Dimanche 22 mars

Chers frères et sœurs, chers amis,

Dimanche dernier, le père Martin commençait son homélie en évoquant une situation particulière que nous n’avions pas voulue : d’un côté, vous, les paroissiens, de l’autre, nous, les prêtres. Et voilà que cette situation s’installe dans la durée et fait apparaitre des manques pour les uns et pour les autres. Les fidèles laïcs manquent de la présence du Christ dans l’Assemblée et de la communion au Corps du Christ présent dans le Pain consacré. Les prêtres et les diacres manquent aussi du Christ présent dans l’Assemblée. Ils manquent de chair. Je ne parle pas de la chaire, le lieu d’où l’on donne une homélie, mais de chair, d’humanité pour qui prononcer une homélie : des hommes et des femmes, des enfants, des aînés, des familles. Croyez-moi, une homélie sans Assemblée, ce n’est pas facile. Mais le cœur d’une homélie, c’est la Parole de Dieu.

Et voilà qu’au cœur de la situation singulière que nous vivons, nous percevons, nous comprenons combien cette Parole de Dieu est importante, centrale, essentielle, vitale.  

Depuis que nous sommes entrés dans ce temps de confinement, beaucoup parmi nous la fréquente avec une plus d’assiduité, avec une fidélité renouvelée.

Réjouissons-nous ! En ce Dimanche de la joie, réjouissons-nous de ce qu’elle réalise dans nos vies, cette Parole. Elle nous transforme, comme le Christ, Parole vivante du Père, Verbe fait chair, transforme cet homme que nous rencontrons aujourd’hui dans l’Evangile.  

Il est né aveugle.

Par nécessité, peut-être un peu par désœuvrement, il en est à mendier habituellement sous un portique du Temple, de sorte qu’il fait partie du décor.

Il est assis là, à longueur de journée. Je l’imagine, le soir rentrant chez ses parents, peut-être guidé par compagnon d’infortune : un boiteux, un sourd-muet, un de ces personnages des abords du Temple, en tous cas, pas par un autre aveugle : la chose serait risquée. Bref, il a la vie d’un aveugle de naissance au temps de Jésus.

Mais d’un coup, sa vie change.

Après une énième controverse avec les autorités religieuses, l’hostilité montant d’un cran, menacé d’être lapidé, accompagné de ses disciples, Jésus sort du Temple.

Malgré le climat menaçant, il voit cet aveugle, il prend le temps de le voir. Voilà une réalité très importante : il s’agit de voir.

Frères et sœurs, aujourd’hui, nous sommes empêchés de nous voir mutuellement, en chair et en os.

Mais quand nous aurons traversé l’épreuve que nous connaissons, assurément, nous serons différents. Nous nous verrons mutuellement différemment, nos regards auront changé. Nos voisins, les personnes que nous croisons dans la rue, chez les commerçants, peut-être s’étonneront ils : « C’est lui, c’est elle », d’autres diront : « c’est quelqu’un qui lui ressemble. » …

Les apôtres, intrigués par l’aveugle, posent à Jésus une question que nous connaissons bien : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ».

Cette question résonne un peu comme : « qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu pour mériter cela ? »

Derrière cette question, il y a l’image d’un Dieu qui n’est pas le Créateur en qui Jésus nous propose de mettre notre confiance, notre fidélité, notre foi.

Comme pour notre aveugle de naissance, Dieu veut que ses œuvres se manifestent en chacun de nous. Et nous sentons bien, ces jours-ci, alors que notre rapport au temps et à l’espace a changé, combien sa Parole nous travaille. Elle nous forme, nous reforme et nous transforme. Nous expérimentons cela dans nos familles, dans nos communautés religieuses, dans nos relations. Nous l’éprouvons au plus intime de nous-même. Comme l’aveugle nous nous découvrons personnellement. Nous découvrons nos capacités à résister et nos limites. Et, au contact de la Parole de Dieu, nous apprenons à nous connaitre nous-même, nous nous reconnaissons : « C’est bien moi. » Peu à peu, les œuvres de Dieu se manifestent en nous.

Jésus évoque un jugement : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement. »

Un jugement, entendons un discernement des valeurs, une remise en ordre, une conversion pour que nos regards changent : personnellement, communautairement, économiquement, écologiquement, humainement et spirituellement.

Le premier regard de cette page d’Evangile, c’est celui de Jésus : « En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. »

Ce n’est pas le tout de chanter la bouche en cœur : ″laisse-toi regarder par le Christ″, encore nous faut-il accepter humblement, de ne savoir qu’une chose, c’est que nous ne voyons pas. Encore nous faut-il reconnaitre que le Christ passe dans nos vies depuis notre baptême. Encore nous faut il suffisamment lâcher-prise pour que la Parole de Dieu nous convertisse.

Ce regard de Jésus, c’est celui de Dieu qui choisit David : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »

En ce Dimanche de la joie, les catéchumènes sont empêchés de vivre les scrutins, cette étape vers le baptême qui manifeste que Dieu scrute les cœurs. Portons-les dans la prière, et profitons-en, nous aussi, pour nous laisser renouveler dans notre grâce baptismale.

Frères et sœurs : en ce moment difficile, gardez la joie de l’Evangile ! COURAGE !

Père Thierry Coquard

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