Dimanche 9 octobre 2022 – Vingt-Huitième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

En ce dimanche de fête paroissiale, nous célébrons non pas une naissance, mais un baptême. Le regroupement de nos paroisses de Champagne, Dardilly, la Duchère et Écully existe depuis plus de quatre ans, mais le temps passait et ce gros bébé n’avait toujours pas été baptisé. Depuis le 1er septembre, c’est enfin chose faite, nous avons désormais un prénom, un saint patron, et quel saint patron ! L’enfant du pays, Jean-Marie Vianney, le saint Curé d’Ars, nous a donné son propre nom. Avec ce baptême, les choses sont enfin bien au point… car je vous dois un aveu, une confession. Depuis quatre ans, nous utilisions de manière un tout petit peu illégitime le titre d’« ensemble paroissial ». Nous le faisions pour la bonne cause : afin d’imprimer dans nos paroisses un sentiment d’identité commune, une dynamique et une énergie de communion. Mais avec cet acte de baptême, nous sommes enfin devenus officiellement, pour de bon, ce que depuis quatre ans nous étions par anticipation.

Dieu lui-même a une certaine passion pour l’anticipation. Cela apparaît dans toute la Bible, mais de façon encore plus centrale dans l’évangile que nous venons de lire. Anticiper une réalité, c’est commencer à la vivre avant même qu’elle ne soit arrivée : c’est l’espérer tellement, avec une telle confiance, qu’elle commence à exister avant d’être là. Tandis que Jésus monte vers Jérusalem et qu’en son cœur monte le pressentiment de sa Passion et de sa Croix, la rencontre de ces dix lépreux est pour lui comme une prophétie de la foi à venir.

Le dialogue entre Jésus et ces dix hommes a de quoi surprendre par sa brièveté. A peine a-t-il commencé qu’il se termine déjà. Une distance les éloigne, ils crient pour se faire entendre ; les lépreux demandent la pitié de Jésus, mais ils n’ont pas le temps de solliciter leur guérison ; Jésus, lui, se contente de les renvoyer vers les prêtres. Aurait-on oublié un épisode ? On comprend que Jésus envoie les lépreux faire constater leur purification, qui ouvre leur réintégration dans la communauté, avant même que cela ne se soit passé… et ils le font, sans protester. Première anticipation, des deux côtés, et le plus naturellement du monde. L’évangile ne mentionne d’ailleurs pas de cris de surprise au moment où, chemin faisant, ils découvrent qu’ils sont purifiés, peut-être parce que, dès les paroles de Jésus, ils ont été sûrs que leur guérison était déjà une réalité. Tout le reste allait de soi.

Les ex-lépreux, désormais purifiés, sont remarquables d’obéissance. Vous connaissez sans doute plein de malades qui arrêtent de prendre leurs médicaments dès qu’ils se sentent un peu mieux… Eh bien eux, c’est le contraire. Ils font tout comme Jésus leur a dit, ils vont « se montrer aux prêtres. » Spontanément, ils ont compris que cela signifiait aller à Jérusalem, se présenter aux prêtres du Temple, qui les examineront et déclareront leur pureté retrouvée, selon ce que le livre du Lévitique détaille précisément. Pourtant, il y en a un pour qui ce n’est pas évident. Le Samaritain sait bien que, s’il se rend à Jérusalem, il va se faire jeter dehors… Que faire ? C’est tout d’un coup évident : il va se montrer au prêtre qu’il vient de rencontrer, Jésus en personne. Deuxième anticipation : le Samaritain reconnaît en Jésus « le Grand-Prêtre que notre foi confesse » (He 3,1), dont le corps est le Nouveau Temple, dont la vie est l’Alliance Nouvelle. Avant tous les autres, il a tout compris, par anticipation.

Il y a, enfin, une troisième anticipation dans les textes de ce dimanche. Elle se trouve dans l’histoire de Naaman, notre première lecture. Le général syrien, lui aussi lépreux guéri, veut exprimer sa gratitude. Son « langage de l’amour », ce sont les cadeaux. Il veut en faire au prophète Élisée, mais celui-ci n’est pas intéressé. Il demande alors un cadeau pour lui-même, un souvenir, une relique : « Permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël. » Grâce à ce cadeau, désormais, la Terre Sainte sera aussi dans le pays de Naaman, sous ses pieds quand il se mettra en prière. Sous les frondaisons de ces grands arbres, parmi le chant des oiseaux, je pense à un texte du poète français Saint-John Perse, qui dit : « Nous connaissons l’histoire de ce conquérant mongol, ravisseur d’un oiseau sur son nid, et du nid sur son arbre, et qui emportait avec l’oiseau, et son nid et son chant, tout l’arbre natal lui-même, pris à son lieu, avec son peuple de racines, sa marge de terroir, tout son lambeau de territoire foncier évocateur de friche, de province, de contrée et d’empire… » (Oiseaux, 1962) C’est exactement cela que fait Naaman : avec quelques sacs de terre d’Israël, il va être en mesure de recréer ailleurs la terre de son miracle et de sa conversion. Il anticipe le jour de son retour chez lui, en Syrie, où sa prière de louange pourra continuer. Il anticipe aussi le jour où il sera parvenu dans la maison de Dieu, cette véritable Terre Sainte, pour toute l’éternité.

Aller se montrer aux prêtres, revenir vers le Christ, rentrer chez soi avec une relique vivante de la miséricorde de Dieu : voilà les trois anticipations des textes de ce dimanche, voilà les trois mouvements de gratitude spirituelle qui nous sont proposés. Ce jour de fête est un jour de pèlerinage, de bout en bout : ce matin, nous sommes allés, à pied, par les rues d’Écully ; dans cette eucharistie, nous offrons au Grand Prêtre notre action de grâces pour ces quatre années d’existence ; au terme de cette messe, nous allons repartir chez nous, non sans emporter avec nous de quoi nourrir notre prière et notre espérance.

Chers frères et sœurs, dans cette fête nous célébrons les bontés de Dieu pour nous, pour notre ensemble paroissial, si longtemps anticipé, et enfin baptisé. Aujourd’hui, nous avons donc tous quatre ans, et nous nous appelons tous saint Jean-Marie Vianney. A quatre ans, il est temps d’aller à l’école, de nous mettre un peu plus, un peu mieux, à l’école de Jésus, notre Maître, notre Seigneur et notre Ami. En ces jours de rentrée, dans l’action de grâces, remercions Dieu non seulement pour les quatre années vécues ensemble, mais aussi, par anticipation, pour les nombreuses années de notre avenir !

Amen.

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