9 Mai 2021. 6e Dimanche de Pâques

Chers frères et sœurs,

Quand deux paroissiens se croisent au mois de mars, il n’est pas rare de les voir se demander l’un à l’autre s’ils passent un « bon carême », c’est-à-dire, si chacun fait des efforts sérieux de jeûne, de prière et de partage pendant le carême. Quand deux paroissiens se croisent au mois de mai, je les entends beaucoup plus rarement se demander l’un à l’autre s’ils passent un bon temps pascal. Peut-être se disent-ils qu’il n’y a rien de spécial à faire, à vivre pendant cette période ? Si c’est le cas, il faut vite que je vous détrompe…

Depuis Pâques, nous lisons jour après jour livre des Actes des Apôtres, le récit des premières années de la primitive Eglise, qui se constitue sous l’impulsion de l’Esprit Saint, lequel prend un malin plaisir à surprendre les apôtres et à leur faire prendre des chemins inattendus, à la façon d’un GPS qui recalculerait son itinéraire de façon spontanée à chaque coin de rue. Les apôtres ont des idées bien précises sur ce qu’il faut dire et ce qu’il faut faire, et voilà que, régulièrement, l’Esprit Saint bouleverse leurs plans, les envoie dans des directions totalement incongrues, et surtout, permet des rencontres inimaginables. 

C’est une de ces rencontres improbables que nous raconte la première lecture de ce dimanche, un twist qui va mener saint Pierre à une conversion profonde dans sa mission. Jusqu’alors, il avait la conviction que Jésus était venu pour les Juifs qui attendaient le Messie, point final. Or, il fait la connaissance d’un centurion romain nommé Corneille, et ils constatent qu’ils ont eu, chacun, quelques jours auparavant, une vision. Corneille a vu un ange qui lui a dit que Dieu avait entendu ses prières, et il demandait que Corneille fasse chercher un certain Pierre ; Pierre, de son côté, a vu une grande toile descendre du ciel, avec dessus tous les animaux de la terre, et il a entendu une voix disant qu’aucun de ces animaux n’était impur. Chacun se demandait ce que cela pouvait bien signifier. Soudain, au moment où ils se rencontrent, tout devient clair. « En vérité, je le comprends », dit Pierre, se parlant à lui-même à haute voix, « Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » Eurêka ! Quelque chose vient de se passer en lui et il saisit soudain ce que Dieu attend de lui. Alors, il commence à faire quelque chose qui la veille encore lui semblait scandaleux, impossible : il baptise ces païens au nom de Jésus-Christ.

Je vous le demandais : à quoi donc sert le temps pascal ? Eh bien, il sert à découvrir qui est l’Esprit Saint que nous nous préparons à fêter, et comment il agit dans notre vie, par des signes et par des rencontres. L’histoire de Pierre et du centurion Corneille qui ont chacun une vision et qui comprennent tout le jour où ils se rencontrent me fait dire que le travail de l’Esprit Saint est comparable à celui d’une entremetteuse, cette femme chargée autrefois de conseiller les familles pour arranger les mariages en faisant se rencontrer une jeune fille et un jeune garçon dont elle devinait les possibles atomes crochus. Dans la comédie musicale Un violon sur le toit, il y a ainsi une marieuse à qui les jeunes filles du village chantent cette chanson, dans l’espoir d’avoir un bon fiancé :

Matchmaker, matchmaker, make me a match,

Find me a find, catch me a catch!

Je me rappelle aussi cette comédie romantique américaine de 1958, The Matchmaker, dans laquelle le jeune homme se prénomme… Cornelius. Etonnant, non ? Les entremetteuses ont un peu disparu du paysage, mais leur métier me semble être une belle métaphore de l’action de l’Esprit Saint, lui qui en secret prépare et provoque nos rencontres, et construit l’Eglise en nous menant les uns au-devant des autres. C’est ce que saint Jean dit, à sa manière, dans la deuxième lecture et dans l’évangile : Dieu nous a aimé le premier, car l’amour vient de lui ; il a eu l’initiative de se révéler à nous, de nous appeler à lui. Par son fils, le premier entremetteur, il a fait de nous d’abord ses serviteurs, puis ses amis, nous invitant à approfondir la relation, passant du superficiel à l’intime. Il nous a fait découvrir ce qu’est l’amour, non pas un sentiment fleur bleue, mais le don de soi-même qui transforme tout. Dieu n’est pas une marieuse qui se fait de l’argent en arrangeant des mariages forcés, mais un vrai ami qui nous connaît assez pour nous confier les uns les autres avec intelligence, finesse et bonté.

Chers frères et sœurs, comme disait François Mauriac, « nous méritons chacune de nos rencontres. » Elles ne nous sont pas données par hasard. A la suite de celle de Pierre et Corneille, elles nous révèlent quelque chose de la volonté de Dieu, de sa bienveillance pour son Eglise et pour le monde entier. C’est lui qui a pris les devants et qui nous a aimés, et il ne reste plus qu’à nous laisser faire par cet amour qu’il nous donne. Employons-y intelligemment cette fin de temps pascal !

Amen.

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