Dimanche 3 avril 2022 – Cinquième Dimanche du Carême

Chers frères et sœurs, Nos familles sont le lieu des plus grandes joies et des plus grandes peines, et c’est parce que les liens d’amour y sont si profonds que les tensions et les trahisons peuvent y être si douloureuses. Nous percevons bien que vivre le pardon en famille est indispensable, et pourtant, parfois, souvent, il semble impossible. Aussi, puisque le temps de carême est une invitation à la conversion radicale, c’est-à-dire, à la conversion jusqu’à la racine, les évangiles du quatrième et du cinquième dimanche nous présentent des situations de famille grièvement blessées : dimanche dernier, la parabole du Fils Prodigue présentait la situation d’un pauvre vieux père et de ses deux fils, qui, à force de frustration et d’égoïsme, font exploser la cellule familiale. Ce dimanche, ce n’est plus une parabole, mais l’histoire vraie d’une femme qui a trahi son époux, avec des conséquences terribles. Dans les deux cas, ces familles sont tellement blessées qu’il n’y a, semble-t-il, pas d’espoir de les sauver : personne n’oserait parier sur leur avenir. Personne… à part peut-être Jésus. Dans ces deux histoires, l’amour a été blessé, dans des circonstances sordides. Mais dans ce dernier cas, il y a aussi une dimension judiciaire. L’adultère est non seulement une blessure de la confiance dans l’intimité conjugale, mais c’est aussi un délit, puisque le mariage est une institution sociale. Aussi les scribes et les pharisiens viennent-ils demander à Jésus d’approuver ce qui, selon eux, est la punition légitime. Et, bien sûr, il y a un piège… Car si Jésus dit que c’est la justice du gouverneur romain qui doit s’appliquer, il a certes raison du point de vue du droit, mais ses ennemis pourront l’accuser d’être un laxiste et un collabo. Si en revanche il répond que les Juifs peuvent lapider cette femme, il entre dans leur surenchère, et il aura du sang sur les mains ; enfin, au besoin, on pourra le dénoncer à Pilate pour complicité de trouble à l’ordre public. Un petit détail mérite notre attention. Lorsque les scribes et les pharisiens arrivent, ils présentent ainsi l’affaire : « Cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. » Ils ne viennent pas demander à Jésus de juger cette femme, de donner son avis sur sa culpabilité ou sur son innocence, mais seulement de choisir son châtiment. Car elle a été prise sur le fait : au moment même de sa trahison, avec son complice, de manière imprévue, et sans pouvoir nier l’évidence. Ce n’est donc pas la peine de lui donner la parole, d’enquêter ou de la juger : il faut passer tout de suite à l’exécution, sans attendre. Au flagrant délit d’adultère, Jésus répond par un flagrant délit de miséricorde : « Je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » A la faiblesse qui avait conduit à l’adultère, cette blessure d’amour, Jésus répond par ce qui semblerait être de la faiblesse vis-à-vis de la Loi, mais qui permet une guérison de l’amour. Dans la réponse qu’il fait à cette femme, il n’est pas fait mention du passé, mais il y a un passage du présent à l’avenir, grâce à ce petit mot qui sert de charnière : « désormais ». Ce « désormais » est le signe du pardon donné et de la vie nouvelle qui commence, sous le signe de l’amour qui avance. Saint Paul, le persécuteur des Chrétiens devenu Apôtre, exprime ce même sentiment d’une vie reconstruite par la miséricorde qu’il a reçue : « oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » Ce flagrant délit de miséricorde coûtera cher à Jésus, accusé à son tour d’avoir trahi la Loi, et condamné après une parodie de jugement. Mais il sait depuis longtemps que c’est le prix à payer, au nom de l’amour.Flagrant délit d’adultère, flagrant délit de miséricorde… dans cette histoire, il y a encore un troisième flagrant délit, qu’il faut surtout de ne pas oublier : le flagrant délit de vérité des scribes et des pharisiens. Car eux aussi, publiquement, ont commis l’inattendu, l’impensable, l’inespéré. Jésus a pris un vrai risque en proposant que celui qui était sans péché jette la première pierre. Il ne pose pas un regard d’espérance seulement sur cette femme, mais aussi sur ceux qui lui en veulent tant, les scribes et les pharisiens. Il sait bien qu’au fond, eux aussi, ils ont le désir d’être justes, d’obéir à Dieu, de faire de leur mieux. Alors, au lieu de laisser parler leur orgueil, de se prendre pour des purs et de lapider la femme, ils rentrent en eux-mêmes, comme le fils prodigue, ils écoutent leur conscience et ils reconnaissent l’évidence : non, ils ne sont pas impeccables. Un à un, ils se retirent. Quel courage, quelle humilité il leur a fallu pour accepter la vérité sur eux-mêmes ! Chers frères et sœurs, le carême touche à sa fin et peut-être vous demandez-vous ce que vous en avez fait. Avez-vous bel et bien tiré parti de ce temps pour changer votre vie ? Ou bien êtes-vous déçu par vos lenteurs, vos sur-place et vos incapacités à guérir les vieilles blessures familiales ? Le Seigneur vous dit qu’il n’est pas trop tard. Contre toute attente, l’histoire de la femme adultère, qui avait si mal commencé – cette sordide affaire de famille qui explose par trop d’amour blessé – s’achève sur une brèche d’espérance. La femme que l’on croyait perdue a désormais un avenir ; et les scribes et les pharisiens, en dépit de toute leur violence, ont eux aussi la capacité de voir la vérité et d’entamer des chemins de conversions. La miséricorde du Christ s’étend à l’une et aux autres. Voici Pâques qui arrive, mystère de l’amour blessé par lequel le Christ est mort et ressuscité. Amen.

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