Chers frères et sœurs,
Peu avant Noël, un expert recommandait de subdiviser la bûche du réveillon en deux parties, d’en donner une aux jeunes installés dans la salle à manger, et l’autre aux grands-parents relégués dans la cuisine. Et ensuite de bien aérer les pièces. Cet expert aurait pu proposer une solution plus simple : c’est que tout le monde dîne dehors, au grand air, sous la voûte étoilée. Cela aurait été sans doute la solution la plus conforme a l’esprit de Noël, puisque l’esprit de Noël, nous disent les textes de ce dimanche, c’est une sainte famille, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Un ciel sans nuage, sans pollution, immense et constellé de mille feux : voilà de toute évidence la métaphore préférée de Dieu. Dans le livre de la Genèse, Dieu vient à la rencontre d’un couple du quatrième âge, Abram et Saraï, respectivement 100 et 80 ans, qui sont doucement en train de se laisser descendre la pente de la vie ; à leur mort, leur héritage et leur souvenir passeront à un de leurs serviteurs, qui en fera ce qu’il pourra, ce qu’il voudra. Or Dieu, en récompense de la foi qu’il trouve en eux, leur fait une promesse folle : ils vont avoir un enfant, et de cet enfant naîtra une famille incalculable. Et parce que c’est quelque chose d’incroyable, Dieu demande à Abram de sortir de sa tente et de tourner les yeux vers la voûte céleste : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. » Et une vie nouvelle commence pour Abram et Saraï, comme s’ils étaient de jeunes mariés ; ils deviennent Abraham et Sara, et de leur fils Isaac descendra, quarante générations plus tard, une p’tite p’tite fillotte, Marie, l’épouse de Joseph, la Mère de Jésus-Christ.
Pour comprendre cette fête de la Sainte Famille, c’est vers l’océan d’étoiles qui nous surplombe qu’il faut lever le regard. Au début de l’année 1889, le peintre hollandais Vinent Van Gogh, installé à Arles, traverse une période de doute et de désespoir tel qu’obsédé par des pensées suicidaires, il demande à être interné à l’asile psychiatrique Saint-Paul de Mausole, à Saint-Rémy de Provence. Dans sa cellule, fasciné par les couleurs de la nuit provençale, il peint le ciel tel qu’il le voit au cours de la nuit du 25 mai 1889, un ciel d’un bleu intense envahi de volutes de lumière et de spirales de feu. Tout le ciel semble vivant, en mouvement, promesse de libération. « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Ce tableau magnifique, c’est La Nuit étoilée, dont la seconde version – la plus belle à mon avis – est exposée au MoMA, le Musée d’Art Moderne de New York. En 1972, un jeune chanteur américain, Don McLean, composa à partir de ce tableau une chanson intitulée Starry starry night, hommage à Van Gogh, artiste et prophète incompris. La Nuit étoilée, chante-t-il, c’est une vision si prodigieuse que celui qui l’a peinte passe pour un fou auprès de ceux qui ne veulent pas être dérangés…
L’immensité du ciel étoilé inscrit notre fraternité dans la verticalité : nés de la terre, nous sommes faits pour le ciel. Notre arbre généalogique s’y déploie dans son immensité, nous révélant ce dont la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph est le signe : elle prend racine dans la promesse faite par Dieu à Abraham, et dans la foi que celui-ci lui a donnée en retour. Siméon et Anne, ces sentinelles de l’aurore, sont aussi de cette Sainte Famille. Dans le Temple de Jérusalem, de petites étoiles brillent dans leurs yeux. Ils tiennent dans leurs bras celui qu’ils ont attendu toute leur vie, celui que tous leurs ancêtres avant eux ont espéré sans jamais le voir. Leur mission est accomplie, leur désir est exaucé, plus rien ne leur manque. Grâce à la foi, Abraham a cru à la folle promesse de Dieu. Grâce à la foi, Sara a donné naissance à Isaac, sa consolation. Grâce à la foi, Anne et Siméon ont tenu bon jusqu’au jour où Marie et Joseph se sont avancés vers eux. Grâce à la foi, nous sommes, nous aussi, les membres de cette Sainte Famille aussi vaste que la voûte céleste au-dessus de nous.
Abraham l’a contemplée, Van Gogh l’a peinte, Don McLean l’a chantée : la nuit étoilée est le plus beau portrait de famille que le bon Dieu pouvait faire de nous, chers frères et sœurs en Jésus-Christ.
Amen !