Chers frères et sœurs,
Chaque 28 avril, l’Eglise fait mémoire de saint Pierre Chanel, qui a grandi non loin d’ici, dans le département de l’Ain ; c’est un des premiers saints dont j’ai entendu parler, puisqu’il a donné son nom à une église de Bourg-en-Bresse que j’ai souvent fréquentée dans mon enfance. Né en 1803, Pierre Chanel devient prêtre pour le diocèse de Belley avant d’entrer chez les Pères Maristes, qui l’appellent à partir comme missionnaire à l’autre bout du monde, dans la lointaine Océanie. Après dix mois de bateau, il débarque à la fin de l’année 1837 dans la petite île de Futuna. Pendant trois ans, avec deux confrères, il évangélise l’île, avec un succès très modeste ; puis un jour, le 28 avril 1841, le roi de l’île, fatigué de Pierre Chanel, le fait assassiner. A priori, sa vie se termine ainsi sur un échec, et sur une aventure pour pas grand-chose.
Mais… tout n’est pas fini. Lorsqu’une nouvelle équipe de missionnaires arrivent sur l’île, inquiets pour leurs propres vies, ils découvrent des habitants transformés. La manière dont Pierre Chanel est mort les a touchés profondément. La Parole qu’il avait semée pendant sa vie avait grandi et le fruit qu’elle portait était inespéré. Quelques années après le martyre de Pierre Chanel, toute l’île de Futuna était donc devenue chrétienne, y compris son assassin qui demanda, et obtint, d’être enterré dans la même tombe que Pierre Chanel, aujourd’hui vénéré comme saint patron de l’Océanie.
Il est touchant de célébrer le martyre de saint Pierre Chanel au jour où la liturgie nous propose en première lecture l’histoire, assez analogue, du martyre d’Etienne. Lui aussi, au moment où il est assassiné, regarde le ciel et n’a à la bouche que des paroles de bénédiction. Lui aussi intercède pour ses bourreaux, et on ne comprendrait rien à l’histoire de saint Paul si l’on oubliait qu’Etienne a prié pour lui, complice de ceux qui le tuaient, et que Dieu a exaucé sa prière en convertissant Paul sur le chemin de Damas. Le sang des martyrs, la prière des martyrs, toujours et partout, est semence des Chrétiens.
Etienne et Pierre Chanel n’ont fait que suivre le chemin pascal ouvert par le Christ, qui dans l’évangile de ce jour se présente comme ce qu’il y a de plus simple, de plus ordinaire, de plus périssable, du pain. Mais un pain qui, sous les apparences de la fragilité, donne vie et transforme le monde en se donnant à lui : pain rompu pour un monde nouveau, pain nouveau pour un monde rompu.
Amen
Père Martin Charcossset