Vendredi 24 décembre 2021. Messe de la Nuit de Noël

Chers frères et sœurs,

C’est un mot si petit qu’il peut aisément passer inaperçu. Il se trouve deux fois dans l’évangile de cette nuit de Noël, pourtant je doute que vous l’ayez remarqué. Spontanément, notre attention se porte sur des mots plus compliqués, plus rares, plus exotiques : le nom du gouverneur Quirinius, ou le mot de ‘mangeoire’, ou bien encore le verbe ‘emmailloter’… Alors, pour une fois, arrêtons-nous sur ce tout petit mot de deux lettres, ce petit mot si ordinaire, et qui claque comme une note de musique : le mot ‘là’. 

Il apparaît deux fois, je vous le disais, dans cet évangile, au début de chacun des deux paragraphes. « En ces jours-là » : une indication temporelle ; puis « ils étaient là » : une indication spatiale. ‘Là’, c’est donc un adverbe, chargé de préciser les circonstances de l’action qui se passe ; comme un doigt levé (celui de l’ange de l’illustration ci-dessus), il indique, il pointe une réalité précise et nous invite à la regarder : c’est là que ça se passe ! ‘Là’, ce n’est pas ‘ici’ ; puisque ‘ici’ marque le lieu exact où je me trouve, tandis que ‘là’ suppose une certaine distance, plus ou moins grande. Quand saint Luc s’adresse à nous, Chrétiens de Noël 2021 en France, il nous demande un petit effort : nous représenter ce temps passé, il y a deux millénaires, et ce pays lointain et différent. Pour l’écrivain, ce petit mot, ‘là’, est donc très puissant : il nous emmène en voyage, il nous propulse, à travers le temps et l’espace, jusque dans la scène de la nativité de Jésus-Christ. C’est un ‘là’ qui nous appelle, et qui nous dit : « Venez voir ! »

Si le mot ‘là’ exprime une distance, il exprime surtout une présence. Pendant les quatre semaines de l’avent, nous avons exercé notre patience, nous avons nourri notre attente, nous avons fait grandir notre désir de ce que Dieu nous rejoigne. Et nous sentions combien peut être douloureux le sentiment que Dieu est absent : « Mais t’es où ? Pas là, pas là… » comme chante Vianney (le chanteur, pas le curé d’Ars). Et voilà qu’enfin, dans cette nuit de Noël, Dieu est là. Lui qui était là-haut, au ciel, à une distance qui nous échappait, il est désormais là-bas, sur terre, à portée de main. Il suffit, comme les bergers, d’aller à la crèche pour voir cette merveille : en venant jusque-là, Dieu a voulu se rendre pour toujours disponible aux hommes. 

A la crèche, nous pouvons contempler et regarder l’enfant nouveau-né. Mieux : nous pouvons l’écouter. Mais que peut dire un bébé ? Il émet des petits sons plus ou moins articulés, et en termes techniques cela s’appelle la lallation – du latin ‘lallare’, chanter. Tiens donc ! Encore du là-là. Jésus, avant même de savoir parler et de prononcer les noms de ‘Maman’ et de ‘Papa’, a sans doute commencé en chantonnant « là-là », c’est-à-dire : « Je suis là ! » Le prophète Isaïe l’avait bien dit : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : ‘Dieu-avec-nous’. » Emmanuel, Dieu-qui-est-là-avec-nous : le premier mot qui vient sur les lèvres du Verbe de Dieu, de Celui qui est la Parole incarnée, c’est ce « là-là », qui exprime sa présence, son identité et son amour indéfectible pour nous : « Paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »

Vous le constatez : derrière ce mot minuscule, anodin, il y a tout un univers à découvrir. Dieu, que l’on n’osait pas imaginer car Il était si loin, si grand, est venu dans la réalité de notre vie. Il s’est incarné, c’est-à-dire qu’il est venu là, dans cet instant exact de l’histoire et dans ce lieu exact de la géographie : Noël, ce n’est ni un mythe, ni une légende, ni une histoire pour les gamins, c’est le récit de ce qu’il y a de plus vrai au monde. Et le Christ est venu dans un monde qui était las, épuisé, fourbu, mort de peur et de tristesse. Au terme de cette année 2021, il y a de bonnes raisons pour nous aussi de sentir de la lassitude, de l’épuisement. C’est bien pourquoi ce tout petit mot est tellement d’actualité.

Chers frères et sœurs, il y a deux siècles, dans la petite église de son petit village, saint Jean-Marie Vianney (le curé d’Ars, pas le chanteur) sentait que les mots lui manquaient pour dire à ses paroissiens l’essentiel qu’il voulait exprimer. Alors, pointant le tabernacle du doigt, il disait simplement : « Il est là… Il est là ! » Ce fut peut-être bien la meilleure homélie de toute sa vie. Ce soir, je ne saurais faire mieux que lui : celui dont l’image a été déposée au centre de la crèche – ce petit enfant-Jésus en figurine – il est là, réellement, dans l’eucharistie que nous célébrons et que nous allons recevoir. Lui aussi, dans l’hostie, Il est si petit qu’il peut aisément passer inaperçu. Si souvent, nous passons à côté de lui sans le remarquer. Alors, pour une fois, rendons-nous présents et disponibles. Et, tout simplement, soyons là pour Lui qui est là pour nous. 

Amen.

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