Dimanche 26 décembre 2021. Fête de la Sainte-Famille

Chers frères et sœurs,

« Racontez-moi votre enfance ! » Depuis Sigmund Freud et l’avènement de la psychanalyse, cette question est devenue essentielle. Le secret de la vie d’une personne, de ses choix, de ses peurs, de ses succès et de ses échecs résiderait dans les évènements qui ont marqué sa prime jeunesse. Explorer son enfance, c’est en particulier établir comment elle s’est construite en relation avec sa famille, et surtout avec ses parents, eux qui l’ont mise au monde. De là, explorer son enfance, ce serait donc trouver la clef qui ouvre tout ce qui est coincé en soi, la clef qui permet non seulement de se comprendre, mais aussi, au besoin, de pouvoir guérir.

De l’enfance de Jésus, saint Luc ne retient qu’un épisode, à douze ans, et dont on peut raconter l’histoire de deux points de vue : comme un détachement ou comme un attachement. D’un certain point de vue, c’est un détachement qui se passe : Jésus échappe à la garde de ses parents, et pendant trois jours, au moment de Pâques, on ne sait plus où il est. C’est comme s’il était mort. Et le cœur de tout parent peut imaginer quelle angoisse étreint Marie et Joseph, qui remuent ciel et terre pour retrouver l’enfant, qui en perdent le sommeil et l’appétit, qui se font un sang d’encre, avant de retrouver Jésus plongé au Temple dans des discussions théologiques. Mais, d’un autre point de vue, c’est d’un attachement que parle cette histoire : Jésus a ressenti un déclic au Temple de Jérusalem, et il n’a pas vu le temps passer. Chacun de nous peut entendre cette histoire du point de vue des parents inquiets ou de l’enfant émerveillé… ou, idéalement, des deux !

Ce qui est certain, c’est qu’un décalage s’est produit entre le petit garçon et ses parents, un décalage qui ira croissant. Quand Marie exprime à Jésus, sans colère, l’angoisse qui a été la sienne au long de ses trois jours interminables, la réponse est déconcertante : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Ce n’est pas de l’insolence, mais l’expression d’une évidence : Jésus a trouvé dans le Temple sa maison, et par définition, il n’a pas pu faire autrement que d’y habiter. L’ancienne traduction liturgique de l’évangile faisait dire à Jésus qu’il devait être « aux affaires de [son] Père » : une traduction assez littérale du texte grec, mais qui avait à mon avis un côté un peu trop « business familial » ! Je trouve plus heureuse la traduction actuelle : Jésus est « chez » son Père, à la maison, donc chez lui.

Pendant ces jours de Noël, ce sentiment d’être « chez soi » prend une force plus grande que d’habitude. On se retrouve dans une maison de famille, on quitte pour un moment son domicile pour converger chez ses parents, on pense avec nostalgie à une demeure de l’enfance qui a disparu. Et dans ces maisons, après le repas copieux du 25 décembre, la tradition veut parfois que l’on digère (voire que l’on s’endorme) devant un film de Noël. 

C’est ainsi que j’ai terminé l’après-midi d’hier devant un de ces films, que j’avais déjà vu vingt fois… et que je me suis rendu compte qu’il était une parfaite illustration de l’évangile de ce dimanche : ce film, c’est Maman, j’ai raté l’avion. Un petit garçon reste par erreur dans sa maison tandis que sa nombreuse famille part en voyage pour Noël ; et pendant que sa mère essaye par tous les moyens de le retrouver (elle met trois jours à revenir…), il doit se comporter comme un grand et défendre le foyer contre deux cambrioleurs. Dans ce film comme dans l’évangile, la maison est un personnage à part entière du récit : le Temple de Jérusalem, c’est cette maison paternelle dont l’enfant découvre combien il l’aime, et à quel point il est prêt à la défendre. Vous noterez peut-être une différence : dans le récit de Jésus perdu et retrouvé au Temple, les relations de l’enfant avec les Docteurs de la Loi sont plus que cordiales, ces derniers s’émerveillant devant ce petit génie si prometteur. Mais la suite de l’évangile le montrera : Jésus quelques années plus tard aura des paroles très dures pour reprocher à ces mêmes Pharisiens et Docteurs de cambrioler la religion et de voler la foi des pauvres ; et ceux-ci, en retour, mettront tout en œuvre pour le piéger et pour le tuer. 

En anglais, Maman, j’ai raté l’avion s’intitule Home alone, « Seul à la maison » (c’est, je suppose, le titre québécois). Oui, c’est bien de cela que parle l’histoire de Jésus perdu et retrouvé. Un déclic s’est produit : Jésus est tombé amoureux, peut-être pas exactement du Temple, mais plutôt du fait d’« être chez son Père ». Plus tard, il parlera de ce lieu comme du « Royaume de Dieu », un lieu qui est partout où Dieu se fait connaître. La Sainte Famille, que nous fêtons ce dimanche, immédiatement après Noël, est le lieu où le Seigneur a fait l’expérience de l’attachement et du détachement, l’apprentissage du Royaume. Parents inquiets pour vos enfants, sachez que Marie et Joseph vous accompagnent. Enfants épris de liberté et de vérité, sachez que Jésus vous précède. Familles qui vous confiez à Dieu telles que vous êtes, sachez, une fois de plus, que sa maison est la vôtre. 

Amen.

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