Dimanche 19 décembre 2021. Quatrième dimanche de l’Avent

Chers frères et sœurs,

Le problème, avec les prophètes, c’est qu’ils disent tous la même chose. Certes, ils le disent avec des mots et des tons différents ; mais le message est toujours le même. Et, à la longue, nous qui aimons la nouveauté et l’originalité, nous ne les écoutons plus. Voilà, en résumé, l’histoire des mille ans qui ont précédé la naissance de Jésus : à chaque génération, Dieu a suscité pour son peuple le prophète dont il avait besoin. Baruch, Michée, Jérémie, Élie, Élisée et tous les autres, ils ont répété la même chose : « Ne vous découragez pas d’être fidèle à Dieu ! Il va venir : ne perdez pas espoir ! » Et, comme ils disaient tous la même chose, plus personne ne les écoutait. 

Ce n’est pas facile d’être fidèle quand celui que l’on aime tarde à venir : voilà, en somme, ce que nous rappelle ce temps de l’Avent. Mais le jour où, enfin, il vient, c’est comme un feu d’artifice, et la joie est proportionnelle à l’attente. Depuis trois semaines, chaque jour, la liturgie donne la parole à un prophète de l’Ancien Testament, exhortant comme il le pouvait le peuple d’Israël à tenir bon ; et, dans le sobre récit de la Visitation, cette longue chaîne de prophètes prêchant la fidélité à temps et à contretemps trouve enfin sa récompense. 

Il y a d’abord la belle fidélité, toute humaine, de Marie. Dès qu’elle apprend que sa cousine Élisabeth est enceinte, elle prend l’initiative de la retrouver et de se mettre à son service pendant les trois mois de grossesse qui lui reste et qui, pour une femme de son âge, peuvent s’avérer périlleux. Avec une hâte pleine de générosité, elle file dans les sentiers de montagne jusqu’au village où Élisabeth est toute surprise de la voir débarquer, et émue de tant de prévenance. Ces trois mois de service de sa cousine sont aussi, pour Marie, comme un apprentissage et une retraite spirituelle pour se préparer elle-même à devenir mère ; trois mois où elle disparaît de son village de Nazareth, et où Joseph peut légitimement se demander si Marie ne lui a pas été infidèle, avant qu’à son tour l’ange ne vienne l’inviter à la confiance. 

Mais la fidélité qui est en jeu dans cet évangile n’est pas seulement humaine. Au cœur de ce récit, il y a l’Esprit-Saint, qui après être venu sur Marie se pose sur Élisabeth, raccrochant ces deux femmes à la longue lignée des prophètes. C’est par lui qu’Élisabeth comprend ce qu’il se passe d’incroyable : Celui qu’Israël attendait depuis le commencement de l’alliance et dont les prophètes ont inlassablement annoncé la venue, Celui-là vient d’entrer dans sa maison. L’Esprit-Saint dédouble la Visitation : quand Marie salue Élisabeth, Jésus salue Jean-Baptiste, et en réponse, au nom de tout Israël, celui-ci danse de joie dans le ventre de sa mère. 

Si saint Luc rapporte les propos bouleversés d’Élisabeth, il ne nous dit pas de quelle manière Marie, sur le seuil de la porte, a formulé sa propre salutation. Je me permets d’imaginer que Marie a simplement dit « Me voici. » « Me voici », c’est l’expression familière par laquelle on peut se saluer entre amis, ou entre cousins : on se connaît assez pour se passer d’autres formules de politesse. Ce « Me voici » suggère soit que l’on était attendu, soit que l’on sait que l’on peut venir sans être invité car, chez cette cousine, on est chez soi. « Me voici », ce sont aussi les mots que l’auteur de la Lettre aux Hébreux met dans la bouche du Christ, « en entrant dans le monde »… Le « Me voici » de Marie à Élisabeth traduit le « Me voici » de Jésus à Jean-Baptiste, et surtout il prépare le « Me voici » que Jésus dira par toute sa vie à son Père : son « Me voici » dans la simple fidélité quotidienne sur les routes de Galilée, son « Me voici » douloureux au jardin des Oliviers et sur la croix, son « Me voici » victorieux au matin de Pâques. « Me voici », ce sont les mots sobres et puissants que lui souffle l’Esprit-Saint, les mots de la disponibilité dans la fidélité.

En ce dernier dimanche de l’avent, par ce « Me voici » qui résume tout, au-delà de la simple fidélité, nous sommes désormais dans la haute-fidélité ! Marie et Élisabeth sont – si j’ose dire – deux enceintes qui portent en elles, chacune, son haut-parleur : la Voix et le Verbe. En Élisabeth résonne la Voix qui criera bientôt dans le désert ; en Marie, le Verbe qui fait toute chose nouvelle. La chaîne hi-fi, la longue chaîne des prophètes qui de siècle en siècle ont prêché et vécu la fidélité de Dieu, est enfin complète, et voilà, elle marche ! 

Chers frères et sœurs, pour leur permettre de donner toute leur mesure, les bons techniciens recommandent de disposer chez vous vos enceintes non pas collée l’une à l’autre, mais avec un écart de deux à quatre mètres, de façon à ce qu’en vous plaçant à équidistance, vous vous sentiez en plein cœur de la musique. A notre tour, prenons place dans la maison de Zacharie, face à Marie saluant Élisabeth, face à Jésus saluant Jean-Baptiste. Écoutons donc leur fidélité et leur joie, écoutons le chant de leurs « Me voici » réciproques et, à notre tour, joignons nos voix à ce grand concert. 

Amen.

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