Chers frères et sœurs,
Depuis plus d’une semaine, jour après jour, nous écoutons ce long texte du chapitre six de l’évangile selon saint Jean dans lequel Jésus se présente lui-même comme le Pain de Vie. Ce discours se termine par ces mots, que nous entendions dans l’évangile d’hier : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. »
Alors, logiquement, on s’attend à ce que ce long discours débouche sur un happy end, et que toute la foule enthousiasmée par ces belles paroles porte Jésus en triomphe. Or, ce n’est pas ce qui arrive, au contraire. C’est plutôt la goutte qui fait déborder le vase : Jésus serait-il fou ? Nous demanderait-il de devenir cannibale ? Comment comprendre de façon rationnelle qu’il faut manger sa chair et boire son sang. Ainsi, même parmi ses disciples les plus proches, beaucoup laissent tomber, et s’en vont.
Plus étonnant encore, Jésus ne fait rien pour les retenir. Il ne leur dit pas : Attendez, attendez, ce n’est pas ce que je voulais dire, c’était une image, vous avez mal compris, pardon, revenez ! Il accepte sans broncher de voir ces disciples partir. A ceux qui aujourd’hui disent ici ou là que l’Eglise est une secte qui a réussi, cette anecdote nous aide à nous rappeler que dans une secte, on entre très facilement, très rapidement, mais il est très compliqué d’en sortir. Alors que dans l’Eglise, on entre petit à petit, mais on peut en sortir aisément : c’est un lieu où la liberté humaine doit toujours être respectée avec soin. L’Eglise n’a pas dans ce monde les promesses du succès et du grand nombre, et il ne faut pas trop s’en attrister.
Jésus veut notre liberté, et ce qui nous attache à lui, au fond, ce n’est ni notre éducation, ni des valeurs, ni la raison raisonnante, mais quelque chose d’indéfinissable que saint Pierre résume très bien par ces mots : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Il n’est pas nécessaire d’avoir tout compris pour suivre Jésus, mais il est indispensable de l’avoir rencontré en personne et d’avoir découvert que ses paroles nous font vivre. Ensuite commence l’aventure qui consiste à le suivre, où qu’il aille, en découvrant pas à pas ce qu’il a à nous dire.
Amen.
Père Martin Charcosset