Dimanche 14 juin-Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ

Chers frères et sœurs,

Il y a de la violence dans l’air. L’actualité est pleine de tension, et il semble qu’il suffise d’un geste, d’un mot, pour mettre le feu aux poudres. Cette violence traduit le fait que nous vivons une crise. Une crise sanitaire inédite dans notre pays. Une crise économique qui prend de l’ampleur. Une crise écologique omniprésente. Une profonde crise de société, et pas seulement aux Etats-Unis. Une crise spirituelle, dans le monde et dans l’Eglise. Bref, tout ne va pas complètement pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous-mêmes, nous venons de vivre une crise dans la crise : au cœur de la crise sanitaire, nous Catholiques avons vécu pendant deux mois la crise des églises fermées et des messes inaccessibles, et ç’a été une grande source de peine et de colère. Puisque c’est fini, on aurait envie de tourner la page et d’oublier ces deux mois pénibles. Eh bien, ce serait une erreur ! Car une crise n’est pas une chose à oublier, sous peine qu’elle se reproduise. D’une crise, il faut tirer une leçon. C’est ce que souligne la première lecture de ce dimanche, tirée du livre du Deutéronome. Après être sorti d’Egypte, le peuple d’Israël, lui aussi, a vécu une profonde crise dans le désert, une crise d’orientation et une crise de foi. Il ne savait plus où aller, et il a douté de la présence de Dieu à ses côtés. Finalement, après quarante ans d’errance, le peuple d’Israël a pu enfin entrer en Terre Promise. Et Dieu lui demande solennellement ne pas oublier ce qu’il a vécu dans le désert – et même, de se le rappeler de génération en génération !« Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. »Il y a trois mois, nous sommes entrés dans le confinement juste après avoir entendu ces paroles – « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » dans le récit des Tentations selon saint Matthieu. Et nous voilà au Dimanche du Corps et du Sang du Christ, où il est question du Christ en personne, pain vivant qui vient de Dieu et qui mène à Lui. Alors, quelle leçon tirer de ces deux mois de crise où nous avons été privés d’accéder librement à nos églises et de célébrer ensemble la messe ? Que pouvons-nous en tirer de bon pour notre monde accablé par la crise et par la violence ? Vous le savez, en temps de crise, ceux qui la subissent ressentent le besoin de la dénoncer. Souvent de manière assez brutale. Il y a quatre ans, de passage à Poitiers, j’avais eu la désagréable surprise de voir à l’arrière d’une église romane s’étaler un énorme tag en lettres rouges. Chose originale, ce tag était rédigé en latin, et disait : Omnia sunt communia. Littéralement : « Toutes choses sont à tout le monde. » Il s’agit là d’une citation de saint Thomas d’Aquin, l’auteur de la séquence Lauda Sion Salvatorem que nous avons entendue juste avant l’évangile. Saint Thomas, dans la Somme de Théologie, note que la propriété privée est un droit fondamental, mais qu’en cas de crise grave et de nécessité extrême, le bien commun est plus important que la propriété privée. Certes, je désapprouve que l’on tague, même en latin, et surtout sur une église, mais la formule Omnia sunt communia peut, je crois, nous donner à penser. Les Latinistes me permettraient-ils de traduire Omnia sunt communia par : « Tout est une affaire de communion » ? Dimanche dernier, la fête de la Trinité nous rappelait que Dieu est communion d’amour, sans confusion et sans séparation. En fêtant le Corps et le Sang du Christ ce matin, nous célébrons à nouveau la communion que le Seigneur nous permet de vivre avec Lui, et très concrètement nous célébrons la joie de pouvoir communier en recevant et en mangeant le corps du Christ qui nous sera donné ; et cette communion permet et demande que nous vivions aussi en communion les uns avec les autres. Omnia sunt communia, la communion eucharistique doit nous conduire au Bien Commun, c’est-à-dire au souci réel les uns des autres, concrètement, réellement. La joie de nous retrouver dans notre église, en communauté paroissiale, ne doit pas nous inciter, comme on dit à Lyon, à cuchonner, c’est-à-dire à rester au chaud, entre nous. La crise continue, et pour l’endiguer, il faut des artisans de paix, de compassion, de réconciliation et de reconstruction. Dans notre ensemble paroissial, dans nos communes, il y a des besoins, des détresses, des misères, que plus encore que d’habitude nous n’avons pas le droit d’ignorer. « Le Seigneur ton Dieu [t’a fait] passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur… » Si tout est une affaire de communion, alors notre rapport aux pauvres et notre rapport à l’eucharistie doivent être semblables l’un à l’autre. Chers frères et sœurs, il y a de la violence dans l’air. Il y a aussi de la douceur dans l’air. Face à l’ouragan de la crise, la réponse de Dieu, son Eucharistie, est comme une brise légère, une réponse pleine de douceur. Que la douceur de Dieu à notre égard nous pousse à être doux avec ceux qui souffrent, et dont la misère crie si fort autour de nous. Qu’ils puissent découvrir quelque chose de la douceur vivifiante de ce Dieu qui est communion en toutes choses. Omnia sunt communia, Amen.

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.