Dimanche 13 février – Sixième dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

L’évangile, c’est vraiment le monde à l’envers. La pauvreté y est qualifiée de bonheur, et la richesse, de malheur. Ceux qui ont faim et pleurent reçoivent la promesse de la nourriture et du rire, et inversement. Mais tout n’est pas très clair : est-ce Dieu qui provoque, ou qui va provoquer, ce retournement des choses, ou bien est-ce à nous de nous en occuper ? Une des figures les plus célèbres de justicier qui change l’ordre des choses est celle de Robin des Bois (qu’il faudrait en réalité appeler Robin la Capuche : on a confondu dans la traduction hood avec wood), le généreux brigand de la forêt de Sherwood, dans l’Angleterre médiévale. Selon la formule consacrée, « il vole aux riches pour donner aux pauvres. » Dans les aventures de Lucky Luke, celui-ci se retrouve face à Jesse James, un avatar de Robin des Bois à l’époque du Far West, qui affronte un « inextricable problème moral » (sic) : il vole à un riche pour donner à un pauvre, mais alors celui-ci devient riche ; il est donc obligé de lui voler la somme qu’il lui a donnée, et finalement il ne sait que faire de cet argent. Avec humour, la bande dessinée suggère que diviser le monde en deux parties, les riches et les pauvres, élude ce qu’il se passe quand les uns deviennent les autres : les ex-riches déclassés, les ex-pauvres enrichis… Pour comprendre l’évangile de ce dimanche, il faut donc dépasser ce raisonnement binaire. Tout d’abord, je remarque que l’on n’a jamais établi un terme pour désigner les propos de Jésus sur le malheur des riches : on ne parle pas de « Malédictudes ». Si ce texte se nomme les Béatitudes, c’est que même les mots durs que Jésus adresse aux riches contiennent une bénédiction. C’est par amour pour eux qu’il les prévient et les confronte au danger qui les menace : l’autosatisfaction, la suffisance, au propre et au figuré. Parce qu’ils ont tout et ne manquent de rien, sans besoin de personne, ils ne réalisent pas la solitude qui se referme sur eux. Celui qui possède tout n’a pas d’avenir, et il est obligé de se créer des occupations futiles pour ne pas désespérer de la vie : selon la célèbre formule de Blaise Pascal, sans divertissement, il est un homme plein de misère. Ce n’est pas par hasard, sans doute, que la liturgie met cet évangile en relation avec l’appel de saint Paul aux Corinthiens, ces enfants terribles qui lui ont causés tant de soucis. Dans la lettre qu’il leur envoie, il les appelle à l’unité, à la charité réciproque, à la fin des querelles stériles. Et tout d’un coup, surgissent ces mots sur la résurrection : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur (…) Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » A nouveau, il est question de malheur : si la résurrection de Jésus n’est qu’un mythe, alors nous, les Chrétiens, sommes les plus malheureux des hommes. » Pourtant, diront certains, il y a les valeurs ! Le Christ n’est peut-être pas ressuscité, il n’a peut-être pas existé – diront-ils – mais il y a la gentillesse, la solidarité, il y a les bonnes actions, il y a la civilisation chrétienne, il y a la morale… Le problème, ce ne sont pas tant les croyants non pratiquants que les pratiquants non croyants, ceux qui font des choses, ceux qui veulent trouver dans l’Église des moyens, une structure, une organisation, des actions à faire, mais qui en réalité ne repose que sur du vide. Ce n’est pas le message le plus politiquement correct qui soit, dans un monde qui souvent ne tolère l’Église qu’au nom des valeurs qu’elle est censée incarner, et à condition qu’elle parle le moins possible de foi, d’« irrationnel ». Mais Jésus nous a prévenu : c’est le propre des faux prophètes que de dire des choses agréables à entendre pour ne pas se faire taper dessus…Chers frères et sœurs, en un mot, méfiez-vous des valeurs. Méfiez-vous des valeurs économiques, qui vous attireront les mots pleins de tristesse que Jésus adresse aux riches, qui donnent sans jamais recevoir, qui ont tout et font la leçon à tout le monde. Méfiez-vous des valeurs morales, qui font écran à ce qui est réellement le cœur de la foi : une rencontre personnelle, cœur à cœur, avec Dieu qui est vivant et dont l’amour, comme la vie, est éternel. Les valeurs, c’est ce qui se mesure, ce qui se maîtrise. La mesure d’aimer Dieu, c’est d’aimer sans mesure !Je disais que l’évangile c’était le monde à l’envers : non, c’est plutôt le contraire. C’est parce que le monde est à l’envers que Dieu essaye de le remettre à l’endroit. C’est parce que le monde est sens dessus dessous qu’il a besoin d’un amour qui ne soit pas qu’une suite de valeurs, si belles soient-elles. Chaque dimanche, c’est la célébration du matin de Pâques, la résurrection du Christ, qui nous rassemble. Dans sa résurrection, Jésus nous dit que nul ne peut nous priver de notre avenir : cela vaut bien le coup de désirer le vrai bonheur ! Amen.

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