Dimanche 30 janvier 2022 – Quatrième Dimanche du Temps Ordinaire

Chers frères et sœurs,

Vous rappelez-vous une homélie à la fin de laquelle vous avez eu envie de tuer le prédicateur ? Si c’est le cas, cet évangile vous est spécialement dédié ! L’évangile de ce dimanche forme un diptyque avec celui de dimanche dernier, en explorant une question récurrente dans la vie de l’Église : qu’est donc qu’une homélie réussie ? Dimanche dernier, le livre de Néhémie rapportait l’homélie du scribe Esdras, une homélie de six heures de long – excusez du peu – et à laquelle le peuple réagissait vivement, d’abord en pleurant sur ses péchés, puis en retrouvant l’espérance et la joie. Un certain type d’homélie réussie ! Dans l’évangile, au contraire, l’homélie de Jésus joue la carte du minimalisme : une seule phrase, facile à mémoriser : « Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » Et tout le monde est époustouflé par l’autorité du prédicateur capable d’affirmer cela si simplement : un autre type d’homélie réussie. Cependant, l’homélie parfaite de Jésus dégénère, ou plus exactement, l’auditoire conquis soudain s’enflamme de colère. Des envies de meurtre le prennent et il s’en faut de peu pour que cette homélie-là ne se termine très, très mal. Ce qui me frappe avant tout, c’est que les assemblées que la Bible nous présentent sont vraiment à l’écoute, et que les homélies sont intéressantes. Il y a quand même une exception : saint Paul, malgré toute sa science, n’était peut-être pas le plus passionnant des orateurs. Un soir, il parle si longtemps qu’un garçon assis sur le rebord de la fenêtre s’endort, glisse et tombe de trois étages – saint Paul heureusement le ressuscite pour se faire pardonner (Ac 20, 7-12). Mais tout cela nous dit qu’il y a deux mille ans déjà, les homélies pouvaient être tuantes, aussi bien pour l’auditoire que pour le prédicateur !Il y a quelques jours, j’ai découvert une petite vidéo, d’ailleurs réalisée à Lyon, intitulée « Pourquoi les sermons sont-ils si ennuyeux ? » L’auteur, professeur de rhétorique, y livre les conclusions d’une enquête qui révèle qu’un très grand pourcentage de paroissiens ressortent frustrés des homélies qu’ils ont écoutées (ou qu’ils ont essayé d’écouter) : trop longues, trop floues, trop superficielles. Au point d’en sortir comme d’un black-out, sans aucun souvenir. Les prédicateurs ont besoin d’encouragements, mais pas de flatterie ; et une parole de franchise comme celle-ci, si elle n’est pas très agréable à entendre, est sans doute bien nécessaire ! Quelle leçon pourrions-nous alors tirer de l’art de l’homélie tel que Jésus le pratique ? Son homélie est brève, même si elle dure en réalité un peu plus qu’une seule phrase. Mais surtout, elle est pleine d’autorité et de franchise, ce qui en grec se dit par le même mot, parrhésia. Quand Jésus prêche, on ne ressort pas indemne de son homélie, car il appelle ceux qui l’écoute à une conversion en profondeur. En l’occurrence, il confronte les habitants de Nazareth – ces gens qui l’ont vu grandir – à leur orgueil. Vous pensez être la crème de la crème ? Vous pensez avoir trouvé en moi la poule aux œufs d’or, la star qui attirera sur votre village la gloire et la fortune ? Eh bien, vous vous êtes trompés ! Et dans les deux exemples que Jésus donne – Élie rencontrant la veuve de Sarepta et Élisée guérissant le général syrien Naaman – Jésus souligne qu’un prophète va là où Dieu l’envoie, pas là où il le désire : il ne choisit pas sa mission, et il n’en tire pas de profit. Être prophète, c’est consentir à ne pas appartenir à son groupe, à son club, à son réseau, en vue d’une mission plus grande. Et c’est cela qui rend fous les Nazaréens. Tout le monde croyait que l’homélie de Jésus à Nazareth serait comme un discours de vainqueur à la cérémonie des Oscars, un discours de remerciements, facile à écrire, facile à écouter, aussitôt oublié – en somme, exactement ce que l’on est en droit de reprocher à certaines homélies. Or, cette homélie-là est une lettre d’adieu : « Je suis venu vous dire que je m’en vais… » Jésus ne reviendra pas à Nazareth. Il part au milieu d’une foule déchaînée, mais incapable de l’arrêter. Parce qu’il est souverainement libre. Sa vie, nul ne la prend, c’est lui qui la donne. Chers frères et sœurs, cet évangile en deux épisodes nous donne de contempler une transformation : l’ascension et la chute de Jésus, diront certains ; sa captivité et sa libération, diront d’autres. Et tout cela, par l’intermédiaire d’une homélie ! Oui, on devrait ne jamais ressortir indemne d’une homélie : c’est un droit que vous avez raison de revendiquer. Parfois, moi-même, j’hésite sur un mot, sur une phrase, sur une idée : j’ai peur de vous blesser. Ou, en réalité, de vous déplaire. Une assemblée qui dort pendant l’homélie, c’est un échec ; mais ce n’est pas parce qu’elle est furieuse à la fin de l’homélie que celle-ci était réussie ! Bref, il faut que le prédicateur sache mettre les pieds dans le plat, à condition de ne pas casser le plat. Alors, ne tuez pas vos prédicateurs, mais priez pour eux, et demandez-leur de vous servir non pas leurs propres blablas, pénibles ou brillants, mais le vrai trésor dont ils sont les serviteurs : la Parole de Dieu. C’est elle qui vous appelle, vous libère et vous envoie. Amen

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