Dimanche 30 août 2020-Vingt-Deuxième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

L’évangile ne nous dit pas quelle a été la réaction de Pierre lorsqu’il s’est fait rabrouer par Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute. » Je suppose qu’il a fait une drôle de tête. Si l’évangile n’en dit rien, c’est sans doute parce que Pierre a encaissé sans rien dire. Pauvre Pierre ! Il ne percute pas toujours très vite, mais il est toujours capable de se remettre n question. Et quand Jésus lui dit qu’il n’y a pas trente-six solutions, sinon celle de renoncer à soi-même, de prendre sa croix et de le suivre, Pierre écoute. On peut imaginer que cette anecdote a habité le cœur de Pierre tout au long de sa vie, et qu’il n’a pas pu ne pas y repenser dans ses derniers instants : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. » A ce propos, une tradition très ancienne raconte qu’en l’an 64, au cours de la grande persécution des Chrétiens de Rome sous l’empereur Néron, Pierre, qui était le chef des Chrétiens de la Ville, fut (une fois de plus) submergé par la peur. Il prit son baluchon et s’enfuit discrètement de Rome. Or, à un carrefour de la Via Appia, cette route qui part vers le Sud-Est de la Ville, il tomba sur Jésus en personne, sa croix sur l’épaule. Le reconnaissant, il lui dit : Seigneur, où vas-tu ? Et Jésus de lui répondre : Je vais à Rome, me faire crucifier de nouveau, à ta place ! Pierre comprit le message. Il retourna auprès des siens, fut arrêté, et demanda par humilité à être crucifié la tête en bas. Aujourd’hui encore, quand on emprunte la Via Appia Antica, on voit la petite chapelle, dite du Quo Vadis, devant laquelle s’est passée la dernière rencontre sur terre entre Jésus et Pierre. Bref, Pierre a finalement compris. Nous aussi, comme lui, il nous arrive d’être durs d’oreille quand ce que l’évangile nous dit nous effraie, nous déplaît ou tout simplement ne nous touche pas. Je doute que dans notre assemblée beaucoup de gens aient très envie de vivre une bonne persécution – rassurez-vous, c’est aussi mon cas. Mais quand l’évangile parle explicitement, il faut cesser de détourner l’attention. Jésus dit qu’être le Christ ce n’est pas se conduire comme un empereur, mais donner sa vie, mourir et ressusciter. Et il dit qu’être Chrétien, c’est tout pareil – donner sa vie, mourir et ressusciter – et le symbole de cela, c’est la croix. Oui, la croix n’est pas pour les Chrétiens seulement un symbole de mort, mais un symbole de résurrection. Depuis le matin de Pâques, elle n’est plus seulement un instrument de torture, elle est un instrument de torture vaincu, le symbole d’un passage. Je vous disais tout à l’heure que c’est à l’angle de la Via Appia et d’une autre rue (la Via Ardeatina, pour être exact) que Pierre, dans sa fuite, était tombé nez-à-nez sur le Christ. Bref, il l’a rencontré à un carrefour. La croix, c’est cela : un carrefour : un endroit où plusieurs routes existent et où il faut faire un choix. L’écrivain anglais Gilbert K. Chesterton, que je cite souvent, a cette très belle formule : « La croix est un poteau indicateur pour voyageurs libres. » Loin d’être un symbole d’oppression, elle est le signe de la plus haute liberté, celle que le Christ nous a acquise. Jésus nous propose donc de faire preuve de notre liberté souveraine donnée au baptême pour choisir. Si tu veux être mon disciple, alors, prends ta croix, et suis la mienne. Il est illusoire de prétendre vivre notre vie chrétienne et notre vie d’Eglise sans l’inconfort de la croix, de la liberté et du choix : ce furent, souvenez-vous, les mots de la toute première homélie du Pape François, au lendemain de son élection, le 14 mars 2013, à Rome. « Le même Pierre qui a confessé Jésus Christ lui dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Je te suis, mais ne parlons pas de Croix. Cela n’a rien à voir. Je te suis avec d’autres possibilités, sans la Croix ; Quand nous marchons sans la Croix, quand nous édifions sans la Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur : nous sommes mondains, nous sommes des Évêques, des Prêtres, des Cardinaux, des Papes, mais pas des disciples du Seigneur. « Je voudrais que tous, après ces jours de grâce, nous ayons le courage, vraiment le courage, de marcher en présence du Seigneur, avec la Croix du Seigneur ; d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur, qui est versé sur la Croix ; et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant. »Pour que l’Eglise aille de l’avant, chers frères et sœurs, regardons la croix sans avoir peur. Regardons les choix que le Christ pose devant nous sans inquiétude, puisqu’il est avec nous. Seigneur, où vas-tu ? La question de Pierre, sur la Via Appia, est toujours aussi pertinente. Et nous pouvons lui demander : Petre, quo vadis, Pierre, où vas-tu ? Puisque nous te ressemblons tellement, permets-nous aussi de te suivre, jusqu’au Christ. Amen.

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