Dimanche 7 février

Chers frères et sœurs,

Comme l’évangile selon saint Marc ne précise pas le prénom de la belle-mère de Simon, je vous propose de l’appeler Mauricette. Mauricette, c’est le prénom de cette dame dont la presse a parlé récemment puisque, il y a quelques semaines, elle a été la première Française à recevoir le vaccin contre la Covid. La belle-mère de Simon elle aussi est la toute première personne de l’évangile à être guérie de sa maladie, cette fièvre qui la cloue au lit, par le Christ qui, d’un geste, vient la relever. Elle mérite donc bien de s’appeler Mauricette !

A la suite de Mauricette, on voit que c’est tout Capharnaüm qui, en l’espace de quelques heures, est bouleversé par la découverte des étonnants pouvoirs de Jésus. Saint Marc souligne la rapidité du processus : au pas de course, Jésus a appelé ses premiers disciples, il est allé avec eux à la synagogue ; le voilà à présent avec sa petite bande dans la maison de Simon et d’André, qui se transforme en un hôpital improvisé où, jusque très tard dans la nuit, affluent les malades et les possédés. Ce matin-là, peu de gens à Capharnaüm devaient connaître l’existence de Jésus ; ce soir-là, son nom est sur toutes les lèvres. En termes de marketing, c’est une opération exemplaire, rondement menée. Jésus va devenir le grand médecin de Capharnaüm, il va ouvrir une clinique réputée, ses affaires seront florissantes, il fera un beau mariage et, à sa mort, la municipalité inaugurera en son honneur une Avenue Jésus-de-Capharnaüm (à deux pas de la Place Mauricette). Sa magnifique carrière est toute tracée.

Or, la dernière partie de l’évangile introduit une rupture inattendue. Jésus disparaît, une première, puis une seconde fois. Il disparaît d’abord de la maison, pendant la nuit : au petit matin, son lit est vide, nul ne sait où il est passé ; Simon, à force de le chercher, le retrouve en prière, dans un endroit désert. Puis Jésus invite ses disciples à disparaître avec lui, à quitter Capharnaüm : la mission les pousse, dit-il, à une vie nomade, une vie désinstallée, sans maison, sans famille, au service exclusif de l’évangile. Et les habitants de Capharnaüm en ont été, sans doute, tout étonnés à leur réveil.

Ce passage inattendu qu’opère Jésus du succès à l’itinérance, c’est en réalité le passage symbolique du samedi au dimanche. Jésus – nous rappelait l’évangile de dimanche dernier – est venu à la synagogue le jour du sabbat, donc le samedi, et c’est ce même jour qu’il va pour le repas du sabbat à la table de Simon, et que dans sa maison il multiplie guérisons et délivrances. Donc, logiquement, le lendemain matin, c’est dimanche, le premier dimanche dans la vie publique de Jésus, le premier dimanche que l’évangile nous rapporte et qui se révèle un jour décisif. Le dimanche, les priorités changent. Au rythme effréné de la veille succède le calme. A l’action succède la prière. A l’embourgeoisement possible succède la mission indispensable : malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile, car c’est pour cela que je suis sorti ; bonheur à moi si je l’annonce, car c’est pour cela que j’ai été envoyé !

Le dimanche n’est pas un jour comme les autres, et nous risquons souvent de l’oublier. Pendant la persécution de l’empereur Dioclétien, en 304, un groupe de Chrétiens qui célébraient la messe dominicale au domicile d’un habitant du village d’Abitène, en Afrique du Nord, avait été dénoncé, et arrêté. Devant le proconsul qui leur demandaient pourquoi ils avaient bravé l’interdiction de se réunir autour de l’eucharistie, ils avaient répondu : « Sine Dominico, non possumus ». ‘Dominico’, en l’occurrence, c’est à la fois le ‘dimanche’, et ‘ce qui vient du Seigneur’. « Sans le dimanche, sans le don du Seigneur, sans l’eucharistie, nous ne pouvons pas vivre. » Une vie chrétienne sans dimanche est une vie qui manque du souffle indispensable pour laisser le Seigneur ralentir notre « métro-boulot-dodo » quotidien, pour nous amener à l’écart, pour interroger nos priorités et remettre en question nos succès, pour nous inviter à la prière et nous réorienter vers la mission. Le dimanche, c’est le retour à l’autorité de l’évangile sur notre vie, et, sans lui, nous ne pouvons pas vivre.

C’est pour nous que Jésus, ce jour-là, a inventé le dimanche, comme un présage et un rappel. Le premier dimanche de l’évangile préfigure singulièrement celui de la Résurrection, dans lequel Jésus ressuscite le matin, rencontre ses disciples, et les envoie proclamer l’évangile, non plus seulement dans la maison de Mauricette, dans Capharnaüm et toute la Galilée, mais à toute la création. Prenons soin de ce rendez-vous qu’il nous fixe, et du don qu’il nous fait :  jour du Seigneur et Pâques hebdomadaire, évangile proclamé et vécu !

Amen.

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