Dimanche 18 septembre 2022-Vingt-Cinquième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Je me sens le devoir de dénoncer une grave erreur judiciaire. Cette parabole est étrange, déconcertante, soit. Mais écoutez comment tout le monde l’appelle : la parabole du gérant malhonnête, de l’intendant magouilleur, du directeur financier ripou, la parabole des fausses factures, que sais-je encore ! Eh bien, je crois que dire tout cela, c’est faire fausse route, c’est se tromper de coupable.

Cessez de regarder du côté de l’accusé ; tournez votre regard vers le patron de cet homme. Ce maître que l’on présente comme une pauvre victime, moi, j’affirme qu’il l’a bien cherché. C’est bien fait pour lui. S’il a perdu beaucoup d’argent, il n’a à s’en prendre qu’à lui-même. Et je le prouve…

Primo, il a embauché un gérant pour tenir ses comptes, et ensuite il ne l’a pas supervisé d’assez près. Ce n’est pas un crime, bien sûr, mais pourquoi lui fallait-il un intermédiaire ? Il n’avait qu’à s’occuper lui-même de sa comptabilité, s’il voulait éviter les problèmes. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Secundo, il a écouté des gens – on ne sait même pas qui – accuser son gérant de dilapider ses biens – dilapider, ce n’est pas voler, mais utiliser avec un peu trop de générosité – et aussitôt, il a pris la décision de le renvoyer. Il n’y a eu ni enquête, ni preuves, ni procès, ni même le moindre dialogue : en deux phrases, le sort du pauvre homme a été réglé, sans qu’il ne puisse se défendre un seul instant. Ce patron a une gestion des ressources humaines plutôt expéditive…

Tertio, il a renvoyé son gérant mais sans le faire immédiatement. Et c’est une grave erreur ! Dans certaines entreprises, dès la minute où un employé est licencié, il est reconduit sous bonne garde jusqu’à la porte de sortie, sans même passer par son bureau, sans avoir le droit de toucher à son ordinateur. La méthode est brutale, mais elle est efficace : l’employé ne peut pas nuire à son entreprise, ni emporter avec lui des secrets professionnels. En laissant le gérant à son poste pour un délai indéterminé, le patron lui permet de falsifier tranquillement les dettes dont son maître attend le remboursement. Je le répète : il l’a bien cherché.

Ce n’est pas la première fois dans l’évangile que Jésus parle d’argent, cette réalité présente dans chacune de nos vies. Vous connaissez la parabole des talents, vous vous souvenez, dimanche dernier, de l’histoire de la pièce d’argent perdue et retrouvée. Mais l’argent dont parlent les textes de ce jour a ceci de particulier qu’il est totalement virtuel. Il n’existe que sur le papier. Il est l’objet des spéculations de financiers sans scrupules, dans la lecture du livre d’Amos, qui savent qu’ils peuvent augmenter ou baisser artificiellement la valeur des biens, et s’enrichir de la sorte, et sans limites. Dans la parabole, l’argent dont il est question n’existe que sur le papier, il ne correspond à aucune monnaie sonnante et trébuchante, et il suffit d’un document tamponné, que l’on peut falsifier, pour tout changer. Dette artificielle, spéculation, fausse monnaie : cet argent fascine, parce qu’il semble être tout-puissant. Mais en réalité, il n’existe pas. Un trait de plume, et il disparaît : ce n’est que du vent.

Aussi, je ne crois pas que ce gérant soit un homme malhonnête, mais plutôt un homme libre, extraordinairement libre. D’ailleurs, il ne se met pas un centime dans la poche au passage : normal, puisqu’il sait que cet argent n’existe pas. Il voit ce qui est réel : ce qui existe pour de bon, ce sont les relations entre les hommes, la confiance, l’amitié. Ceux à qui il a réduit leurs dettes penseront d’ailleurs que c’est le maître qui l’a voulu ainsi : et le gérant se fait des amis qui auront aussi de la gratitude à l’égard de son patron. Tout le monde y gagne, et tout va mieux ainsi.

Je vous le disais, le maître aurait pu lui-même tenir ses comptes, il se serait épargné cette histoire compliquée. Quand on veut faire bien quelque chose, c’est plus rapide de le faire tout seul. Prendre la décision de travailler en équipe, de déléguer, de faire confiance, c’est a priori plus compliqué. Pourtant, le chef qui confie la gestion de son affaire à d’autres se trouve obligé de mettre des mots sur ce qu’il sait faire, d’expliquer comment ça marche, de préciser sa vision, son objectif, son désir profond : et, finalement, c’est très bénéfique aussi pour lui.

Quand Jésus raconte cette parabole, il explique à ses amis comment Dieu fonctionne. Dieu a choisi de remettre le trésor immense de sa miséricorde à Jésus dont la générosité est telle que des gens en seront toujours scandalisés. Il a choisi de confier ce trésor à l’Église, qui est pleine de gens imparfaits, moi en premier, et qui sont pourtant chargés d’en être les gérants, Cet art de la délégation, vous le vivez dans le scoutisme, par l’apprentissage progressif de la confiance et du travail ensemble, dans la vie des sizaines et des patrouilles. Le scoutisme est une école de la réalité, loin du virtuel. Le scoutisme est une école de la liberté, pour apprendre à choisir et à s’engager. Le scoutisme est une école de l’amitié, qui est le fruit de la vraie confiance réciproque. Que cette parabole, étonnante, scandaleuse et amusante à la fois, vous accompagne tout au long de cette année. Dieu veut nous appeler ses amis et nous accueillir un jour chez lui dans le camp du repos et de la joie !

Amen.

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.