Dimanche 12 avril 2020-Pâques

Chers frères et sœurs,

Avez-vous envie de vous évader ?

Au bout de trois semaines de confinement, ce serait légitime. Le grand air nous manque, à la longue. Je vous l’avoue, j’aurais bien aimé que, par un miracle de Notre-Dame de Fourvière ou par un prodige de la médecine, un vaccin contre le coronavirus soit trouvé au cours de cette Semaine Sainte et que, ce dimanche matin, nous puissions nous évader de nos maisons, et fêter ensemble, dans nos églises retrouvées, à la fois la Résurrection du Seigneur et la fin de la maladie et du confinement. Retrouvailles, joie, Alléluias enthousiastes et chasse aux œufs géante : quel beau dimanche ç’eût été !

Or, à l’heure où j’écris et enregistre cette homélie, cela ne s’est pas encore produit, et il n’est pas certain que ce dimanche de notre Rédemption soit celui de notre évasion. Il faut, je crois, nous résoudre, cette année 2020, à célébrer Pâques dans nos maisons, au milieu de la pandémie. A chanter nos chants du Seigneur en captivité, au bord des fleuves babyloniens. A « fêter notre Pâque au désert », comme nous le chantions au début du carême, et comme les Hébreux l’ont fait, quarante ans durant, déjà libérés mais pas encore en Terre Promise.

Oui, nous voudrions nous évader. Permettez-moi de repenser spontanément à deux grands films classiques sur le sujet, La Grande Evasion (The Great Escape de John Sturges, 1963) et Les Evadés (The Shawshank Redemption de Frank Darabont, 1994). Dans les deux cas, les héros sont des prisonniers qui désirent s’extraire de leur prison. Ceux qui les gardent protègent la porte… mais eux creusent un tunnel dans leur propre cellule. Ils arrivent à s’évader non de l’extérieur, où on les attend, mais de l’intérieur, à la surprise générale. Aujourd’hui, je voudrais vous proposer de faire comme eux.

Pour cela, je vous invite à relire, dans l’évangile de ce matin de la Résurrection, une petite phrase qui passe souvent inaperçue. Lorsque Pierre entre dans le tombeau, « il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » A quoi donc servent toutes ces indications ? Quel intérêt de préciser ces détails ? Toujours est-il que ces détails sont précisément la chose que voit Jean au moment où il entre à son tour. Résultat immédiat : « il vit, et il crut. »

Que s’est-il passé ? Pourquoi la vision de linges dans une certaine position provoque-t-elle chez Jean ce bouleversement intérieur qui le faire croire que Jésus est bel et bien le Christ ? Ce que nous indique l’évangile, c’est que les linges dont le corps de Jésus a été entouré sont restés à leur place initiale, on ne les a pas retirés pour enlever le corps, mais celui-ci s’est dématérialisé, comme évaporé, laissant le linceul vidé de l’intérieur s‘affaisser sur lui-même. Pour prendre une comparaison triviale, pensez à un soufflé au fromage, gonflé en sortant du four, et qui retombe en se rétractant. Le grand signe de la Résurrection, ce n’est donc pas seulement le tombeau vide, c’est surtout le linceul lui-même, vidé de l’intérieur. C’est ce dont témoigne, aujourd’hui encore, le Saint-Suaire de Turin, qui a été présenté hier à la vénération des fidèles : les traces du corps sont comme le résultat d’une radiation venue du corps lui-même, qui s’est imprimé en trois dimensions sur le tissu. Le Suaire, disait le Pape François il y a quelques années, c’est « le Christ qui nous regarde pour nous faire comprendre quel grand amour il a eu pour nous, en nous libérant du péché et de la mort, nous invitant à avoir confiance, à ne pas perdre l’espérance. »

Aussi, quand Jean voit cela, il comprend que l’absence du corps n’est pas le fait d’un cambrioleur, d’un pilleur de tombe. Seul l’amour du Père pour son Fils en est capable.

Ce que je veux vous dire, chers paroissiens confinés et privés d’une certaine publicité de la joie pascale, chers paroissiens qui rêvez de vous évader, c’est que, faute de vous déconfiner vers l’extérieur, je vous invite à vous déconfiner vers l’intérieur, comme les héros des films dont je vous ai parlé. Faute de vous déconfiner comme Marie-Madeleine, Pierre et Jean, dans un jogging matinal sous le soleil printanier, je vous invite à vous déconfiner comme le Christ, en allant vers le Père dans un amour grâce auquel tout devient possible. Se déconfiner de l’intérieur, c’est, comme le dit Saint Paul, « rechercher les choses d’en-haut » : c’est se concentrer un peu moins sur les biens de consommations qui nous font légèrement défaut, et qui le reste du temps savent eux aussi nous emprisonner, pour redécouvrir les vraies priorités, les liens avec ceux qui comptent réellement pour nous. Se déconfiner de l’intérieur, c’est recentrer notre vie personnelle et notre vie de famille sur l’amitié avec le Christ : notre vie est « cachée avec Lui en Dieu », c’est là le secret de notre foi et la cause de notre joie.

Alors, en ce Dimanche de Pâques pareil à aucun autre, que de nos cœurs et de nos maisons monte, discret et énorme à la fois, notre cri d’évadés, notre louange à Dieu, Alléluia !

Amen.

Père Martin Charcosset

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