Dimanche 17 mars 2024 – Cinquième Dimanche du Carême

Chers frères et sœurs,

La ponctualité est un combat. C’est un combat contre soi-même parce qu’il faut parfois se faire violence pour partir à la bonne heure, pour ne pas traîner et pour arriver à la gare avant que le train ne parte, ou à l’église avant que la messe ne commence (ou au moins que l’évangile se termine, si on veut comprendre de quoi parle l’homélie…) C’est aussi un combat contre le temps qui passe et que l’on ne peut ni arrêter, ni ralentir. Parfois, en dépit de toute la bonne volonté du monde, on ne peut pas aller plus vite que la musique. Ainsi, lorsque les envoyés de Marthe et de Marie viennent chercher Jésus pour lui demander de venir soigner Lazare, il n’est pas certain que celui-ci soit encore vivant ; même au pas de course, il n’est pas sûr que cela aurait suffît : Lazare est déjà mort.

Je dis : « Il est déjà mort. » Je me retiens de dire, spontanément : « Il est déjà trop tard. » Car tout cet évangile veut nous le dire : tant que Jésus est là, il n’est pas trop tard. Mais c’est vrai que Lazare est mort. Non pas « décédé », « défunt » ou « disparu », mais bien « mort » : Jésus ne prend pas de gants pour le dire. La mort est pour nous une réalité si insupportable que nous avons souvent tendance à n’en parler qu’au travers d’images, de périphrases ou d’euphémismes. Dans un sketch célèbre à la télévision anglaise, les Monty Python mettent en scène un homme qui a acheté un perroquet dans un magasin d’animaux, et qui le rapporte, mécontent, parce qu’il ne bouge pas : il est tout raide et, objectivement, il est mort. Le vendeur, de très mauvaise foi, prétend que le perroquet est en train de se reposer ; alors le client se lance dans une tirade où il passe en revue toutes les formules possibles pour dire que l’oiseau est mort : « Ce perroquet n’est plus. Il a cessé d’exister. Il a expiré et il est allé à la rencontre de son Créateur. Il mange les pissenlits par la racine, il a cassé sa pipe, il a tiré le rideau, il est parti rejoindre le chœur des anges : c’est un ex-perroquet ! »

Oui, Lazare est un ex-Lazare, il a passé l’arme à gauche, il est vraiment mort. Sa vie sur terre est finie. Jésus n’est pas insensible : lui-même, il éclatera en sanglots deux ou trois jours plus tard, devant le tombeau. Jésus veut dire à la fois que la mort est une réalité et que, paradoxalement, ce n’est pas trop tard. À la fin de ce carême, nous sommes invités à regarder en face tout ce qui nous tue : ce n’est pas nécessairement une maladie mortelle ; ce peut être notre péché, sous toutes ses formes ; notre tristesse, notre découragement, notre fatigue, tout ce qui nous bloque et qui nous entrave. Pour lutter contre ces liens qui tuent, deux sacrements sont à notre disposition : l’onction des malades et le sacrement du pardon. Nous ne sommes peut-être pas toujours très ponctuels à les demander, parce que l’on préférerait ne pas en avoir besoin. Et pourtant, face au danger, quelle force ils peuvent nous donner, quelle consolation et quelle joie !

Ces sacrements sont la suite logique du tout premier des sacrements, le baptême. C’est vers lui que cheminent, depuis des mois, les deux jeunes hommes qui sont au premier rang de notre église ce matin, Alexis et Pablo. Après cette homélie, ils vivront leur troisième scrutin, qui n’est pas seulement une troisième étape vers le baptême, dans deux semaines, mais aussi un troisième temps pour lutter contre le mal et le péché, et pour demander au Seigneur de leur donner bientôt une vie renouvelée.

Une vie renouvelée, c’est exactement ce qu’a reçu Lazare. Pas une résurrection, car la première résurrection sera celle de Jésus, le matin de Pâques. Mais Lazare reçoit un supplément de vie : le jour de sa sortie du tombeau est le premier du reste de sa vie ; puis, un jour, après cette deuxième chance, il a fini par mourir. Jésus n’a pas simplement retardé l’échéance, comme un excellent médecin aurait pu le faire ; il l’a, par avance, libéré de la peur de la mort ; parce qu’ensuite, après la mort, il y aura la Résurrection, qu’il a déjà rencontrée dans la personne de Jésus. Alexis et Pablo, comme Lazare, après avoir été délié des bandelettes de vos péchés, vous allez recevoir – dans treize jours et douze heures environ – une vie renouvelée, la même, mais désormais avec le Christ, et ce samedi 30 mars 2024 sera le premier du reste de votre vie. Et puis, un jour dont je n’ai pas la date, vous vivrez la mort… vous pourrez y entrer sans peur, avec l’assurance que le Christ vous y attend aussi, pour l’éternité.

Au cours des deux premiers scrutins, vous avez entendu Jésus dire : « Va ». « Va chercher ton mari » (à la Samaritaine) ; « Va te laver les yeux à la piscine de Siloé » (à l’aveugle-né) ; et à, chacun de vous : va te préparer à vivre Pâques. Aujourd’hui, nous entendons : « Viens. » « Seigneur, viens voir ! » « Lazare, viens dehors ! » Venez, Alexis et Pablo, venez, chers frères et sœurs. Nous ne sommes pas promis à être des ex-vivants, mais des bons vivants, avec le Christ qui brûle de nous donner ce qu’Il est : la Résurrection et la Vie.

Amen.

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