baptiste, l’habit en poil de chameau est plus étonnant (et je ne dis rien de l’odeur…) ; quant à Jean-Marie-Baptiste Vianney, avec sa soutane élimée, ses gros godillots noirs et sa coupe de cheveux mi-longs, il ne passait pas non plus inaperçu. On pourrait en dire autant de leur régime alimentaire : les sauterelles et le miel sauvage de l’un, les patates cuites à l’eau de l’autre, sont passés à la postérité. Il n’y a pourtant chez eux aucune volonté de se singulariser, mais simplement de prendre simplement l’habit de leur état – qui de prophète, qui de prêtre – pour être visible et accessible à ceux vers qui ils sont envoyés.

Deuxièmement, le cri dans le désert. Dans le langage courant, « crier dans le désert » signifie se fatiguer, s’époumoner en vain. C’est, je crois, un contresens. Si Jean-Baptiste crie dans le désert, c’est pour y attirer le monde entier, et pour faire de ce désert une oasis spirituelle. Et ça marche… De même que dans la nuit, le bébé qui a mal au dents ou qui fait un cauchemar sait très bien hurler dans le désert de sa petite chambre jusqu’à ce que ses parents s’extraient de leur lit pour venir le rejoindre. Jean-Baptiste est toujours un grand bébé à la voix puissante ! Lorsqu’en 1818 Jean-Marie-Baptiste Vianney est nommé dans le modeste village d’Ars, perdu dans les brumes de la Dombes, le vicaire général de Lyon, l’Abbé Courbon, lui dit : « Dans ce village, il n’y a pas beaucoup d’amour du Bon Dieu : vous en mettrez ! » La petite église d’Ars est bien déserte à l’arrivée du nouveau desservant, et le confessionnal encore plus. Mais Jean-Marie-Baptiste Vianney ne se décourage pas. Il prie dans le désert, il crie dans la prière des psaumes, il persiste tant et si bien que le mot passe chez les habitants ; et ceux qui font l’expérience de la messe et de la confession en sortent transformés, jusqu’à ce qu’Ars devienne à son tour une oasis mondiale de la miséricorde.

Troisièmement, et c’est peut-être le plus marquant, il y a l’appel à la conversion que l’un et l’autre ont lancé. Comme son nom l’indique, Jean-Baptiste donne un baptême, mais il prend bien soin de préciser que ce n’est pas LE Baptême : « Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais (…) lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » Un jour viendra le baptême du Christ, qui remplacera le sien. Si l’on regarde de plus près, le baptême de Jean ressemble surtout à une confession. Ceux qui se pressent auprès de Jean-Baptiste ont en eux un désir de repentir et de conversion, et ils reconnaissent leurs péchés avant d’en être lavés par l’eau du Jourdain et la parole de Jean. Difficile de ne pas faire le lien avec le curé d’Ars, « enchaîné à son confessionnal », comme il le disait, inlassablement déterminé à dire à ses contemporains l’urgence de revenir vers Dieu.

Enfin, il y a un quatrième point : une audace qui confine à l’insolence. Pourquoi Jean-Baptiste traite-t-il les pharisiens et les saducéens, venus d’eux-mêmes recevoir son baptême, d’« engeance de vipères » ? Pourquoi le saint curé d’Ars pouvait-il se montrer si ferme avec telle bonne dame, avec tel bon paroissien ? Cette capacité de parler sans détour est un signe de la liberté du prophète, qui adapte ses exigence à la capacité de chacun : à ceux qui sont en chemin vers la foi, il parle avec une douceur qui encourage ; à ceux qui sont déjà avancés dans la connaissance de Dieu, il n’hésite pas à secouer énergiquement, pour que chacun fasse le progrès qui est à sa portée.

Chers frères et sœurs, c’est la grâce de cette église d’Écully de nous donner pour compagnon de route, en ce temps de l’avent, un enfant du pays, saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, qui s’est mis de tout cœur à l’école de son saint patron, Jean-Baptiste le Précurseur. Si l’avent est un temps de veille, il est aussi un temps de réveil, pour que nos endormissements ne soient pas définitifs. Avec ceux qui nous précèdent à la rencontre du Christ, passons résolument de la somnolence à l’action, de l’indolence à l’insolence !

Amen.

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