Dimanche 20 février – Septième dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

« Pardonnez, et vous serez pardonnés. » Nombreuses sont ce soir mes raisons de solliciter votre pardon. Je vous ai extraits de vos lits à trois heures du matin, je vous ai infligé une quinzaine d’heures de car sur les autoroutes italiennes, je vais vous faire dîner à une heure indue. Et, pendant trois heures, je vous ai forcé à regarder dans le car le film Le Guépard de Luchino Visconti : magnifique, mais, je le concède, interminable !Je vous dois donc quelques explications. Ce n’est pas seulement parce que c’est un chef d’œuvre du cinéma que je vous ai fait voir ce film, ni parce qu’il illustre une grande page de l’histoire italienne, celle de la chute des Bourbons de Naples et de l’épopée garibaldienne, au début des années 1860. Le Prince Salina, comme il le dit lui-même, mi-ironique, mi-sérieux, se considère comme un « dieu » sur cette terre de Sicile que ses ancêtres tiennent depuis vingt-cinq siècles. Il est un dieu raisonnable, dans ce pays qui, dit-il, est « le pays des accommodements ». Aussi manœuvre-t-il habilement pour que tout change afin que rien ne change ; et pour conserver son influence il s’allie stratégiquement avec la classe qui conquiert le pouvoir dans le tumulte du Risorgimento. Il se débrouille bien, et il estime n’avoir pas besoin de pardon, malgré les demandes insistantes du Père Pirrone. Pourtant, malgré toute sa finesse, Le Guépard s’achève sur une note douce-amère, pleine de désillusion, où l’arrivisme de Tancrède semble avoir le dernier mot. A contrario, l’évangile de ce dimanche est une exhortation à cette générosité déraisonnable que l’on appelle miséricorde. Les propos de Jésus ont sans doute choqué son auditoire comme ils choquent aujourd’hui quiconque les écoute sérieusement. Comment garder le pouvoir si l’on se laisse aller à tant de faiblesse devant l’ennemi et le malhonnête ? Comment une société peut-elle survivre à de tels principes ?En ce premier jour de notre pèlerinage à Rome, nous nous préparons à découvrir l’Église dans sa double dimension, humaine et divine ; et le Palais du Prince Salina en est une bonne métaphore. Dans sa dimension humaine, l’Église est pleine de splendeur et de poussière, comme un vieux château : elle est pleine d’humanité, donc de contradictions, et nous pouvons ressentir un mélange d’émerveillement et de déception devant ce que nous en voyons. Mais, dans sa dimension divine, elle est fondée sur la puissance de la miséricorde que Pierre et Paul ont expérimentée dans leur propre histoire : contre toute logique politique, un lâche et un persécuteur ont été désignés pour rendre témoignage de la miséricorde jusqu’à Rome, au cœur de l’Empire. Et, malgré tous ces pécheurs, ou plutôt pour eux, l’Église tient bon, munie des promesses de la vie éternelle. Le Prince Salina dit que seul un palais dont non ne connaît pas le nombre des pièces est digne d’être habité. Dans la maison du Père dont l’Église est aussi le reflet, il y a beaucoup de demeures, et tous nous y sommes chez nous. Que le Seigneur nous donne, tout au long de ce pèlerinage, une douceur d’agneau et une énergie de guépard ! Amen.

Accès rapides

Le denier

Newsletter

Recevez les dernières actualités et la feuille d'informations directement dans votre boîte mail.

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.