Dimanche 1er mai – Troisième dimanche du Temps Pascal

Vous m’entendez ?Vous m’entendez ?Est-ce que vous m’entendez ?

Chers frères et sœurs,

Bizarre, n’est-ce pas ? Bizarre, cette façon de répéter plusieurs fois de suite la même question. Bizarre, et même inquiétant : serait-ce un début d’Alzheimer, ou les symptômes d’un AVC ? C’est que la répétition n’est pas spontanément quelque chose qui nous plaît et qui nous met à l’aise. Certes, on le sait, elle est à la base de la pédagogie : pour connaître quelque chose par cœur, il est bon de l’entendre encore et encore, jusqu’à ce qu’il soit rentré dans nos petites têtes. Mais le bon professeur est celui qui manie intelligemment la répétition, sans excès, pour ne pas exaspérer son élève. Or, vous venez d’en faire l’expérience : en vous posant trois fois de suite la même question, je vous laisse entendre que votre réponse n’est pas la bonne, que vous vous êtes trompés, ou que vous essayez de me tromper. Bref, je vous dis que je ne vous crois pas. C’est bizarre et c’est pénible. Saint Pierre, dans la même situation, réagit comme nous : « Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Dans la nuit du Jeudi Saint, Pierre a trahi Jésus, et celui-ci a beau être ressuscité, il « sait tout », et donc il n’a pas oublié. Pierre demeure enfermé dans la honte de son péché, dont l’écho se répète dans sa tête, sans fin. Dimanche dernier, Jésus, à trois reprises, lui a donné la paix, mais il semble que Pierre ne l’ait toujours pas reçue dans son cœur. Quelque chose demeure bloqué, une tristesse lancinante, qui tient tête à la miséricorde. Au matin de Pâques, l’ange apparu devant le tombeau vide avait dit aux saintes femmes de transmettre un message aux disciples : Allez en Galilée, c’est là que vous verrez le Ressuscité ! Effectivement, Pierre et ses compagnons sont au bord du Lac de Tibériade, en Galilée. Je crains que ce ne soit pas à cause de ce que les femmes leur ont dit, mais plutôt par désœuvrement. Jésus est ressuscité, c’est bien, mais les disciples ne savent pas quoi faire. Au fond, ça ne change rien à leur vie que Jésus soit vivant. Alors, faute de mieux, ils ne trouvent rien de mieux à faire que de revenir à leur vie d’avant, à leur maison, à leur famille et à leur métier de marins pêcheurs sur le lac. Ils font comme si leurs aventures avec Jésus n’avaient été qu’une parenthèse dans leur vie, un rêve désormais évaporé. Le lac, au moins, c’est le lieu de ce que l’on sait faire, de la vie rassurante, sans surprise et sans déception. Une des caractéristiques de l’évangile selon saint Jean, c’est que celui-ci ne parle jamais des ‘miracles’ de Jésus, mais des ‘signes’ qu’il accomplit. Non pas qu’il nie le caractère miraculeux des guérisons et des délivrances que Jésus opère ; mais il veut souligner que ces actes doivent être librement interprétés, compris et reçus par ceux qui en sont les bénéficiaires pour être vraiment des miracles. Pour cela, il faut que la personne observe des convergences, des répétitions, des coïncidences, jusqu’à ce que se produise le déclic. Et c’est bien ce déclic que Jésus vient provoquer sur la plage du lac, dans le cœur de Pierre et de ses compagnons. IIl y a tout d’abord le lac : le pays natal des disciples, le lieu de leur premier appel et de la tempête apaisée. Un lieu tellement différent de Jérusalem, où Jésus est ensuite monté, pour sa gloire et pour son malheur. Ces deux lieux, dans l’esprit des disciples, sont parfaitement déconnectés l’un de l’autre : pour eux, Jérusalem, c’est l’anti-Lac de Tibériade, et le Lac de Tibériade, c’est l’anti-Jérusalem. Or Jésus ressuscité, en les rassemblant autour d’un repas sur la plage, repas qu’il leur a préparé et qu’il leur partage, transfère en somme l’eucharistie de Jérusalem en Galilée. Le repas du Jeudi Saint, célébré une fois pour toutes à Jérusalem au cours de la nuit de la Passion, peut désormais être répété dans le lieu de la vie quotidienne des disciples, puisque le corps de Jésus ressuscité est le Temple Nouveau, qui se trouve partout où les Chrétiens se trouvent. Jésus répète l’eucharistie, provoquant le souvenir et la foi, l’ancien et le nouveau rassemblés. Désormais, l’eucharistie sera le signe de la présence de Jésus ressuscité, et, devant le pain et le vin consacrés ici et maintenant, nous pouvons nous exclamer, nous aussi : « C’est le Seigneur ! »Chers frères et sœurs, ces cinquante jours du temps pascal nous sont donnés pour interpréter et comprendre les signes de résurrection que Dieu sème dans notre vie, et qu’il attend, patiemment, que nous découvrions. On pourrait dire, en somme, que, dans le Christ, ce qui s’est produit une fois pour toutes peut, et doit, se répéter. C’est vrai avec l’eucharistie, c’est vrai avec la miséricorde, c’est vrai aussi avec la résurrection. Le Verbe de Dieu s’est fait cela même que nous sommes pour que sa vie se répète dans la nôtre. Si nous avons du mal à le comprendre, alors il insiste, avec une lourdeur remplie d’amour. Pour que Pâques prenne toute sa mesure, n’ayons pas peur de la répétition ! Amen, Amen. Amen !

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.