Dimanche 19 juin 2022 – Dimanche du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

Chers frères et sœurs,

L’avez-vous remarqué ? Il fait un petit peu chaud ces jours-ci, au point que, par moment, on se croirait presque au Proche-Orient. Il y a de nombreuses années, j’étais parti en pèlerinage en Terre Sainte et je me rappelle en particulier la visite de la ville de Beer-Sheva, au Sud d’Israël, par 45 degrés à l’ombre. Nous avions très soif et, en pénétrant dans la ville, nous avons remarqué l’enseigne d’une chaîne de restaurant américain, Mac-quelque chose®. Habitué à la gastronomie lyonnaise, c’était la première fois que j’y entrais. La climatisation, une nourriture roborative et surtout les boissons fraîches, j’étais presque au paradis ! Mais à la fin de ma commande, l’employé du restaurant m’a posé une question à laquelle je ne m’attendais pas : « Votre menu Big-machin®, ce sera sur place, ou à emporter ? »

Aujourd’hui, le contexte est très différent : nous sommes rassemblés dans cette église pour célébrer des premières communions à l’intérieur de la messe de ce dimanche, fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Pourtant, cette petite question, « sur place ou à emporter ? » peut, je crois, nous aider à mieux écouter l’évangile, et à mieux comprendre ce que nous allons vivre. Tout commence sur un énervement des apôtres : Jésus a trop de succès ! Autrefois, Jésus et ses apôtres étaient en petit comité. Désormais, il est devenu tellement célèbre que, partout où il passe, les gens le suivent, lui réclament un miracle ou une guérison, veulent le toucher, bref ne le lâchent plus. A la longue, les disciples sont fatigués… ou peut-être sont-ils passablement jaloux : on leur a volé leur relation privilégiée avec Jésus. Enfin, le soir tombe : cette longue journée se termine. Et comme vous, quand vous entendez sonner la cloche de l’école qui le vendredi soir annonce la fin des cours, les apôtres se disent : Enfin, on va pouvoir respirer ! Tous ces gens vont s’en aller dîner et dormir ailleurs, on va pouvoir récupérer notre Jésus à nous. Ainsi, la question qu’ils se posent, c’est : la foule, « sur place, ou à renvoyer ? » Et leur réponse est si claire que, pour accélérer le mouvement, ils la soufflent à Jésus : « Renvoie cette foule ! » Ouste, les casse-pieds ! Dehors, les romanos !

Non sans malice, Jésus non seulement ne va pas dans leur sens, mais fait tout le contraire. Objectivement, la situation est impossible. Ils sont loin de tout, rien n’a été prévu et les apôtres n’ont qu’un ridicule petit pique-nique, trop petit même pour treize personnes : cinq pains et deux poissons, une misère ! Pour résoudre cette situation impossible, Jésus va faire l’essentiel, mais en passant par les apôtres, à qui il confie trois missions spécifiques. Première mission : organiser les cinq mille personnes qui composent cette foule en cent petits groupes de cinquante. Deuxième mission, distribuer à chaque groupe la nourriture nécessaire. Troisième mission : récolter les restes. Au contraire des apôtres qui voulaient se débarrasser du soin de cette foule, Jésus s’en saisit avec eux, et à la question « Sur place, ou à emporter ? » il répond : « Sur place, ET à emporter ! »

Ces trois missions des apôtres, ce sont aussi les trois aspects de votre première communion. Car la première communion ne se limite pas à cette heure de messe que nous sommes en train de vivre ensemble. Tout d’abord, donc, Jésus transforme la foule immense, indifférenciée, en petites communautés de cinquante personnes. Une foule, c’est trop vaste pour que l’on puisse se connaître ; en revanche, une communauté à taille humaine est le lieu où l’on peut entrer dans des relations vraies et fraternelles. Cinquante personnes, c’est d’après saint Luc le bon nombre pour permettre à la fois la proximité et la diversité. D’ailleurs, il y a une semaine, vous étiez précisément cinquante à la retraite de première communion à Ars : vous vous êtes préparés à cette première communion, non pas tout seuls, mais dans un groupe où vous avez réfléchi ensemble, prié ensemble, péleriné ensemble, et grandi dans l’amitié. C’est là que vous avez commencé à vivre la communion !

Dans un deuxième temps, les apôtres apportent aux gens la nourriture que Jésus a bénie. Et saint Luc n’explique pas comment il fait pour nourrir autant de monde. Est-ce sous la main de Jésus, ou bien dans les mains des apôtres, que la nourriture se multiplie ? Combien en tout y a-t-il eu de pains et de poissons ? Des centaines, des milliers ? On ne le sait pas, et c’est tant mieux ainsi. Le miracle n’est pas fait pour être décortiqué, mais pour être compris : il est le signe de la providence de Dieu, c’est-à-dire de son amour qui veille sur nous, qui s’assure que nous ne manquerons jamais de rien, parce qu’il nous aime. Par cette hostie que vous allez manger, par cette gorgée de vin que vous allez boire, c’est votre relation à Dieu, dans l’amitié, qui va grandir et se développer. C’est cela le plus important !

Enfin, quand tout le monde a mangé à sa faim, les apôtres viennent chercher ce qu’il reste, et chacun des douze apôtres repart avec son panier personnel, plein de pain et de poisson à emporter et à offrir : comme il n’y a plus personne à nourrir sur place, c’est vers d’autres personnes, encore inconnues, que les apôtres devront aller proposer cette nourriture qui leur est confiée. Leur mission ne fait que commencer.

Vous le voyez, dans le récit de la multiplication des pains, il y a trois aspects de la même communion : la communion fraternelle, la communion eucharistique, la communion missionnaire. Vous recevez la première communion à l’intérieur de la vie paroissiale, dont vous faites partie, et pour que vous y viviez des relations vraiment fraternelles. Par cette première communion, vous recevez en vous, dans votre corps, le Corps du Christ, en votre sang, le Sang du Christ, afin de grandir dans l’unité avec lui. Enfin, vous recevez la communion pour en témoigner, pour la faire connaître, pour la transmettre, pour dire un jour à d’autres personnes, comme saint Paul : « j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis… »

La différence entre l’eucharistie et les menus Big-machin® de Mac-quelque chose®, c’est que l’eucharistie n’est pas un fast-food, une nourriture rapide, mais un slow-food, une nourriture qui prend son temps et qui vous donne le temps. Prenez le temps d’approfondir vos relations fraternelles dans cette communauté d’Église qu’est la paroisse, votre paroisse. Prenez le temps de revenir, chaque dimanche, et même en semaine, pourquoi pas ? à ce repas qui vous attend, qui est préparé pour vous. Prenez le temps de devenir missionnaires de la communion, et d’inviter ceux que vous rencontrerez à découvrir la communion avec Dieu. Votre première communion, c’est donc aujourd’hui, ET demain : c’est sur place, ET à emporter.

Amen.

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