Dimanche 21 février-Ier Dimanche du Carême

Les Quarantièmes Rugissants

Chers frères et sœurs,

C’est reparti, comme en quarante. Nous commençons une fois de plus le chemin du carême, mais peut-être cette fois-ci y entrons-nous avec une certaine lassitude. Que va changer le carême à notre vie, puisque nous vivons déjà, depuis presque un an, dans un carême permanent et forcé ? Si le carême est une affaire de sobriété, de privation, de pénitence, de limite, vous me direz peut-être : on a déjà donné !

Alors, pour vous mettre dans de meilleures dispositions, permettez-moi de vous emmener au zoo. Celui du Parc de la Tête-d’Or est fermé, et ceux de Peaugres et de Courzieu le sont également, je présume. Mais le grand jardin zoologique de la Bible est ouvert et c’est en le traversant que nous pouvons entrer dans un carême un peu plus stimulant.

Après la fermeture du paradis terrestre où l’homme vivait avec la Création en belle et bonne intelligence, Dieu a reformé cette amitié en miniature à l’intérieur de l’arche par laquelle Noé et sa petite famille traversent le déluge qui envahit la terre ; au terme de quarante jours de navigation sur les eaux déchaînées, l’arche touche à la terre ferme, et Dieu parle : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. » L’arche au sec, l’alliance nouvelle, les cieux ouverts et l’amitié de Dieu avec sa Création : voilà un premier zoo. Et en voici un second, que saint Marc, laconique comme à son habitude, évoque au centre de l’évangile que nous venons d’entendre : « [Jésus] vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. » Cela peut sembler anecdotique, mais pas tant que cela. Le désert n’est donc pas seulement le lieu du vide, de la soif, de l’affrontement avec Satan, mais il a aussi cet aspect de paradis retrouvé, où les bêtes vivent en harmonie avec l’homme, et où les anges exercent au grand jour leur métier de messagers et de protecteurs.

S’il m’est impossible de détailler tous les animaux présents dans l’arche, il faut au moins en évoquer un, au nombre des « bêtes » que Jésus rencontre dans le désert : c’est le lion. Il est omniprésent dans la Bible, tantôt symbole de noblesse, tantôt symbole de danger : il est un remarquable et puissant chasseur que l’on a envie à la fois d’admirer et de craindre. Si le lion ne vient pas croquer Jésus mais vivre avec lui, cela en dit long sur l’autorité de Jésus ! Ce n’est donc pas par hasard si le symbole de saint Marc est le lion : c’est avec lui, dans le désert, que son évangile commence.

En parlant de lion, je voudrais vous confier à un bon guide dans la visite de ce zoo qu’est le carême. Il a une certaine expérience, puisqu’il est mort il y a pile mille six cents ans, mais il est toujours disponible. Il s’agit de saint Jérôme, un grand intellectuel qui n’avait pas bon caractère – c’est le moins que l’on puisse dire (j’en profite pour souligner que saint Jérôme est une grande source d’espérance pour les gens comme moi : même quand on n’a pas un caractère facile, on peut devenir saint…) Après des études à Rome, il se convertit et devient moine, puis, à la demande du Pape Damase 1er, entreprend un travail titanesque : traduire, seul, la Bible du Grec au Latin. Il s’installe à Bethléem et consacre les trente-quatre dernières années de sa vie à ce chef-d’œuvre. Et voilà une petite histoire pour compléter son portrait : on raconte qu’un soir, à la porte de son petit monastère, un lion se présenta en boitant. Tandis que les autres moines prenaient leurs jambes à leur cou, saint Jérôme s’avança, vit que l’animal avait une épine dans le pied, la retira, le soigna et les deux – l’animal sauvage et le moine non moins sauvage – devinrent dès lors des amis inséparables. J’ai pensé à l’évangile de ce dimanche en voyant il y a quelques jours une image de saint Jérôme, le lion à ses pieds, écrivant sa traduction de la Bible avec l’aide d’un ange.

J’espère, chers frères et sœurs, ne pas vous avoir choqués en vous proposant d’entrer dans le carême comme dans un zoo. N’y voyez rien d’irrespectueux. Le mot ‘zoo’ lui-même vient du Grec zoé, ‘la vie’. Un zoo, c’est là où il y a de la vie, et le carême aussi, ce n’est pas un temps triste de notre vie spirituelle où nous sommes condamnés à vivoter, mais bien un temps pour vivre à pleins poumons, en redécouvrant l’essentiel. Le 30 novembre 2020, au jour anniversaire du mille-six-centième anniversaire de la mort de saint Jérôme, le Pape François a fait paraître un très beau texte sur l’amour de l’Ecriture qui nous révèle le visage du Christ : si vous ne savez pas quoi lire pendant le carême, voilà une petite idée… Le travail de traduction que saint Jérôme a réalisé a été aussi pour lui un chemin de conversion et de transformation de sa vie. Que ce temps du carême soit pour nous un temps favorable pour traduire dans notre vie la Parole de Dieu au milieu de la Création, et pour redécouvrir que cette Parole n’est pas comme une chansonnette qui nous endort, mais comme un rugissement qui nous réveille !

Amen.

Texte de la Lettre Scripturae Sacrae Affectus sur saint Jérôme et l’amour de l’Ecriture Sainte : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_letters/documents/papa-francesco-lettera-ap_20200930_scripturae-sacrae-affectus.html

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