Dimanche 6 décembre 2020-Deuxième Dimanche de l’Avent

Chers frères et sœurs,

Il y a quelques jours, une paroissienne âgée à qui je rendais visite dans l’appartement où elle habite seule me disait : « Mon Père, ces quatre dernières semaines m’ont parues quatre ans tellement elles étaient longues. » J’aurais pu lui répondre que, scientifiquement parlant, ces quatre semaines contenaient la même quantité d’heures, de minutes et de secondes que les autres, mais ce n’est pas ce dont elle parlait. Car notre perception du temps est profondément variable selon ce que nous y vivons. L’étudiant stressé qui n’a que deux heures pour rédiger sa dissertation peut avoir l’impression que le temps lui file comme du sable entre les doigts. Le malade insomniaque qui attend à l’hôpital le passage de l’infirmière a l’impression que les deux heures qui l’en séparent sont interminables. Le pire, c’est peut-être quand le temps passé à attendre a semblé infini, et qu’ensuite on regrette tout ce temps gaspillé. Une chanson de Barbara le dit avec beaucoup de justesse :

« Dis, quand reviendras-tu ?

Dis, au moins le sais-tu

Que tout le temps qui passe

Ne se rattrape guère,

Que tout le temps perdu

Ne se rattrape plus ? »

Le peuple d’Israël, lui aussi, a connu ce sentiment tragique de la fuite du temps et de la trace tenace du péché qui fait que l’on se dit, au soir de sa vie : « J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps. » On risque même de s’y habituer ; de se laisser fasciner par le spectacle des feuilles mortes, et de prendre goût à la langueur de l’automne et à la mélancolie, jusqu’à s’y enfermer. Le rôle des prophètes est précisément de réveiller le peuple de Dieu de cette torpeur, de cet engourdissement qui pourrait lui être fatal. Non, disent-ils, le temps perdu ne l’est pas totalement, et il n’est pas encore trop tard, pour l’instant !

On ainsi peut dire d’Isaïe, de Jean-Baptiste et de Pierre qu’ils sont tous les trois des prophètes dans la mesure où ils ne se complaisent pas dans la nostalgie du temps perdu, mais qu’ils parlent du temps retrouvé. Chacun en parle à sa manière : Dieu, dit Isaïe, est source de consolation : si nous lui faisons de la place, il vient apaiser notre cœur inquiet, lui rendre l’espérance qu’il risquait de perdre. Dieu, dit Jean-Baptiste, est source de pardon et de vie nouvelle : si nous nous tournons résolument vers lui, nous serons prêts à recevoir son Esprit. Dieu, dit enfin saint Pierre, est ponctuel : ne croyons pas que nous avons manqué son passage, il nous offre le temps nécessaire pour nous préparer à l’aimer comme il nous aime. Dieu nous console, Dieu nous pardonne, Dieu vient au bon moment.

« Dis, quand reviendras-tu ?

Dis, au moins le sais-tu ? »

La question que Barbara, dans sa chanson, pose à cet amoureux qui tarde à rentrer, nous l’adressons à Dieu le Fils. En nous préparant à célébrer le souvenir de sa première venue dans la chair, nous laissons grandir notre désir de sa seconde venue. Nous aurions peut-être envie de savoir quand viendra ce jour, mais nous ne le pouvons pas : il viendra comme un voleur dans la nuit, sans prévenir. Au moins, Lui, Il le sait ! Mais il est bon que moi, je ne le sache pas…

Saint Pierre et ma paroissienne ont le même constat : le temps ne passe pas toujours selon la même modalité : « Pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. » On pourrait avoir le sentiment que cette phrase est terrible, et qu’elle exprime la radicale différence entre Dieu qui a l’éternité devant Lui, et nous dont la vie passe comme un souffle. Or, c’est le contraire : Dieu, qui par nature est hors du temps, a voulu entrer dans le temps, sa créature, et se mettre à notre diapason. A Noël, nous contemplons cette merveille : par amour, Dieu a fait coïncider son temps ineffable et le nôtre. En Jésus-Christ, il nous a rejoint dans le temps court qui est le nôtre pour nous donner part au temps long qui est le sien.

Chers frères et sœurs, pour paraphraser un proverbe africain, nous avons des montres et Dieu, lui, a le temps. Que ce temps de l’Avent soit comme l’attente amoureuse de celui qui viendra nous consoler de tous nos retards et de toutes nos impatiences. Ce jour-là, en Lui, tous les temps concorderont enfin.

Dis, quand reviendras-tu ?

Quel que soit le jour, viens, Seigneur Jésus !

Amen.

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