Dimanche 12 décembre 2021. Troisième dimanche de l’Avent (Gaudete)

Chers frères et sœurs,

Dimanche dernier, saint Luc jouait sur le contraste entre les puissants de ce monde, bien installés dans leurs capitales, et Jean-Baptiste, seul dans son désert. Ce dimanche, le contraste se renverse et c’est comme si les grandes villes s’étaient soudain vidées de leurs habitants, venus remplir le désert et rejoindre Jean-Baptiste, attirés par le baptême qu’il leur offre pour leur conversion et le pardon de leurs péchés. On se croirait dans un grand magasin à la veille de Noël : il y a un monde fou ! Et pour le décrire, saint Luc utilise deux termes qui semblent similaires, mais qui, pourtant, sont subtilement différents : « les foules » et « le peuple ». 

« Les foules » sont les premières à apparaître, et le pluriel employé renforce l’impression de multitude. Une foule, c’est le rassemblement sans structure ni fonction d’individus qui se trouvent là, nombreux, au même moment. Venus de partout, ils convergent au bord du Jourdain pour recevoir le baptême, et la même question les taraude : « Que devons-nous faire ? » A ces foules se rajoutent deux catégories d’hommes qui ressentent un besoin urgent de conversion : les publicains et les soldats, c’est-à-dire ceux qui risquent de pécher par l’argent et ceux qui risquent de pécher par la violence. Ils sentent bien qu’ils ne peuvent pas revenir à leur vie d’avant. Tous – les foules, les publicains et les soldats – réclament à Jean-Baptiste la clef d’une vie nouvelle, d’une vie juste, cohérente avec leur conversion. Alors Jean-Baptiste leur indique une voie modérée, simple et adaptée à la situation de chacun : il invite les foules au partage ; les publicains, à l’honnêteté ; les soldats, à la justice. Il ne demande pas aux deux derniers de quitter leur métier, mais de les habiter autrement, de les transformer de l’intérieur. 

Et voilà. L’évangile pourrait s’arrêter là, sur cette vie nouvelle, juste et belle, qui s’ouvre pour tous ces gens, disciples de Jean-Baptiste. Et on pourrait inscrire le mot ‘Fin’ en lettres d’or… « Or – écrit saint Luc – le peuple était en attente. » Tous ces individus, désormais, on un nouveau nom : ils sont devenus un peuple. Et ce qui caractérise un peuple, c’est son unité, quelle qu’elle soit – d’origine, de langue, de culture, de religion… et ensuite, des institutions rassemblent ses membres dans une identité et un projet communs. En somme, c’est parce que les foules, les pharisiens et les soldats ont en commun d’avoir reçu le baptême et les directives pour une vie juste, qu’ensemble ils constituent un peuple. Et ce peuple prend conscience qu’il lui manque encore quelque chose. La conversion et les efforts ne suffisent pas. De quoi, alors, peut-il être en attente, puisqu’il a reçu tout ce qu’il demandait ? 

Ce qu’il lui manque, me semble-t-il, c’est la joie. La joie, c’est ce sentiment si fort et si spécial que nous ressentons quand nous réalisons que nous sommes à notre place ; que nous sommes arrivés au but, que nous avons rencontré celui qui nous comble, que nous avons trouvé le trésor que nous cherchions. Ce nouveau peuple pressent qu’il attend la joie. Si Jean-Baptiste était bien le Messie attendu depuis si longtemps, alors quelle joie ce serait ! Mais justement, dit Jean-Baptiste, la joie n’est pas pour tout de suite, mais pour très bientôt : ce n’est pas lui-même que le peuple attend, mais Celui-là arrive : Il sera là d’un instant à l’autre. 

A travers ce subtil passage des « foules » au « peuple », saint Luc nous indique un autre passage à opérer, dans notre vie, de la question « Que devons-nous faire ? » – question indispensable, mais insuffisante – à la question « Qui devons-nous être ? » Les enfants, en la matière, sont une fois de plus nos éducateurs. Quand nous, adultes, leur demandons : « Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras plus grand ? », ils nous répondent : « Je veux être policier, architecte, institutrice, médecin, footballeur, écrivain… » Nous leur posons la question du faire, et ils nous donnent une réponse quant à l’être. Nous leur parlons du choix d’un métier, ils parlent du sens de leur vie. C’est ce que dit Jean-Baptiste, à sa manière : je vous ai donné tout ce que j’avais à donner, un baptême de conversion qui vous invite à changer votre façon de faire… mais ce qui compte vraiment, c’est le baptême d’Esprit et de feu qui changera votre être, et vous fera vivre de la vie même de Dieu. Le baptême de Jean-Baptiste n’est que l’amorce et l’annonce d’une réalité infiniment plus grande.

En somme, ce que Jean-Baptiste propose, sur les bords du Jourdain, ce n’est ni plus ni moins qu’une « Prépa », une classe préparatoire. En voyage à l’étranger, il m’a souvent été très difficile d’expliquer cette spécificité de notre système scolaire que sont les grandes écoles et leur antichambre, les classes préparatoires. Et plus d’une fois, pour me faire comprendre, j’ai utilisé la comparaison entre les deux baptêmes. Le baptême de conversion donné par Jean-Baptiste, dans le désert, dans l’ascèse et l’effort, c’est la classe préparatoire : un temps de sortie du monde et de préparation, qui peut faire peur, qui peut aussi être regardé comme un beau défi à relever. Le baptême de feu et d’Esprit donné par le Christ, c’est la grande école, la Terre Promise où la grâce de Dieu est à l’œuvre : on continue à travailler, mais poussé et porté par la joie d’être citoyen du Royaume de Dieu. Et la prépa est faite, en temps voulu, pour céder sa place. Ainsi, chers frères et sœurs, en ces jours préparatoires de l’Avent, que grandisse notre attente, notre désir et notre joie d’être enfin admis dans la grande école du Dieu fait homme !

Amen.

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.