Dimanche 25 décembre 2022 – Messe du Matin de Noël

Chers frères et sœurs,

Célébrer Noël, c’est bien ; célébrer Noël un dimanche, c’est encore mieux. Et ce n’est pas si fréquent : la prochaine fois que le 25 décembre tombe un dimanche, c’est en 2033, autrement dit, ce n’est pas pour tout de suite. Célébrer Noël un dimanche, c’est fêter la Nativité au jour de la Résurrection, c’est donc prendre la pleine mesure de ce que Noël signifie : Noël, c’est Pâques ; Noël, c’est l’Ascension et la Pentecôte. Noël, c’est la réponse à la fidélité d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, de Moïse et des prophètes ; Noël, c’est la source de l’Église et la fontaine des saints. Noël, c’est l’Incarnation, le mystère de Dieu vivant au milieu de nous.

Si nous avons besoin, par pédagogie, de distinguer les différentes étapes de l’histoire de la révélation, les différents temps, les différentes fêtes, il est bon aussi de nous rappeler que tout se tient, que tout est lié. Au matin de Noël, l’évangile qui nous est donné, ce long Prologue de saint Jean, peut sembler dense et indigeste comme un Christmas pudding, dont les vapeurs de rhum nous laissent un peu assommés. Mais sous les apparences d’un texte difficile, il y a en réalité une synthèse géniale de ce qu’a compris saint Jean : la cohérence de Dieu dans le temps et dans l’histoire. Dieu tient, dès le commencement et jusqu’à la fin, une même ligne, claire, droite, infaillible : le désir de nous retrouver, de nous sauver, et de nous donner sa vie. Il le veut, et il en prend les moyens. C’est cela, Noël.

Pour accomplir ce plan, la main de Dieu ne tremble pas, comme celle de l’artiste qui réalise le chef-d’œuvre de sa vie. On pourrait, bien sûr, citer mille exemples de l’art parvenu à son sommet, mais il y a une œuvre très spéciale à laquelle je pense lorsque je dis de Dieu qu’il est l’artiste par excellence : c’est une œuvre de Claude Mellan, dessinateur et graveur français du XVIIème siècle, qui représente la Sainte Face du Christ sur le voile de Véronique : un beau visage, grave et lumineux, couronné d’épines, celui de Jésus dans sa Passion. Mais ce qui est extraordinaire, c’est la façon dont cette image a été gravée, et que l’on découvre en regardant de plus près la gravure : au moyen d’une seule ligne en spirale. Partant du centre de l’image, qui correspond au nez du Christ, la ligne unique du burin sur la plaque de cuivre crée le relief du portrait en jouant sur les pleins et les déliés, sans jamais s’interrompre, avec une maîtrise absolument incroyable.

L’artiste a, dans le coin de la gravure, signé son chef d’œuvre, avec cette formule mystérieuse : Formatus Unicus Una. C’est-à-dire : le visage unique, dessiné par une ligne unique. Mais on pourrait aussi traduire : Jésus, le Fils unique, né de Marie, unique elle aussi dans le plan de Dieu. Ou encore : Jésus, le Fils unique, formé par la volonté unique, droite, cohérente, infaillible de Dieu. Michel de Marolles, prêtre et ami de Claude Mellan, commente ainsi la formule :

« Formatus unicus una, faisant allusion à la beauté du Fils Unique du Père éternel, né d’une Vierge, et à la seule ligne spirale, dont le peintre artiste a si bien dessiné le portrait, avec cet autre mot écrit encore au-dessous, Non alter, parce qu’il n’y a personne qui ressemble à ce premier des prédestinés, et que le graveur de cette image en a fait tellement un chef-d’œuvre, qu’un autre aurait de la peine à l’imiter pour en faire autant. »

Ainsi Jésus dans sa Passion, dans la poussière et la violence du Vendredi Saint, révèle-t-il Jésus le nouveau-né, dans la quiétude de Noël. L’un semble être le contraire de l’autre, mais non. Tout est lié. Et d’un bout à l’autre de la vie du Christ parmi les hommes, une seule ligne, celle de l’amour, relie toutes choses, en spirale. Formatus unicus una : un même amour, une même ligne.

Chers frères et sœurs, ce qui est vrai du Christ, le Fils unique, est désormais aussi vrai des Chrétiens. Saint Jean le souligne : « À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. » Malgré les apparentes incohérences, malgré tant de choses qui nous échappent et qui nous déconcertent, dans notre vie aussi, la main de Dieu ne tremble pas. Comme le dit un proverbe portugais, Deus escreve direito por linhas tortas, « Dieu écrit droit par des lignes courbes. » En ce dimanche matin de Noël, dans la double lumière de la Nativité et de la Résurrection, regardons avec attention les pleins et les déliés de notre existence, avec lesquels Dieu inscrit en spirale sa présence au milieu de notre vie !

Amen.

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