Vendredi 24 avril

Chers frères et sœurs,

Il était une fois, il y a bien longtemps, en Inde, un roi qui s’ennuyait. Se présenta à la cour un certain Sissa, avec un jeu nouveau qu’il offrit au roi : le jeu d’échecs. En guise de récompense, Sissa demanda simplement que le roi pose un grain de riz sur la première case du jeu, puis deux sur la deuxième, puis quatre sur la troisième, et ainsi de suite. Le roi fut amusé de cette récompense qui lui semblait dérisoire… avant de se rendre compte que sur la 64ème et dernière case, le nombre de grains était tellement élevé qu’il n’y avait pas assez de riz dans tout le royaume pour y arriver.

S’il n’est pas question de riz dans l’évangile de ce vendredi, c’est pourtant d’une autre nourriture, et d’une autre multiplication qu’il s’agit. Les disciples se trouvent avec Jésus face à une foule qui, fatiguée d’avoir suivi le maître toute la journée, est aussi affamée. Ingénument, Jésus demande à haute voix qui donc pourrait payer ce qu’il faut pour nourrir tout ce monde ? Clairement, personne n’en a les moyens ; c’est donc, sous-entend Jésus, que cette nourriture doit venir gratuitement. Qui alors la fournira ? Et c’est là le plus intéressant : André intervient, pour une remarque a priori absurde : « Il y a là, dit-il, un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Il formule à la fois le constat et la déception logique : il y a de la nourriture, mais elle est en quantité tellement dérisoire. Pourtant, il a osé le dire ; et c’est à partir de ce petit rien que Jésus va, méthodiquement, nourrir la foule.

J’en reviens à l’histoire du sage Sissa : elle a en commun avec cet évangile de la multiplication des pains de nous enseigner qu’entre « rien » et « presque rien », il y a une différence infinie. On ne peut rien obtenir en multipliant quoi que ce soit par zéro ; mais par deux, on arrive à des sommes phénoménales. De même, une vie qui n’est pas donnée se recroqueville sur elle-même et se fane ; une vie donnée, même pauvre, même imparfaite, même marquée par le péché, peut être transfigurée et faire des merveilles.

Ce n’est sans doute pas pour rien que saint Jean, au détour d’une phrase, précise que tout cela se passe tandis que « la Pâque, la fête des Juifs, était proche. » Deux ou trois ans avant sa Passion, Jésus vit par anticipation le signe de sa vie donnée, partagée, devenue nourriture vivante et même surabondante. Il montre déjà à ses disciples comment ils sont le matériau de son Eglise : des serviteurs qui proposent, pour que lui dispose. N’ayons pas peur de lui offrir le petit peu, le presque rien, que nous avons et que nous sommes : aujourd’hui comme hier, le Seigneur en a besoin !

Amen.

Père Martin Charcosset

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