Dimanche 6 mars 2022 – Premier Dimanche du Carême

Chers frères et sœurs,

Quel est votre menu du carême ? Une nourriture typique du carême des cathos, c’est le riz : simple, basique, économique et rapide. Généreusement, une paroissienne a offert mercredi à notre équipe de prêtres un splendide Rice cooker, une machine asiatique pour cuisiner le riz sous pression : dans un récipient hermétique fermé, avec de l’eau et de la chaleur, le riz est en quelque sorte forcé à cuire de façon optimale. Pour le riz, c’est très bien. Mais je ne souhaite à personne d’être cuit sous pression…C’est pourtant plus ou moins ce à quoi le Christ est soumis, dans l’évangile de ce premier dimanche de Carême. Au cœur du désert, un environnement clos, épuisant et brûlant, tel un pauvre petit grain de riz, il est exposé à la pression du diable, qui profite de sa faiblesse pour le pousser dans ses retranchements. Mettre sous pression, c’est la technique favorite de tous les escrocs. Ils savent que, sous la pression, fatigué et dans l’urgence, on est moins combattif, et que l’on peut plus facilement croire à des solutions magiques. Une personne en crise existentielle va plus facilement consulter une voyante ou fréquenter une secte. Une autre, qui reçoit un courriel alarmant d’un ami qui appelle au secours après un accident dans un pays tropical, sera pris d’un sentiment d’urgence et fera le virement demandé sans réfléchir, à ses dépens. On peut en rire quand tout va bien pour nous, mais il est si facile de se faire avoir quand on est sous pression !L’escroquerie peut parfois se parer d’atours d’autant plus dangereux qu’ils sont en apparence inoffensifs. Depuis que les réseaux sociaux ce sont développés – au cours des deux dernières décennies – une maxime est apparue, qui énonce que, « si le produit que l’on vous propose est gratuit, c’est que c’est vous le produit. » Si les réseaux sociaux sont gratuits, ce n’est pas par pure philanthropie, mais parce que les informations que de bon coeur vous donnez sur vous sont récupérées par des gens qui veulent en profiter, honnêtement ou non. C’est là une forme d’escroquerie consentie, tant l’addiction aux écrans est puissante. Bref, si l’offre est trop belle, c’est qu’il y a un profit caché et malhonnête ; et quand vous acceptez le cadeau, c’est vous-même qui vous vendez à des prédateurs. Quand le diable fait un cadeau, c’est vous qu’il veut comme cadeau. Escroc, prédateur, séducteur, le diable est tout cela à la fois : il est « le père du mensonge », selon la formule consacrée. Il connaît bien nos rêves, que nous voudrions prendre pour de la réalité. A l’heure de la guerre en Ukraine et de l’approche des élections présidentielles, la deuxième des trois tentations est peut-être celle qui peut nous titiller le plus : si le pouvoir total nous était offert sur un plateau, gratuitement, qui serait assez bête pour le refuser ? Enfin, il serait possible de faire que les humains arrêtent de se diviser, de se combattre, de faire si mauvais usage de cette liberté qui leur a été donnée : il serait possible de les faire obéir tous et travailler tous ensemble comme un seul homme, bâtissant une civilisation nouvelle. Il faudrait être fou pour refuser cette solution géniale, immédiatement efficace, n’est-ce pas ? Jésus, devant les grandes promesses du diable, n’a à lui opposer que les paroles de son Père. Il ne parle que par citations de la Bible, sans plus de commentaires. La Parole est près de lui, dans sa bouche et dans son cœur, comme un rempart. La réponse de Jésus consiste à renoncer à la séduction de l’efficacité et de l’immédiateté. Le diable lui propose tout, tout de suite, et Jésus choisit la voie lente : le long chemin de la confiance en Dieu, le rythme de Dieu, qui va lentement. Le Carême passe par le renoncement à cette illusion selon laquelle il est possible de combattre l’Ennemi avec ses propres armes, et de faire le bien avec ses cadeaux empoisonnés. Et tout d’un coup, comme un ballon de baudruche plein de vide que l’on lâche, la pression retombe… Toute l’escroquerie du diable, ce n’est que du vent. Chers frères et sœurs, permettez-moi de le préciser : le Rice cooker n’est pas un instrument du diable ! C’est au contraire un bel appareil de slow cooking : il choisit lui aussi la voie lente, la cuisson tranquille et la pression douce. Que ce carême nous permette de décélérer, de ralentir, de marcher ces quarante jours dans le désert au rythme du Christ, et de faire avec Lui, au fil de ces quarante jours, l’expérience du chemin qui prend son temps. Amen

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