Jeudi 2 avril 2021 Vendredi Saint – Office de la Croix

Chers frères et sœurs,

Depuis le début de la Semaine Sainte, nous ne cessons d’être exhortés à l’imitation. La femme de Béthanie a versé du parfum sur la tête de Jésus ? Eh bien, prenez exemple sur elle. Lui-même, il a lavé les pieds de ses disciples ? Eh bien, faites de même. Il a aimé les siens jusqu’au bout en disant « Ceci est mon corps » ? Eh bien, imitez-le. C’est pour cela qu’en contemplant l’événement unique et bouleversant de la Passion du Christ, qui s’est passé à une date précise dans un lieu précis, nous pouvons observer de quelle manière tous ceux qui, par le baptême, sont devenus les frères et les sœurs du Seigneur ont aussi été rendus capables de le suivre dans le don de leur vie. De la sorte, quand nous entendons le récit de la Passion du Christ, comme chaque Vendredi Saint, il n’est pas illégitime que vienne à notre esprit une scène de chemin de croix qui prenne place à notre époque, et dans un lieu autre que Jérusalem. Partout où se trouve un Chrétien, c’est tout le mystère pascal qui se produit. Je voudrais donc vous inviter à regarder un Golgotha à l’autre bout du monde, en Asie du Sud-Est, dans ce lointain pays qu’est la Birmanie. Il y a un mois, au commencement du Carême, une image m’a vivement frappé au point que je me suis demandé si nous n’étions pas déjà le Vendredi Saint. Je ne connais pas la Birmanie, mais j’en ai un peu entendu parler par des confrères et amis qui y sont missionnaires. Il y a deux mois, une junte militaire a pris le pouvoir à Rangoon et décrété l’état d’urgence dans le pays. Un peu partout, des Birmans ont voulu manifester leur souci de préserver la démocratie, et ces manifestations ont été brutalement réprimées. Il y a un mois, le dimanche 28 février, dans une rue de la ville de Myitkyina dans laquelle les forces de l’ordre tenaient en joue de jeunes manifestants et s’apprêtaient à tirer, une religieuse catholique, Sœur Ann Nu Thawng, s’est interposée entre les deux camps, criant aux policiers : « Epargnez leur vie, et prenez la mienne ! »Tout cela pourrait être anecdotique, si à cette histoire ne s’ajoutait une photo de la scène, publiée dans les heures suivantes. Ce qui m’a tant marqué, dans cette photo, c’est sa composition très classique, digne d’un retable médiéval ou d’une peinture baroque. Aucun élément ne semble s’y trouver par hasard. Au centre de l’image, la religieuse, de dos, étend les bras en croix et présente ses mains vides, grandes ouvertes. En s’interposant ainsi, a-t-elle eu conscience de ce que son corps prenait la forme d’une croix, dessinant un signe d’alliance, de réconciliation ?Sur la gauche de l’image, trois policiers la regardent, interloqués, ne sachant que faire, que dire en pareille situation. Les paumes ouvertes de la religieuse, tournées vers eux, semblent avoir arrêté le temps et figé chacun dans une seconde d’éternité. Je pense à trois autres dont l’évangile rapporte la présence aux pieds du crucifié : « Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. »Mais, pour moi, le plus incroyable, ce sont deux autres policiers, casqués et masqués, qui sont tombés à genoux devant la religieuse et qui ont les mains jointes devant elle, en forme de Namasté oriental, dans un geste dont on ne saurait dire s’il entend exprimer d’abord le respect, l’émotion ou la prière. L’action et la violence ne sont pas simplement suspendues, mais déjà vaincues. Ils sont comme les soldats du jardin des Oliviers : « Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. » Ils sont comme le centurion dont parle saint Marc dans son évangile : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! » Telle qu’elle est prise, la photo laisse deviner que le photographe, au milieu de la manifestation, s’était rapproché de la scène pour la saisir sur le vif. De sorte que nous, spectateurs, nous voyons ce Golgotha asiatique pour ainsi dire du point de vue des larrons crucifiés avec le Christ. C’est entre les gardes et nous que cette femme s’interpose, au nom de son Seigneur. C’est nous qu’elle protège, à cause de Jésus. Je suis un pécheur, je suis un larron, je suis un brigand… « et la nonne aima le brigand » que je suis, jusqu’à donner sa vie pour moi !La Passion selon saint Marc, que nous entendions dimanche, avait bien raison : « Partout où l’évangile sera proclamé – dans le monde entier – on racontera, en mémoire d’elle, ce qu’elle vient de faire. » Pour accompagner Jésus de près dans sa via dolorosa, regardons à l’autre bout du globe ce que sa Passion porte comme fruits, fixons notre regard sur cette sainte femme, dont on peut dire aussi : voici l’homme ! Chers frères et sœurs, contemplez Jésus, écoutez-le, imitez-le, et, jusqu’au bout de l’amour, suivez le guide ! Amen.

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